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TRIBUNE
Ă©conomiste et consultant
PLF 2021 : un premier pas timide vers le pari de la justice fiscale
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La solidarité par la fiscalité, voilà une notion qui est plus que nécessaire en ces temps de crise. Le PLF 2021 est un premier pas vers une future réhabilitation du partage de la richesse et un timide premier pas vers la transition sociale tant attendue, estime Abdelghani Youmni.
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Sâil est vrai que lâĂ©pidĂ©mie progresse, que la vigilance devient de plus en plus notre pare-crise collective et que le masque est notre ultime outil social de confinement, cela nous amĂšne Ă dire que face Ă la convergence des risques sociaux, psychologiques et sanitaires le confinement nâest pas lâarbitrage du juste meilleur. Mais, lâarbitrage le plus juste serait de concilier entre combat pour la vie et combat pour lâĂ©conomie, câest tout le dĂ©bat. Dans ce sens, lâaction du gouvernement et de lâexĂ©cutif marocains devra jouer un rĂŽle clĂ© pour freiner la casse sociale et limiter les faillites en cascades.
Mais sâil est vrai, que rien aujourdâhui ne permet dâexclure un rebond de lâĂ©pidĂ©mie et que rien ne permet dâexclure des confinements partiels par territoires ici et lĂ ou des restrictions sur la mobilitĂ© de certaines catĂ©gories de citoyens, et quâĂ©videment la croissance Ă©conomique ne repartira au Maroc ni en V ni en L, mais en U pour cause dâincertitudes des mĂ©nages, de reprise au ralenti de la production et des Ă©changes commerciaux avec les principaux partenaires europĂ©ens et africains, le retour de la croissance Ă©conomique ne sera pas lĂ avant 2022. Ce nâest pas une illusion, mais une quasi-certitude, cette reprise dĂ©pendra aussi de la pluviomĂ©trie. Au Maroc, lâensemble des dĂ©penses de lâĂtat montent pendant que les recettes rĂ©gressent, le dĂ©ficit budgĂ©taire est de 6,5% conjuguĂ© Ă une rĂ©cession de 7,5%. Ce constat nâest pas seulement local ou rĂ©gional, mais il est mondial.
Dans ce Projet de loi de finances, je retiens que la nouvelle contribution sociale de solidarité ressemble à bien des égards à la contribution sociale généralisée «CSG» instaurée par Michel Rocard en France dans les années 1990.
Pour ce qui est du PLF 2021, doit-on acclamer « le vive lâimpĂŽt » ? Moi, je dirai prudemment vive la justice fiscale, que seules des rĂ©formes bĂątiront le corpus dâune justice sociale Ă naĂźtre. Notons quâil est indĂ©niable que le PLF 2021 fait un pas vers la solidaritĂ© par la fiscalitĂ©. Cette quĂȘte du bien-vivre de la sociĂ©tĂ© entiĂšre serait un nĂ©cessaire bien commun dans le Maroc post-Covid. Dans ce projet de loi de finances, je retiens que la nouvelle contribution sociale de solidaritĂ© ressemble Ă bien des Ă©gards Ă la contribution sociale gĂ©nĂ©ralisĂ©e «CSG» instaurĂ©e par Michel Rocard en France dans les annĂ©es 1990. Une mesure fiscale que ce grand social-dĂ©mocrate avait couplĂ©e dâune vraie mesure sociale qui nâest que le Revenu minimum dâinsertion devenu RSA sous Sarkozy, mais toujours versĂ© aux personnes fragiles pour lutter contre la prĂ©caritĂ© et contre la pauvretĂ© monĂ©taire.
ConcrĂštement, la nouvelle contribution sociale de solidaritĂ© sâappliquera aux revenus dĂ©passant les 120.000 dirhams annuels privĂ©s et publics, agricoles et fonciers des personnes physiques Ă hauteur de 1,5%. Elle est Ă©galement Ă©largie aussi aux entreprises pour prĂ©lever 5% sur les bĂ©nĂ©fices des sociĂ©tĂ©s actives dans les secteurs des hydrocarbures, des tĂ©lĂ©communications et de ciments, entitĂ©s Ă fortes valeurs ajoutĂ©es, importants profits et peu dâemplois. Une mesure efficiente, courageuse et salutaire. Quant aux autres sociĂ©tĂ©s, elles ne seront prĂ©levĂ©es que de 2,5% en plus de lâimpĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s. Cette mesure renflouera les caisses de lâĂtat de plus de cinq milliards de dirhams, mais ne suffira malheureusement pas Ă moyen et long termes Ă financer la couverture sociale gĂ©nĂ©ralisĂ©e et le projet de transferts sociaux dâallocations familiales visant les mĂ©nages les plus vulnĂ©rables dans le cadre du RSU «Registre social unifié».
Admettons que ce PLF 2021 est un premier pas vers une future réhabilitation du partage de la richesse et un timide premier pas vers la transition sociale tant attendue.
Admettons que ce PLF 2021 est un premier pas vers une future rĂ©habilitation du partage de la richesse et un timide premier pas vers la transition sociale tant attendue. Puis, reconnaissons aussi, et sans rĂ©serve, que ce projet de loi met le doigt sur un des dilemmes de notre Ă©poque : «lâenrichissement pour certains ou le bien-vivre pour tous ?».
Et pour finir, nous attendons avec impatience lâaube du vrai grand saut vers lâadoption par lâexĂ©cutif des requĂȘtes Ă©manant du plaidoyer populaire au Maroc, qui oppose inĂ©galitĂ©s et justice sociale et qui milite pour une rĂ©forme fiscale Ă©largie beaucoup plus structurelle et dans le temps que les simples mesures conjoncturelles dictĂ©es par les lois de finances. Cette refonte fiscale devra inclure lâimpĂŽt sur les successions et lâimpĂŽt sur la fortune, elle reprĂ©senterait un vrai big-bang pour le continent et pour le monde arabe, car elle dresserait les jalons dâune sociĂ©tĂ© de dĂ©mocratie plurielle qui se nourrit de lâimpĂŽt progressif et sâirrigue de la productivitĂ© du travail dans le public et dans le privĂ©, sociĂ©tĂ© qui laminera la rente et les vellĂ©itĂ©s de lâassistanat.