Un panache de fumée s'élève au-dessus de la ville de Gaza lors d'une frappe aérienne israélienne le 9 octobre. © MAHMUD HAMS / AFP
L’attaque «surprise» engagée sur plusieurs fronts a plus que jamais endeuillé l’État hébreu. La journée du samedi 7 octobre aurait ainsi été la date où Israël a déploré le plus de victimes sur son sol depuis le début de son existence, selon le gouvernement israélien. Une «sauvagerie jamais vue depuis la Shoah», pour reprendre les mots du premier ministre, Benjamin Netanyahu.
Depuis le début, le conflit aura causé d’énormes souffrances pour les deux parties. Force est de constater que les raids israéliens sont beaucoup plus meurtriers. Aujourd’hui, près d’une semaine après le début de la guerre, 1.200 morts et 3.391 blessés sont recensés, selon le ministère de la Santé israélien. Près de 150 personnes, dont des étrangers, ont été prises en otages.
La riposte israélienne dénommée «Épées de Fer» a, elle, fait du côté de Gaza 1.537 morts, dont près de 500 enfants, 6.612 blessés et déplacer 423.000 personnes. 22.639 maisons, 10 centres de soins de santé et 48 écoles ont été détruits.
Le Tsahal (Tsva Haganah Le Israel — Forces israéliennes de défense) a indiqué jeudi qu’«environ 6.000 bombes ont été larguées sur la bande de Gaza, pour un poids total de 4.000 tonnes d’explosifs», depuis le début de l’attaque. Cela a entrainé la mort de «centaines» de combattants du mouvement. C’est plus que ce qu’a largué, en un mois, la coalition dirigée par les États-Unis sur l’ensemble du territoire irakien et syrien, durant sa guerre contre Daech.
Gaza sous les décombres
Alors que l’Occident affiche plus de sympathie pour Israël, les scènes d’horreur dans les kibboutz (villages collectivistes israéliens) renforcent l’image d’un État victime. Les images en provenance de Gaza se font, elles, de plus en plus rares. Car si le Tsahal assure viser des structures où se trouveraient des membres du Hamas, sur le terrain ce sont bien les civils qui en paient le prix fort. Parmi eux, cinq journalistes palestiniens, 12 volontaires travaillant pour l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et 13 des prisonniers détenus par le Hamas.
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Isolés, «la mer devant eux et l’ennemi derrière». Les habitants de Gaza manquent de tout : ni eau, ni électricité, ni carburant dans toute la bande. «Tant que des Israéliens y seront détenus», cette situation ne va pas changer, a martelé le ministre de l’Énergie, Israël Katz, sur X (anciennement Twitter). «Aide humanitaire à Gaza ? Aucun interrupteur électrique ne sera allumé, aucune pompe à eau ne sera mise en route et aucun camion de carburant n’entrera tant que les Israéliens enlevés ne seront pas rentrés chez eux (…). Et personne ne peut nous faire la morale», écrit-il.
Ce vendredi, l’armée israélienne a ordonné l’évacuation sous 24 heures de plus d’un million d’habitants du nord de la bande de Gaza vers le sud, ont rapporté les Nations Unies (ONU). Une action qui laisse envisager l’imminence d’une opération militaire au sol. L’ONU a réclamé que cet ordre soit immédiatement annulé. L’organisation estime qu’une évacuation d’une telle ampleur est «impossible sans provoquer des conséquences humanitaires dévastatrices», selon Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l’organisation.
L’ordre donné par Israël aux Palestiniens est «un transfert forcé» et constitue «un crime qui dépasse l’entendement», a estimé vendredi le patron de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit. Dans une missive adressée en urgence à Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, le secrétaire général de l’institution panarabe estime encore que «ce qu’Israël commet n’est pas une opération militaire planifiée ou étudiée pour déraciner les groupes responsables des attaques contre lui, mais un acte de vengeance atroce (…) pour punir les civils impuissants à Gaza».
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Le président de l’Autorité palestienne, Mahmoud Abbas, a demandé jeudi «la fin immédiate de l’agression contre le peuple palestinien» et a rejeté «les pratiques consistant à tuer des civils ou à les maltraiter dans les deux camps».
«L’équilibre de la terreur» face à «l’unité des fronts»
Et aujourd’hui, le Hamas n’est plus le seul engagé dans le conflit : le Liban et la Syrie sont désormais de la partie. Alors que l’implication de Téhéran dans la préparation de l’offensive du Hamas est l’objet de toutes les spéculations, le mouvement du Hezbollah menace d’ouvrir un front au Liban «si Israël poursuit sa politique de terre brûlée» à Gaza. Si pour l’heure les opérations sont limitées sur le front nord, ces entorses au statu quo augmentent le risque d’escalade.
L’armée israélienne a annoncé le déploiement de renforts à la frontière libanaise au moment où le Hezbollah avait revendiqué de nouveaux tirs du sud du Liban. Jeudi, les frappes israéliennes «simultanées» ont «endommagé les tarmacs des deux aéroports [de Damas et d’Alep], les mettant hors service», a précisé une source militaire syrienne citée par les médias d’État.
Si le rapport de force entre les forces armées israéliennes et celles du Hamas reste sans commune mesure – l’armée israélienne compte 173.000 soldats en activité et 465.000 réservistes selon GlobalFirePower et dispose de l’arme nucléaire – il enregistre quand même une évolution notable.
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La branche armée du Hamas, dirigée depuis 2002 par Mohammed Deïf, oscillerait, selon les sources, entre 20.000 et 30.000 hommes armés et disposerait d’un important arsenal, en partie fourni par l’Iran. «Ils seraient probablement encore plus nombreux», estime Dominique Vidal, historien spécialiste des relations internationales et notamment du Proche-Orient, journaliste au Monde diplomatique et auteur avec Bertrand Badie de la publication annuelle de L’État du monde.
Le Hezbollah, lui, fort d’une armée d’environ 50.000 hommes équipés par l’Iran, pourrait ouvrir un nouveau front à la frontière nord d’Israël, notamment en cas d’offensive terrestre sur Gaza, estiment des analystes. Une offensive qui est discutée selon des sources militaires israéliennes, sans aucune décision. Toutefois, l’appel à évacuation lancé par Israël ce matin-même laisse entendre qu’une attaque terrestre pourrait se préparer dès demain.
Une attaque décisive contre l’une des composantes de «l’axe de la résistance» – une union qui englobe les mouvements palestiniens, libanais, irakiens -, pousserait à «l’intervention des autres composantes», explique l’analyste Mohanad Hage Ali du centre Carnegie pour le Moyen Orient.
Toutefois, Israël et le Hezbollah sont pour le moment «restés dans le cadre des règles d’engagement» tacites qui prévoient des représailles équivalentes. L’«équilibre de la terreur» prévaut depuis la guerre de 2006 entre les deux parties, qui avait fait plus de 1.200 morts côté libanais, en majorité des civils, et 160 côté israélien, militaires pour la plupart. Et, le coût d’une nouvelle guerre pour le Liban, déjà exsangue économiquement, serait terrible.
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L’économie mondiale en péril
Réagissant pour la première fois depuis le début du conflit, le Fonds monétaire international (FMI), s’est dit, jeudi, encore plus préoccupé alors que l’économie mondiale est déjà fragilisée par la guerre en Ukaine. C’est, pour sa directrice générale Kristalina Georgieva, un «nouveau nuage dans un horizon déjà peu ensoleillé pour l’économie mondiale».
Plus que le bilan humain déjà très lourd, les participants aux réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale (BM), qui se tiennent à Marrakech depuis lundi, s’interrogent sur l’impact que peut avoir un tel conflit sur une économie mondiale déjà confrontée à son rythme de croissance le plus faible depuis plusieurs décennies, et plus spécifiquement, pour une région, l’Afrique du Nord et le Proche-Orient.
«Le risque économique majeur est désormais un risque géopolitique», a admis le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, estimant que les conséquences pourraient être «lourdes» sur la croissance et les prix de l’énergie dans le monde. Pour autant, difficile pour l’instant de déterminer précisément les impacts, a jugé Kristalina Georgieva. «Nous avons vu quelques réactions sur le marché pétrolier, mais il est trop tôt pour en dire plus, on voit des hausses et des baisses se succéder», a-t-elle précisé.
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Dans la foulée de l’attaque du Hamas, le pétrole a bondi de cinq dollars, avant de reculer légèrement les jours suivants. Mais il repartait à la hausse jeudi, après la publication du rapport mensuel de l’Agence internationale (AIE), pointant pour l’heure un risque «limité» du conflit sur l’approvisionnement en pétrole. Lors de la présentation du rapport annuel sur l’économie mondiale du Fonds mardi, son chef économiste, Pierre-Olivier Gourinchas, avait rappelé qu’une hausse de 10 dollars des prix du pétrole, si elle était persistante, pouvait entrainer une perte de 0,15 point de pourcentage de PIB au niveau mondial.
Mais, la vraie difficulté pour l’économie mondiale est que ces nouvelles vives tensions viennent s’ajouter aux «chocs sévères» auxquels elle a déjà été confrontée depuis trois ans. Cette situation devient «la nouvelle norme venant encore fragiliser un monde déjà fragilisé par une croissance faible et la fragmentation de son économie», a pointé la patronne du FMI.
De l’avis de tous cependant, l’impact sur l’économie mondiale dépendra grandement de la durée du conflit ainsi que de son amplitude. Il pourrait être nettement plus marqué et immédiat pour l’économie de la région en revanche, alors que l’Afrique du Nord et le Proche-Orient subissent déjà les conséquences économiques de la guerre civile au Soudan.
Certes, une hausse des prix du pétrole serait favorable aux pays producteurs, à l’image de l’Arabie Saoudite, qui a besoin d’un baril à au moins 80 dollars pour équilibrer son budget. Mais ailleurs l’impact sera tout autre. Surtout dans les pays déjà en difficulté, comme l’Égypte, le Liban ou la Tunisie. Les marges budgétaires y sont déjà faibles et un soutien supplémentaire aux subventions au carburant est quasi impossible.
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