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Voir Gaza, puis mourir

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A l’heure où nous écrivons ces lignes, 36 journalistes et professionnels des médias ont été confirmés morts : 31 Palestiniens, 4 Israéliens et 1 Libanais. 8 journalistes auraient été blessés, 3 journalistes sont portés disparus et 8 journalistes auraient été arrêtés.

Le conflit à Gaza a entraîné la période la plus meurtrière pour les journalistes en Israël et dans les territoires occupés depuis que le comité a commencé à suivre les décès de journalistes en 1992, a déclaré la directrice des urgences du Comité de protection des journalistes (CPJ), Lucy Westcott.

Dernier en date : Mohammad Abu Hattab, correspondant de Palestine TV, et 11 membres de sa famille ont été tués jeudi dans le sud de Gaza. Abu Hattab avait fait un reportage en direct jeudi soir devant l’hôpital Nasser à Gaza. 30 minutes plus tard, alors qu’il rentrait chez lui, le correspondant a été tué, a rapporté sa chaîne.

30 minutes seulement, c’était lui, devant cet hôpital, à la place de son collègue qui s’effondre en direct en apprenant sa mort. En pleurs, le journaliste Salman Al Bashir déplore : «Nous ne pouvons plus supporter ça. Nous sommes épuisés, nous sommes ici des victimes et des martyrs attendant notre mort, nous mourons les uns après les autres et personne ne se soucie de nous ni de la catastrophe à grande échelle et du crime à Gaza», a-t-il déclaré.

«Aucune protection, aucune protection internationale du tout, aucune immunité contre quoi que ce soit, cet équipement de protection ne nous protège pas, ni ces casques», a poursuivi Al Bashir, en retirant son propre casque et son gilet de protection, sur lesquels était inscrit « PRESS » en lettres brillantes. «Ce ne sont que des slogans que nous portons, cela ne protège aucun journaliste», a-t-il déclaré, la voix brisée.

En direct à l’antenne, le journaliste dit «perdre des âmes les unes après les autres, sans aucun prix, nous passons pour des martyrs, nous attendons notre tour, les uns après les autres».

Des pertes sans précédent

Il y a une semaine, le chef du bureau d’Al Jazeera à Gaza, Wael Al Dahdouh, était revenu à l’antenne moins de 24 heures après que sa famille entière ait été tuée mercredi dans des raids israéliens.

Lire aussi : À Gaza, ceux qui couvrent la réalité de la guerre meurent en silence

Dans le sud du Liban, le journaliste de l’agence Reuters Issam Abdallah, a été tué. Six autres journalistes ont été blessés, dont deux de l’Agence France Presse (AFP), dans une frappe israélienne survenue le 13 octobre dernier et qui les aurait directement ciblés.

Car portant casques et gilets siglés «Press», «il est impossible qu’ils aient été confondus avec des combattants. Ils étaient à découvert depuis plus d’une heure, en hauteur sur une colline, donc clairement visibles», dit un enquêteur de Reporters Sans Frontières (RSF). «Les premières conclusions de l’enquête permettent d’établir que les reporters n’ont pas été des victimes collatérales de tirs», selon l’organisation.

La dernière fois que les journalistes ont été confrontés à un danger aussi accru en Israël, c’était lors de la deuxième Intifada du début des années 2000, lorsque plus de 4.300 personnes sont mortes en plus de quatre ans de combats. Le CPJ avait alors documenté la mort de 13 journalistes, un nombre désormais dépassé par les dernières hostilités.

Un exercice dangereux

Informer à Gaza, devient de jour en jour un travail plus périlleux. Les conditions de vie et d’exercice du métier de journaliste sont de plus en plus extrêmes. Eau et nourriture sont rares, les bombes pleuvent autour d’eux. «L’atmosphère est au désespoir», témoigne l’AFP.

Pris en étau dans une zone pilonnée sans relâche, quand ce ne sont pas leurs bureaux ou eux-mêmes qui sont visés, les reporters continuent pourtant de nous informer. Sur la base de rapports préliminaires, le CPJ a estimé que «48 installations médiatiques à Gaza ont été touchées ou détruites».

Lire aussi : Gaza aura mis à nu l’essence de l’Homme et l’«intégrité» journalistique

Ce vendredi, le bureau de l’AFP, dans la bande de Gaza, a été gravement endommagé. Aux côtés d’Al Jazeera, l’AFP est l’une des trois grandes agences de presse internationales à disposer d’un «live vidéo», transmettant des images en direct à Gaza, qui n’a pas été interrompu malgré les dégâts.

Interrogé par l’AFP, un porte-parole de l’armée israélienne a déclaré que ses services avaient «vérifié [l’information] à de multiples reprises» et qu’il n’y avait «pas eu de frappe de [l’armée israélienne] sur le bâtiment» de l’AFP à Gaza.

Détruire la mémoire même

Les forces israéliennes ont démoli le mémorial de la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh, en Cisjordanie occupée, et détruit la rue où un soldat israélien lui a tiré dessus. Les témoins ont expliqué que «l’armée a délibérément vandalisé la rue et qu’un bulldozer militaire a rasé la rue portant le nom de Shireen Abu Akleh, correspondante de la chaîne qatarie Al Jazeera, où se trouve son mémorial».

Nasser Abu Bakr, président du Syndicat des journalistes palestiniens (PJS), a déclaré : «Il s’agit d’un acte de destruction monstrueux. La famille et les amis de Shireen ont trouvé du réconfort en visitant l’endroit où elle a été abattue et en lui rendant hommage. Cet acte de vandalisme gratuit est sûrement une revanche sur le rapport qui vient d’être publié par l’ONU, qui affirme que les forces israéliennes « ont tué Abu Akleh, volontairement ou imprudemment». Cela souligne la nécessité que son cas fasse l’objet d’une enquête de la Cour pénale internationale CPI, auprès de laquelle la FIJ a déjà déposé une plainte».

La Fédération internationale des journalistes (FIJ) s’est jointe à son affilié, le Syndicat des journalistes palestiniens (PJS), pour condamner cet acte de vandalisme et rappelle la Cour pénale internationale (CPI) pour qu’elle enquête sur le meurtre de Shireen Abu Akleh.

C’est la deuxième fois que le mémorial de Shireen Abu Akleh a été détruit dans les 4 mois suivant son inauguration le 11 mai 2023, coïncidant avec le premier anniversaire de son assassinat, et érigé sur le lieu du crime.

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