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Autisme : ce que le Maroc ne voudrait voir

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Il était une fois, dans un pays merveilleux, où tous les enfants, habillés de leur uniforme, se ressemblent. Rien ne les différencie, et il ne saurait en être autrement. Mais dans le plus beau pays du monde, la différence se paye cher. Bienvenue au Maroc, une contrée qui se voudrait conforme, où une personne en situation de handicap n’a pas forcément sa place. Lui dire en face ? Jamais. On lui fera sentir, doucement, mais sûrement, par des retards de remboursement, des refus de scolarisation, des moqueries assumées… Et puis maintenant, par un refus de subventions pour les associations dédiées. Car cet enfant n’a pas les mêmes droits que ses concitoyens. Lui, c’est une personne atteinte du trouble autistique. Frappé dans son établissement scolaire, malmené par ses professeurs, humilié par ses camarades… Immersion dans le quotidien de cet être sans défense.

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À coup de publicités, de communiqués, de reportages… le Maroc ne cesse de démontrer à la face du monde qu’il est un pays inclusif, qui sait donner sa chance à chacun de ses citoyens. Mais la réalité est tout autre. Un citoyen non-actif, qui, de ce fait, ne participera jamais activement aux finances du pays, est mis de côté. De seconde zone, pourraient dire certains. Les problématiques rencontrées par les personnes autistes et leurs familles sont tellement nombreuses, qu’il est compliqué de trouver un début à tout cela. Dernier fait en date : les associations dédiées aux personnes à besoins spécifiques devraient voir les aides étatiques diminuer drastiquement.

Les subventions qu’elles recevaient pour chaque enfant seront dorénavant versées aux parents, directement… Cela peut passer pour une bonne initiative, mais il y a anguille sous roche. Cette aide mensuelle, à hauteur de 200 dirhams, devrait permettre aux parents de scolariser leurs enfants. Si certains ont une assurance privée, ou sont couverts par la CNSS, et perçoivent, de ce fait, certains remboursements, d’autres n’ont pas cette chance, et doivent faire avec le peu de moyens qui leur sont alloués.

Autisme : ce que le Maroc ne voudrait voir

Pourtant, il suffit de se rendre dans l’une de ces associations pour constater l’ampleur des besoins en matériels pédagogiques et sportifs nécessaires. Privé, comme public, les établissements ont constamment besoin de rafraîchir, de recruter, d’innover. «Nous prenons en charge des enfants de 2 à 26 ans, jusqu’à professionnalisation. Nous avons des éducateurs spécialisés, des aides-éducateurs, ainsi que des paramédicaux, à savoir orthophonistes, psychomotriciens et une psychologue», détaille Sofia Habib, directrice de la Maison des Songes de Casablanca, école d’éducation spécialisée.

Du côté des associations, même son de cloche. Entre les locaux et le personnel, la facture peut rapidement monter en flèche. Exemple : À Casablanca, le Centre Amal pour enfants aux besoins spécifiques mentaux accueille des filles et garçons âgés de 5 à 26 ans et offre des services éducatifs, médicaux et paramédicaux. «Quelque 360 personnes ont bénéficié de l’association et plus de 50 d’entre elles ont été insérées dans des programmes d’éducation inclusive, dont certaines excellent même dans des écoles publiques», explique Touria Mabrouk, présidente de l’association.

Si le centre dispose d’équipements et d’outils pédagogiques de qualité répondant aux normes internationales, et les membres du personnel bénéficient de formations continues afin de rester à jour avec les avancées scientifiques, cette suppression budgétaire pourrait bien impacter le bon déroulé de l’accompagnement mis en place par l’association.

«Chaque enfant bénéficie d’un programme pédagogique individuel, avec une évaluation régulière de ses progrès et de ses besoins, impliquant divers professionnels de la santé», ajoute la responsable.

Pourquoi les parents d’autistes ne recourent-ils donc pas aux établissements dédiés, et moins chers ? La réponse peut paraître folle, mais ces établissements ne sont pas tous réellement reconnus par les différentes Commissions provinciales du développement humain (CPDH), ou en encore par l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) ! Et pour cause : de “faux” établissements, il y en a à l’appel.

Certains ont été fermés, suite à des poursuites judiciaires, d’autres arrivent à passer entre les mailles du filet, à coup de fausses promesses. C’est, malheureusement, dans ces pâles imitations d’école, que les enfants atteints du trouble autistique subissent leurs premières maltraitances.

La maltraitance scolaire

Dès le début de leur vie, les enfants autistes apprennent ce que le mot rejet veut dire. Longtemps considéré comme un état de folie, la vulgarisation de l’autisme comme handicap ne s’est faite que très récemment. Jusqu’alors, les familles ne savaient que faire pour dégoter un traitement adapté à leurs progénitures. Malgré la reconnaissance de cet handicap, les choses ne se sont pas forcément arrangées. Il n’y a toujours pas de recensement officiel des enfants à besoins spécifiques scolarisés et non scolarisés, mais seulement une étude de terrain, non relayée par les ministères. Et pourtant, le nombre de nouveau-nés atteints d’autisme a considérablement augmenté ces dernières années. «En 1995, nous parlions d’une naissance sur cent pour l’autisme. Actuellement, nous sommes sur un taux en forte augmentation avec une naissance sur 55 à 70», explique Qari Hafid, vice-secrétaire général de Collectif Autisme Maroc, et président de l’association Malak pour enfants autistes, à El Jadida. Ladite association compte néanmoins réaliser, en septembre 2024, un recensement régional avant de l’étendre au niveau national.

Lire aussi : Campagne de sensibilisation « 1 enfant sur 50 naît autiste »

En attendant, chaque famille doit faire des pieds et des mains pour trouver un établissement scolaire acceptant leur enfant, à défaut d’avoir une association dédiée dans sa ville. Dans les grandes villes, il y a bien quelques écoles dédiées à prix d’or que peu de ménages peuvent se permettre. Pour cette catégorie de la société, il y a les petites écoles «dédiées» aux enfants à besoins spécifiques. Et même là, il y a à boire et à manger. Chaque année, elles ouvrent à foison, se targuent d’être spécialisées dans le domaine, mais n’ayant aucune reconnaissance étatique. Elles engagent, pour la plupart, des personnes sans expériences (petits prix obligent) et au final, provoquent un sentiment d’impuissance et de déception chez les parents. Pis encore, elles peuvent aller jusqu’à atteindre l’enfant dans sa psychologie.

On s’explique. L’une d’elles, basée à Casablanca, réservait à ses élèves en situation de handicap, des punitions dignes d’un temps révolu. «La maîtresse de ma fille la punissait en lui jetant de l’eau froide, été comme hiver, à l’aide d’un tuyau. Tout cela parce qu’elle ne tenait pas en place… mais elle est autiste !», nous déclare un papa effaré.

Dans un autre établissement du même genre, fermé depuis quelques années, une maman a remarqué de drôles de champignons sur le corps de son fils. Un médecin lui expliquera qu’il s’agit d’une indigestion de saletés. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle apprit que cela venait des toilettes de l’école. Toilettes dans lesquelles la directrice enfermait son fils, pendant des heures, afin qu’il ne la dérange pas. «Seul Dieu sait ce qu’il faisait pour s’occuper pendant des heures dans ses toilettes», nous raconte la maman.

Une troisième école, a su, elle aussi, briller de mille feux dans le tableau de la maltraitance. C’est en donnant sa douche à son fils, qu’une maman casablancaise a constaté la présence de plusieurs bleus sur le corps de son fils. Se plaignant auprès de sa maîtresse, elle apprend qu’un autre enfant autiste, frappe constamment ses camarades. Les bleus augmentant à vue d’œil, elle décide de se rendre chez la maman de l’enfant en question. Et quelle ne fût pas sa surprise de voir que l’autre enfant présentait les mêmes œdèmes sur son corps. Les coups venaient de la maîtresse elle-même, contre qui elles ont décidé de porter plainte.

Si la maltraitance vient du corps enseignant himself, comment inculquer aux enfants une éducation convenable ?

Et ceci n’est que la partie visible de l’iceberg. Une fois en classe, le calvaire des familles n’est pas fini. Les cris de l’enfant, la difficulté d’adaptation, le retard scolaire pris, dans certains cas, leur sont immédiatement reprochés par les professeurs. Selon deux AVS (Auxiliaire de vie scolaire) interrogées dans le cadre de cette enquête, c’est à elles de s’adapter au programme, et de le communiquer à l’enfant autiste. Le professeur ne les aide en rien, ne leur communique rien, pis encore, il démontre clairement à l’enfant qu’il n’a pas à s’occuper de lui et que son effort s’arrête à l’accepter dans sa classe. Et cela se passe dans des missions privées. Excusez du peu.

Outre ce point, en termes d’éducation, les parents ont énormément de mal à trouver une AVS qualifiée. Et pour cause, le titre d’auxiliaire de vie scolaire n’est pas encore reconnu, ni son diplôme d’ailleurs. Trouver une personne réellement qualifiée relève du miracle. Par ailleurs, les personnes formées à ce poste, n’ont, malheureusement, pas accès aux mêmes droits que les professeurs. Étant souvent directement engagées par les familles, elles sont souvent payées au black, sans assurance et sans retraite.

Le mensonge de l’école inclusive

Les résultats d’une recherche sur “les droits des enfants en situation de handicap à une éducation inclusive” ont été dévoilés mercredi 5 juin à Rabat, lors d’un atelier organisé par la Commission régionale des droits de l’homme (CRDH) de la région, en collaboration avec l’Académie régionale de l’éducation et de la formation (AREF).

Cette étude a fourni une analyse de l’éducation inclusive dans les établissements scolaires nationaux, considérée comme un droit culturel, civil, économique, politique et social, et un prérequis essentiel pour bâtir une société équitable et durable.

Lors de cet événement, Farouk Alioua, coordinateur du groupe de travail sur l’éducation inclusive, a souligné que cette recherche «se fait l’écho des interrogations des parents d’enfants en situation de handicap et de la société civile qui interpellent les autorités publiques au sujet des politiques concernant l’éducation et la formation de cette catégorie de la société».

Professeur Alioua a mentionné qu’une étude a révélé que 2 personnes sur 3 en situation de handicap ne sont pas scolarisées, dont environ 70% sont des femmes. De plus, 1.619 personnes en situation de handicap ont atteint le niveau primaire, et 189 le niveau secondaire. Il a rappelé, en se basant sur la deuxième enquête nationale sur le handicap de 2014, que le taux de prévalence du handicap au niveau national est d’environ 7% et qu’une famille sur quatre a au moins une personne en situation de handicap.

Lire aussi : Plus de 400.000 marocains touchés par l’autisme

Comme précisé, normalement, dès son entrée dans une école généraliste, l’enfant doit être accompagné d’une AVS. Outre ce point, l’accessibilité géographique de l’école acceptant un enfant en situation de handicap pose souvent problème aux familles.

Le suivi éducatif est donc très compliqué pour les enfants autistes, et ce, à trois niveaux, selon l’étude du Professeur Alioua : la Commission d’orientation et d’affectation, l’établissement et la classe.

«On déplore un manque ou l’absence de professionnels en mesure de répondre au nombre et à l’impératif d’un travail de qualité», révèle ladite étude.

Autre souci : la mise en place du dispositif dès le préscolaire. L’inclusion précoce est importante pour assurer à tous les enfants en situation de handicap (ESH) une éducation de qualité et le développement de leur potentiel au maximum. Aussi, au lieu de s’en remettre à 100% à l’AVS, l’établissement pourrait mettre en place le repérage des difficultés dès la petite enfance. Cela permettra, notamment, d’entreprendre les actions nécessaires pour aider ces enfants. C’est la définition basique d’une école inclusive. Un minimum qui reste loin de ce qui est proposé actuellement au Maroc. Un modèle qui s’apparente plus à un business et qui a pour seul but de faire du cash, quitte à encombrer les classes en accueillant plus d’élèves.

D’une école spécialisée à publique

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Centre Amal pour enfants aux besoins spécifiques mentaux

Encadrés tout au long de leur scolarité par des éducateurs spécialisés, des orthophonistes, des psychomotriciens et des psychologues, les enfants vont développer, peu à peu, leur indépendance. Dans certains cas, c’est une véritable success story. «Les enfants qui en sont capables sont envoyés à l’école publique, encadrés par des AVS. Ils sont quelques heures à l’école, et le reste du temps au centre, de manière graduelle. Nous connaissons tous le coût élevé des AVS, l’association les prend donc en charge, à la place des parents », nous explique Mabrouk Touria, présidente du centre Amal.

«Si le psychologue juge l’enfant apte à intégrer une école publique et à suivre son programme scolaire, il est envoyé avec, évidemment, un suivi de notre part, tout au long de l’année», poursuit la présidente.

La grande braderie

Lorsqu’une école est reconnue par l’État, elle est aussi, en partie, remboursable par la CNSS. Idem pour les soins de santé habituels. La CNSS a d’ailleurs pris une mesure sans précédent pour les enfants en situation de handicap. Tous les parents reçoivent une pension de 300 dirhams mensuels pour chaque enfant, et ce, jusqu’à leur majorité. Dans le cas des enfants en situation de handicap, la pension ne s’arrête pas à leur majorité. Les parents continuent de la percevoir tout au long de leur vie.

Si c’est un avancement, il est loin d’être suffisant. «La prise en charge est insuffisante, par exemple pour une facture de 3.200 dirhams, nous ne sommes remboursés qu’à hauteur de 1.360 dirhams », explique la maman d’un adolescent de 14 ans à Le Brief. De surcroît, les remboursements ne se font pas immédiatement. Les familles ne les reçoivent que le 22 ou 23 du mois suivant. Les familles qui n’ont pas les moyens d’avancer la somme, doivent donc se passer de certains soins importants, telle que l’orthophonie ou l’ABA (Analyse comportementale appliquée).

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Outre ce point, des services, comme ceux des AVS, ne sont pas pris en charge, quelle que soit l’assurance utilisée. Pourtant, dès leur inscription dans une école, dite inclusive, les établissements requièrent la présence d’une AVS, sans quoi l’enfant ne peut accéder à l’école. «L’AVS de mon fils est tombée malade une fois, l’école a refusé de laisser entrer mon fils, même pour quelques heures seulement», déclare une maman ayant choisi l’école française pour son enfant.

Revenons aux problèmes de remboursement. Les familles constatent aussi, qu’au niveau des assurances, le mot autisme, n’est pas précisé. Il faut cocher la case handicap, alors que chaque handicap a ses propres besoins en soins, et donc ses propres remboursements. À titre d’exemple, lorsqu’un enfant autiste se rend chez un dentiste, il a besoin d’une anesthésie locale, pour tenir en place et laisser le médecin lui soigner une carie. C’est une préparation inéluctable dans le cas de l’autisme, pourtant, les parents ne sont remboursés que sur les soins de la dent. Sans anesthésie locale, le dentiste ne peut soigner l’enfant. C’est donc une opération qui concerne tous les enfants autistes. Ce détail de soin n’est pas pris en compte par les assurances.

Et après…

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Centre Amal pour enfants aux besoins spécifiques mentaux, Casablanca

Si certains enfants autistes ont droit à une insertion professionnelle, d’autres n’ont malheureusement pas cette chance. Les parents poursuivent alors leur rôle… jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus assumer cette responsabilité.

La question fatidique est la suivante : que va-t-il advenir de ces enfants, une fois adultes ou (disons-le franchement) orphelins ? Si actuellement, avec leurs parents en vie, les aides, les remboursements et les subventions ne sont pas au rendez-vous, comment vont-ils faire après pour subvenir à leurs besoins ?

Le travail acharné des parents finira-t-il par payer ? Leurs enfants percevront-ils la retraite de leurs parents défunts ? Un encadrement sera-t-il possible par l’État ? Ces questions ont été soulevées avec la CNSS. À ce jour, la rédaction de Le Brief attend les réponses, qu’elle ne manquera pas de publier dès réception…

*Note de la rédaction : Le regard d’autrui

La charge mentale supportée par les parents des enfants autistes est immense. Souvent montrés du doigt dans la rue, moqués, les enfants autistes, même non-verbaux, pour certains, comprennent ce qui se passe. L’ensemble des témoins de cet article ont des anecdotes poignantes et douloureuses sur le manque d’ouverture d’esprit, de compréhension et de compassion des gens autour d’eux. Et cela commence par la famille proche, lorsque cette même tante demande à chaque repas familial si l’enfant ne parle toujours pas. Ça se poursuit dans les grandes surfaces, lorsque l’enfant, en contact avec beaucoup de gens, s’agite tout à coup et angoisse lorsque de plus en plus de gens le regardent de travers. À l’école, lorsque les parents favorisent l’école classique, où les camarades ne vont pas forcément faire le premier pas, au risque d’être “stigmatisés”. Ô combien de parents ont partagé avec nous un nombre incalculable de disputes, d’agressions, de bagarres, d’insultes auxquelles ils ont pris part pour défendre leur enfant, allant parfois jusqu’au commissariat de police. La souffrance de ces parents est immense, et suffisante, et le regard d’autrui peut, lui, faire très mal…

 

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