Du 5 au 22 août 1907 : le bombardement de Casablanca
Au début du XXe siècle, le Maroc se trouve dans une situation politique instable, entre les visées expansionnistes des puissances européennes et les tensions internes. La France, cherchant à étendre son influence en Afrique du Nord, voit en Casablanca une porte d’entrée stratégique. Cependant, la population locale s’inquiète de l’ingérence étrangère, notamment avec la construction d’une voie ferrée par les Français, perçue comme une atteinte à la souveraineté nationale.
Le 30 juillet 1907, l’assassinat de neuf ouvriers français à Casablanca, fief des tribus Chaouia, reconnues pour leurs guerriers farouches, déclenche une réaction immédiate et disproportionnée de la part des autorités coloniales. Sous prétexte de rétablir l’ordre, la France décide de bombarder la ville. Les navires de guerre positionnés au large de Casablanca ouvrent le feu, causant des destructions massives et des centaines de morts parmi la population civile.
Lire aussi : Le 14 août 1979 : l’allégeance de Oued Eddahab, déjà 45 ans
Le bombardement de Casablanca, aussi nommé guerre de la Chaouia ou bataille de Casablanca, dure plusieurs jours, semant la terreur dans la ville. Les quartiers entiers sont détruits, les maisons rasées, et les rues jonchées de débris. La population, prise au piège, tente de fuir ou de se cacher pour échapper aux explosions. Le bilan est lourd, tant en vies humaines qu’en dégâts matériels. Ce recours à la force brutale par la France envoie un signal clair : toute résistance à l’autorité coloniale sera sévèrement réprimée.
Un mois sanglant
Dans le détail, après l’insurrection du 30 juillet 1907 à Casablanca, des milliers de guerriers chaouis alliés du cheikh Ma El Aïnin envahissent la ville. Face à cette situation inattendue, la France, manquant d’informations, réagit en urgence en envoyant une flotte militaire depuis l’Algérie. Les consulats de France, de Suède et du Portugal, assiégés, nécessitent une intervention immédiate. Charles de Saint-Aulaire, aristocrate français, sur instruction de Paris, dépêche plusieurs navires de guerre : le croiseur Galilée, ainsi que le Condé, le cuirassé Amiral Aube et le Du Chayla, accompagnés de fusiliers marins. L’agitation à Casablanca reprend rapidement.
Le 1er août, le Galilée est rejoint par les croiseurs cuirassés Gueydon, Jeanne d’Arc et Forbin, ainsi que par la canonnière espagnole Álvaro de Bazán. Le 5 août, après des échanges de tirs faisant cinq blessés français, le bombardement commence. La ville est frappée durement, en particulier le quartier populaire de Tnaker (près du port) et les lieux saints, tels que la Grande Mosquée. Les portes d’enceinte sont ciblées pour empêcher les renforts chaouis d’entrer.
Lire aussi : Casablanca : entre patrimoine et anarchie urbaine
Le 6 août, les bombardements persistent et les troupes françaises débarquent. Le 7 août, après des combats acharnés, les forces françaises reprennent le contrôle de Casablanca. La ville, jadis prospère avec 30.000 habitants, est réduite en ruines. Les estimations des victimes varient de 600 à 3.000, laissant peu de survivants dans la ville dévastée.
Les répercussions politiques
Le bombardement de Casablanca inaugure la troisième guerre du Maroc. Ce conflit représente la première guerre de décolonisation mondiale, où le peuple marocain affronte armement les Français et d’autres puissances européennes.
L’attaque de Casablanca précipite l’établissement du protectorat français en 1912, mais elle contribue également à renforcer le sentiment nationaliste et la résistance parmi les Marocains. La violence des bombardements est perçue comme un acte de barbarie qui ne fait qu’attiser la haine contre l’occupant.
Face à cette agression, une prise de conscience nationale émerge au sein de la société marocaine. Des figures emblématiques de la résistance commencent à se manifester, prônant la défense de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays. Si la révolte est, dans un premier temps, réprimée avec violence, les fondations de la lutte pour l’indépendance sont bel et bien posées.