La demi-finale de la Coupe du monde de football opposera la France au Maroc. La qualification d’un pays émergent à ce niveau de la compétition est rarissime. Cet événement est-il lié à l’essor économique du royaume chérifien ?
La corrélation entre développement économique et performance footballistique est très forte, démontre une étude menée par des économistes du sport – Stefan Szymanski et Melanie Krauze – sur la période 1950-2014. Leur conclusion : les pays dotés d’une longue expérience du ballon rond, d’un très bon niveau de développement et très peuplés, ont de fait une expertise et des moyens financiers importants pour former les talents détectés. Ils sont les mieux placés pour gagner la compétition. À travers ce portrait-robot, on reconnaît tout de suite les grandes nations du ballon rond, d’Europe et d’Amérique du Sud. Pour rejoindre cette élite, il faut donc réunir toutes ces caractéristiques.
Le Maroc coche une partie de ces cases
C’est une démographie vigoureuse avec 37 millions d’habitants plus quatre millions à l’étranger. Et une économie en pleine transformation depuis vingt ans. Le royaume a mis les bouchées double pour émerger, en développant une industrie destinée à l’exportation. Et logiquement, le ballon rond en a profité. Le centre de formation de football capable de rivaliser avec les équivalents européens en témoigne. Son coût, treize millions d’euros, est un investissement lourd à l’aune de son niveau de développement. L’académie Mohammed-VI a été créée en 2009 pour former les futurs joueurs de la sélection nationale. Elle a, en partie, rempli sa mission cette année, plusieurs des joueurs présents au Qatar sont issus de cette école d’excellence.
Les Marocains peuvent donc rêver de la finale ?
Après avoir battu des grands pays de football comme la Belgique, l’Espagne ou le Portugal, ils ont de bonnes raisons d’y croire. Mais l’histoire de la Coupe du monde nous enseigne que lorsqu’un pays émergent parvient à ce niveau de la compétition, surmonter de nouveaux obstacles devient de plus en plus improbable. Car si le Maroc élimine la France, il y aura encore une autre grande nation de foot à vaincre : l’Argentine ou la Croatie.
C’est comparable au fossé qui sépare les économies émergentes des économies avancées. Le franchir paraît souvent hors de portée. Cette année, des avanies en série, le Covid-19, la sécheresse, et maintenant l’inflation, sont par exemple en train de freiner brutalement la croissance de l’économie marocaine et de la ramener des années en arrière en termes de lutte contre la pauvreté.
La France, grand favori des demi-finales, est aussi l’un des tout premiers partenaires économiques du royaume
La France est le premier investisseur du Maroc et le Maroc le plus grand bénéficiaire de l’aide fournie par l’agence française du développement. Mais cette apparente « soumission » économique n’est pas éternelle. Sur ce terrain-là, comme sur le gazon, les lignes sont en train de bouger entre les deux pays. En Afrique subsaharienne où le Maroc est très actif, il est perçu, à tort ou à raison, comme un concurrent de la France. Les Marocains dominent par exemple le secteur bancaire autrefois contrôlé par des établissements tricolores.
Dans le domaine de la défense, et de l’industrie qui va avec, Rabat compte désormais sur son rapprochement avec Israël pour développer une filière d’export. Il y a bien un match économique entre l’ancienne puissance coloniale et le nouveau poids moyen du continent. Paris en a pris la mesure et vient de nommer à Rabat un nouvel ambassadeur rompu aux questions économiques. Christophe Lecourtier était jusqu’alors patron de Business France, la structure chargée de doper la présence des entreprises françaises à l’étranger. Mais sur la pelouse mercredi soir, place au sport, et que le meilleur gagne !