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Les Marocains sont en colère en cette rentrée et n’acceptent plus d’être humiliés par les représentations consulaires étrangères. La France, qui a pris une décision politique de réduire le nombre de visas délivrés aux Maghrébins pour obliger les gouvernements marocain, algérien et tunisien, d’accueillir les ressortissants refoulés du sol français, a créé un sentiment d’injustice et de mépris chez les citoyens. Quelque soit la situation sociale et financière du demandeur et son historique d’obtention du visa Schengen, sa demande peut être rejetée sans justification.
Des centaines de demandes présentées par des personnes appartenant à diverses catégories socio-professionnelles ont abouti sur des refus. Hommes d’affaires, médecins, artistes, sportifs et autres ont été choqués par ce refus, surtout ceux qui ont l’habitude de se rendre régulièrement en Europe. «Si vous commettez l’outrecuidance de demander le motif du rejet de la demande de visa, la société TLS Contact vous redirige vers le consulat français sauf qu’il est quasiment impossible qu’on vous y accueille puisque ce dernier a fermé tous ses guichets et il ne reçoit que sur rendez-vous», témoigne Houda, dentiste.
L’Istiqlalien Adil Benhamza a révélé, dans une interview accordée à la radio française Monte Carlo Doualiya, que les autorités françaises ont refusé d’octroyer le visa à un homme d’affaires dont l’entreprise réalise un chiffre d’affaires dépassant les 300 millions de DH annuellement. Le comble c’est que le prétexte du refus est que ce chef d’entreprise «n’a pas les garanties pécuniaires suffisantes pour passer des vacances en France»…
Les clarifications de l’ambassade de France au Maroc n’ont pas été convaincantes. En réponse aux questions de Telquel.ma, l’ambassade a affirmé qu’il n’y a aucun arbitraire dans le traitement des demandes et que les taux de refus évoqués ne correspondent pas à la réalité.
Pourtant les chiffres officiels prouvent le contraire. En 2021 déjà, la France a accordé 69.408 visas aux Marocains soit une baisse de 30% par rapport à 2020. Avant la pandémie, en 2019, la France avait accordé 346.042 visas au Maroc. Bien entendu, le refus entraine une perte des frais payés. La compagnie TLS prévient sur son site web avec une annotation en vert : «Le paiement des frais de visa et des frais de service ne garantit pas qu’un visa soit accordé. Les frais de visa et frais de service sont tous deux non remboursables et non transférables si la demande de visa est refusée par l’administration ou si le demandeur décide de mettre fin à sa demande». On parle de 830 DH pour les frais de visa et 316 DH de frais de service, soit la coquette somme de 1146 DH par personne. À savoir que les enfants de 6 à 12 ans paient 420 DH en plus des 316 DH de TLS alors que les enfants de moins de 6 ans sont exonérés. Les frais de service «correspondent au service standard de traitement de la demande de visa par TLScontact (information, prise de rendez-vous, collecte de la demande de visa, saisie de données, etc.)», précise TLS.
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Levée de boucliers
En plus des réactions virulentes des internautes qui parlent d’humiliation et menacent de boycotter le « Made in France », le sujet fâche plusieurs acteurs associatifs à l’instar du président de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC). Bouazza Kherrati a adressé une correspondance à l’ambassadrice de France au Maroc, l’appelant à restituer les frais des visas non délivrés aux citoyens marocains par les consulats français. Kherrati a évoqué le principe du service non réalisé et a regretté également le manque de transparence de l’opération. Selon ses dires, les restrictions d’octroi de visas ont été imposées par le gouvernement français sans avoir informé le demandeur (consommateur) sur les nouvelles modalités de délivrance, pointant du doigt le non-respect du droit à l’information. Par ailleurs, le président de la FMDC soutient que la société intermédiaire entre le consulat et le consommateur, TLS, n’a pas l’autorité légale de détenir les données personnelles.
Ce dernier point exaspère également deux autres ONG, à savoir l’Association maroco-italienne de défense des droits de l’Homme et l’Organisation pour la promotion du développement économique et social qui soulignent que l’accès aux données des demandeurs de visa (compte bancaire, adresse de résidence…) est en contradiction avec les lois internationales en la matière.
Un procès d’ampleur sera engagé contre les représentations diplomatiques européennes à Rabat devant le Tribunal de l’Union européenne (UE) au Luxembourg par l’Association maroco-italienne de défense des droits de l’Homme et l’Organisation pour la promotion du développement économique et social. Les deux ONG comptent invoquer le préjudice juridique, symbolique, matériel, professionnel, moral et humain provoqué par les rejets des demandes de visas de certains pays surtout lorsque des professionnels tels que des médecins et des experts sont empêchés d’assister à des conférences médicales ou scientifiques.
L’ambassadrice de France au Maroc, Hélène Le Gal, s’était déjà attiré les foudres des internautes marocains après un tweet sur un concert animé par le rappeur El Grande Toto à Sète alors qu’il s’était vu refuser le visa. Plusieurs inconditionnels de la twittoma ont critiqué le commentaire «déplacé» de la diplomate et critiqué la «condescendance» de la publication d’Hélène Le Gal. Selon eux, il aura fallu qu’une personnalité connue dénonce le refus de sa demande pour que les services consulaires français fassent enfin leur travail.
Hier soir, c'est passé inaperçu, @elgrandetoto a donné son concert à Sète.
— Hélène Le Gal (@HeleneLeGal) August 14, 2022
Rendez-vous chez les autres pays et arnaques en tout genre
Impossible de trouver un rendez-vous sur les sites des différentes sociétés sous-traitantes des consulats européens (TLS, BLS…). De ce fait un business s’est développé autour des rendez-vous. Certains de nos concitoyens ont dû payer 1.000 DH pour pouvoir déposer une demande de visa auprès du consulat d’Espagne via la société BLS. Les plus chanceux ont décroché leur rendez-vous alors que d’autres ont été victimes d’arnaques. Dans un récent post sur son compte LinkedIn, le directeur du Centre monétique interbancaire (CMI), Ismail Bellali, a dénoncé une arnaque des rendez-vous de visas Schengen. «Devant l’appétit des citoyens à obtenir des RDV pour les demandes de Visa Schengen auprès des centres BLS et TLS, des mercenaires se sont installés et prétendent vendre des RDV proches. Ils proposent leurs services sur les réseaux sociaux», alerte Bellali. Il ajoute aussi qu’«il s’agit d’une opération de paiement pour une recharge de la Mwallet de l’escroc. Ce dernier ne se contente pas d’une unique opération. Il affirme à la victime que le paiement a échoué sous prétexte qu’il a mal saisi le code et il recommence l’opération une 2e fois, une 3e fois…». Impossible alors pour la victime de récupérer son argent.
«Je vous conseille de présenter votre demande de visa auprès d’un consulat qui ne sous-traite pas le service (Malte, Suisse, Grèce…), ils sont moins compliqués. Sinon il y a le consulat canadien, quoique débordé en cette période post-Covid. Mais le top du top c’est le consulat américain. C’est vous qui choisissez les documents que vous présentez pour les convaincre que vous avez des liens forts avec le Maroc et que vous ne comptez pas rester aux USA. Ils sont pragmatiques et délivrent un visa de 10 ans !!!», écrit un Facebookeur.
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Réaction molle du côté des autorités marocaines
En septembre, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, avait regretté une «décision injustifiée». «La décision de la France est souveraine, mais les raisons qui la justifient nécessitent précision et débat, car elles ne reflètent pas la réalité de la coopération consulaire entre les deux pays en matière de lutte contre l’immigration illégale», avait-il déclaré. À chaque fois qu’il a été interpellé par les députés à ce sujet, Bourita a botté en touche. «On pourrait tout simplement appliquer le principe de réciprocité. Pourquoi le Maroc n’exige pas un visa, même à titre symbolique, par voie électronique, aux citoyens des pays qui nous imposent le visa ?», s’interroge un internaute remonté. «Nous récoltons ce que nous avons semé. Le Maroc ne cesse d’humilier nos frères d’Afrique subsaharienne qui veulent venir ici et les fait souffrir avant de leur accorder le visa, alors nous subissons la même injustice de la part des Européens», s’exclame un autre citoyen.
Pour Abdelghani Youmni, conseiller à l’assemblée des Français de l’étranger, «Les autorités françaises doivent comprendre que le Maroc a changé socialement, économiquement et démographiquement. Il faut différencier les demandes de visa de haute utilité et les filières clandestines qui n’utilisent plus les voies et les circuits officiels. Il ne faut pas confondre migration et visas de court séjour, surtout que la procédure est devenue très stricte, sans oublier la relation d’exception qui lie Rabat à Paris et qui doit être approfondie des deux parties. C’est un des défis à venir de la région».
Alternatives sans visa
Avant les années 1980, les Marocains étaient dispensés de visas pour fouler le sol des différents pays du Vieux continent. Aujourd’hui, le site officiel du ministère des Affaires étrangères ‘‘consultat.ma’’ liste les pays où les Marocains peuvent accéder sans visa même si les vacances sont terminées pour la majorité de nos concitoyens. Il s’agit d’une vingtaine de pays africains, d’Amérique latine et d’Asie avec des destinations très intéressantes comme les Maldives, le Brésil, la Turquie, Hong Kong ou encore la Corée du Sud. «En été, les touristes marocains préfèrent toujours partir à l’étranger, principalement en Europe (France, Espagne, Italie, Grèce, Autriche…) et au Moyen-Orient (la très demandée Turquie, Emirats…) mais de plus en plus aussi dans des destinations nouvelles ou exotiques (Thaïlande, Vietnam, Indonésie, Îles tropicales…) surtout les sans-visa ou les plus abordables», nous confiait récemment la voyagiste Zineb Benaddou.
À quoi nous sert le statut avancé accordé à notre pays par l’Union européenne en 2008 ? La mise en œuvre de ce statut avancé devait inclure un accord de facilitation des procédures de délivrance de visas. Les négociations devaient se faire dans la continuité du Partenariat pour la mobilité signé par le Maroc et l’UE et qui devait profiter à plusieurs catégories de personnes et contribuer à renforcer les échanges humains entre les deux parties, en perspective de la libéralisation des visas. Nous sommes en 2022, les Marocains sont éprouvés par le fastidieux processus d’obtention du fameux sésame. Qu’on ne vient plus nous parler de libre circulation et de partenariat stratégique…
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