Temps de lecture : 5 minutes

TRIBUNE

Abdelghani Youmni

Ă©conomiste et consultant

PLF 2021 : un premier pas timide vers le pari de la justice fiscale

Temps de lecture : 5 minutes

La solidarité par la fiscalité, voilà une notion qui est plus que nécessaire en ces temps de crise. Le PLF 2021 est un premier pas vers une future réhabilitation du partage de la richesse et un timide premier pas vers la transition sociale tant attendue, estime Abdelghani Youmni.

Publié le 22/10/2020
|

Temps de lecture : 5 minutes

Temps de lecture : 5 minutes

S’il est vrai que l’épidĂ©mie progresse, que la vigilance devient de plus en plus notre pare-crise collective et que le masque est notre ultime outil social de confinement, cela nous amĂšne Ă  dire que face Ă  la convergence des risques sociaux, psychologiques et sanitaires le confinement n’est pas l’arbitrage du juste meilleur. Mais, l’arbitrage le plus juste serait de concilier entre combat pour la vie et combat pour l’économie, c’est tout le dĂ©bat. Dans ce sens, l’action du gouvernement et de l’exĂ©cutif marocains devra jouer un rĂŽle clĂ© pour freiner la casse sociale et limiter les faillites en cascades.



Mais s’il est vrai, que rien aujourd’hui ne permet d’exclure un rebond de l’épidĂ©mie et que rien ne permet d’exclure des confinements partiels par territoires ici et lĂ  ou des restrictions sur la mobilitĂ© de certaines catĂ©gories de citoyens, et qu’évidement la croissance Ă©conomique ne repartira au Maroc ni en V ni en L, mais en U pour cause d’incertitudes des mĂ©nages, de reprise au ralenti de la production et des Ă©changes commerciaux avec les principaux partenaires europĂ©ens et africains, le retour de la croissance Ă©conomique ne sera pas lĂ  avant 2022. Ce n’est pas une illusion, mais une quasi-certitude, cette reprise dĂ©pendra aussi de la pluviomĂ©trie. Au Maroc, l’ensemble des dĂ©penses de l’État montent pendant que les recettes rĂ©gressent, le dĂ©ficit budgĂ©taire est de 6,5% conjuguĂ© Ă  une rĂ©cession de 7,5%. Ce constat n’est pas seulement local ou rĂ©gional, mais il est mondial.



Dans ce Projet de loi de finances, je retiens que la nouvelle contribution sociale de solidarité ressemble à bien des égards à la contribution sociale généralisée «CSG» instaurée par Michel Rocard en France dans les années 1990.



Pour ce qui est du PLF 2021, doit-on acclamer « le vive l’impĂŽt » ? Moi, je dirai prudemment vive la justice fiscale, que seules des rĂ©formes bĂątiront le corpus d’une justice sociale Ă  naĂźtre. Notons qu’il est indĂ©niable que le PLF 2021 fait un pas vers la solidaritĂ© par la fiscalitĂ©. Cette quĂȘte du bien-vivre de la sociĂ©tĂ© entiĂšre serait un nĂ©cessaire bien commun dans le Maroc post-Covid. Dans ce projet de loi de finances, je retiens que la nouvelle contribution sociale de solidaritĂ© ressemble Ă  bien des Ă©gards Ă  la contribution sociale gĂ©nĂ©ralisĂ©e «CSG» instaurĂ©e par Michel Rocard en France dans les annĂ©es 1990. Une mesure fiscale que ce grand social-dĂ©mocrate avait couplĂ©e d’une vraie mesure sociale qui n’est que le Revenu minimum d’insertion devenu RSA sous Sarkozy, mais toujours versĂ© aux personnes fragiles pour lutter contre la prĂ©caritĂ© et contre la pauvretĂ© monĂ©taire.  



ConcrĂštement, la nouvelle contribution sociale de solidaritĂ© s’appliquera aux revenus dĂ©passant les 120.000 dirhams annuels privĂ©s et publics, agricoles et fonciers des personnes physiques Ă  hauteur de 1,5%. Elle est Ă©galement Ă©largie aussi aux entreprises pour prĂ©lever 5% sur les bĂ©nĂ©fices des sociĂ©tĂ©s actives dans les secteurs des hydrocarbures, des tĂ©lĂ©communications et de ciments, entitĂ©s Ă  fortes valeurs ajoutĂ©es, importants profits et peu d’emplois. Une mesure efficiente, courageuse et salutaire. Quant aux autres sociĂ©tĂ©s, elles ne seront prĂ©levĂ©es que de 2,5% en plus de l’impĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s. Cette mesure renflouera les caisses de l’État de plus de cinq milliards de dirhams, mais ne suffira malheureusement pas Ă  moyen et long termes Ă  financer la couverture sociale gĂ©nĂ©ralisĂ©e et le projet de transferts sociaux d’allocations familiales visant les mĂ©nages les plus vulnĂ©rables dans le cadre du RSU «Registre social unifié».



Admettons que ce PLF 2021 est un premier pas vers une future rĂ©habilitation du partage de la richesse et un timide premier pas vers la transition sociale tant attendue.



Admettons que ce PLF 2021 est un premier pas vers une future rĂ©habilitation du partage de la richesse et un timide premier pas vers la transition sociale tant attendue. Puis, reconnaissons aussi, et sans rĂ©serve, que ce projet de loi met le doigt sur un des dilemmes de notre Ă©poque : Â«l’enrichissement pour certains ou le bien-vivre pour tous ?».



Et pour finir, nous attendons avec impatience l’aube du vrai grand saut vers l’adoption par l’exĂ©cutif des requĂȘtes Ă©manant du plaidoyer populaire au Maroc, qui oppose inĂ©galitĂ©s et justice sociale et qui milite pour une rĂ©forme fiscale Ă©largie beaucoup plus structurelle et dans le temps que les simples mesures conjoncturelles dictĂ©es par les lois de finances. Cette refonte fiscale devra inclure l’impĂŽt sur les successions et l’impĂŽt sur la fortune, elle reprĂ©senterait un vrai big-bang pour le continent et pour le monde arabe, car elle dresserait les jalons d’une sociĂ©tĂ© de dĂ©mocratie plurielle qui se nourrit de l’impĂŽt progressif et s’irrigue de la productivitĂ© du travail dans le public et dans le privĂ©, sociĂ©tĂ© qui laminera la rente et les vellĂ©itĂ©s de l’assistanat.    


Laissez-nous vos commentaires

Mais encore

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire