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Gares prises d’assaut, bouchons sur les routes, aires de repos saturées… Le traditionnel chassé-croisé des juilletistes et aoûtiens a été observé en Europe, mais pas chez nous cette année. Même si le Nord connaît une affluence importante et que les hôtels de Marrakech et d’Agadir enregistrent un taux de remplissage appréciable, tout le monde s’accorde à dire que ce n’est pas comme avant. Les vacanciers sont moins nombreux, passent des séjours moins longs et dépensent beaucoup moins. Après la crise liée à la pandémie de Covid-19, les Marocains doivent composer avec l’inflation qui vient casser l’ambiance de la très attendue période estivale. Faire le plein de carburant pour une voiture familiale coûte pas moins de 700 DH alors qu’il n’atteignait pas les 500 DH auparavant. La haute saison implique aussi des prix élevés au niveau des hôtels. Se restaurer coûte aussi beaucoup plus cher, surtout quand c’est une famille nombreuse.
Pour leur part, les professionnels du secteur touristique assurent que le compte n’y est pas. La machine tourne, mais la marge bénéficiaire est très réduite avec une clientèle très regardante sur les prix et très exigeante par rapport à la qualité du service. Mais Mohamed Boulam, directeur d’une agence de voyages à Agadir, est formel : «La réouverture des frontières, la célébration de Aïd Al-Adha en plein début d’été, le déplacement massif des Marocains résidant à l’étranger (MRE), l’allégement des restrictions sanitaires, sans oublier l’interminable attente du dénouement de la pandémie; tous ces facteurs ont permis une récupération progressive du tourisme, laquelle j’espère ne sera pas éphémère». Selon Boulam, les touristes nationaux sont au rendez-vous, surtout dans les stations balnéaires et les hôtels-clubs des villes intérieures. «Certes, le climat est un élément d’appui important, mais comme Agadir a toujours été prisée par les locaux en été, elle continue encore de charmer même si elle est en plein travaux de développement et de réaménagement», ajoute le voyagiste.
« Home Sweet Home »
«Merci aux plateformes de streaming !», nous dit d’emblée Adil Bakri, père de famille, concernant ses projets pour la période estivale. «Après deux ans de blocage à cause de la Covid-19, nous voici bloqués pour la troisième année consécutive à cause de la cherté des prix, qui nous a poussé moi et mon épouse à décider de ne pas prendre de congés au détriment de nos deux enfants», se désole-t-il. C’est que le jeune couple n’arrive plus à joindre les deux bouts et que toute dépense non calculée pendant l’été peut avoir des conséquences désastreuses sur le budget familial à la rentrée. «Nous allons économiser notre solde de congé et essayer d’occuper les enfants avec des activités ludiques et un accès illimité aux plateformes de streaming», explique Adil qui dit être conscient que ce n’est pas un programme optimal pour l’épanouissement et le bien-être de leur progéniture, mais que leur pouvoir d’achat s’est érodé de façon importante ces derniers mois, les poussant même à puiser dans leur épargne. «Nous avons fait le calcul plusieurs fois et il est évident qu’il nous est impossible de voyager parce que le prix du carburant a doublé, les tarifs pratiqués par les hôtels sont exorbitants, sans parler de la restauration qui peut absorber jusqu’à 30% du budget vacances. Le seul moyen de passer des vacances avec un petit budget, c’est de séjourner chez la famille ; sauf que dans notre cas, aucun membre de nos deux familles ne réside dans une cité balnéaire», détaille amèrement Adil.
Ce cas n’est certainement pas un cas isolé. Othman Essafadi, responsable dans une société fiduciaire tenant les registres des congés d’une vingtaine d’entreprises à Tanger, nous a confirmé que selon les données recueillies auprès des entreprises clientes, les demandes de congés étaient inhabituellement limitées pour les mois de juillet et d’août. «Certaines firmes ont décidé de fermer pour congé annuel alors que d’autres ont obligé leurs salariés à partir en vacances pour liquider leur solde de congé», précise notre interlocuteur.
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Voyager à tout prix
«Vu le flux et vu la forte demande, le critère du budget cède place à celui de la disponibilité, pas pour la totalité des voyageurs, mais pour une grande partie. Généralement, un voyageur ordinaire table sur un budget de logement d’une semaine allant de 7.000 à 10.000 DH pour un couple avec ou sans enfants, mais il finit par devoir trouver et sécuriser sa chambre même pour un budget plus élevé, presque au double, surtout pour les cas de réservations last minute au mois de juillet et d’août», assure le voyagiste Boulam.
En raison de la chute du pouvoir d’achat, des familles ont dû revoir à la baisse leurs ambitions de vacances estivales en changeant de mode de transport, de standing d’hébergement et même de destination. Certains ont laissé leur voiture au garage et ont préféré prendre le train pour profiter des réductions proposées par l’Office national des chemins de fer (ONCF). Ce dernier a d’ailleurs rendu public un communiqué pour partager des chiffres inédits traduisant la croissance exceptionnelle de l’activité voyageurs. «Avec plus de 4,5 millions de passagers qui ont choisi le train pour leurs déplacements, soit une évolution globale de 30% par rapport à la même période de l’année 2021 et de 20% par rapport à 2019, année de référence avant Covid, la relance se confirme et augure d’un été inédit», peut-on lire sur le communiqué. Ce premier bilan fait également ressortir des journées records historiques enregistrant le transport de 182.000 passagers/jour, dont plus de 20.000/jour pour les seuls trains Al-Boraq.
Tout le monde s’accorde à dire que les temps sont durs et plusieurs professionnels du tourisme nous ont affirmé que c’est une saison estivale très particulière marquée par une reprise certaine mais aussi par les petits budgets. Tous les clients surveillent de près leurs dépenses. «Nous avons des clients fidèles, des familles qui séjournent dans notre hôtel au mois de juillet en all-inclusive sauf que cette année, ils ont réduit de moitié la durée de leur séjour», témoigne Anouar Kacimi, responsable facturation d’un établissement hôtelier à Agadir.
Interrogé sur ce point, Mohamed Boulam explique : «Il est normal en ces temps que le voyageur marocain cherche à trouver ou négocier des offres plus compétitives en local voire à réviser son programme pour l’adapter à son budget. Néanmoins, tous les établissements, toutes catégories confondues, sont pleins cet été à Agadir à l’instar des autres destinations au Maroc, et les restaurants ou les pôles d’animation également plus fréquentés qu’avant, et il est donc difficile de jauger le taux de baisse de dépenses du voyageur par rapport aux charges du logement devenu inévitable à cause du manque de disponibilité et même en matière d’activités et d’animation. On aura sans doute la possibilité de faire un constat sur ce point en septembre».
Côté restauration, difficile de mesurer le niveau des dépenses mais l’observation minutieuse des commandes laisse entrevoir une maîtrise budgétaire évidente. Hamid Akhlit, serveur dans un snack très fréquenté de la corniche gadirie, nous a confié qu’après des discussions avec ses collègues, ils ont été unanimes à dire que le partage des plats est devenu systématique chez les clients. «Beaucoup de clients, qu’ils soient étrangers ou nationaux, y compris les MRE, posent des questions sur les prix parce qu’on les a augmenté en apposant des étiquettes sur notre carte et la majorité choisissent des menus à partager comme les pizzas, les pâtes, les tagines, etc», remarque Hamid.
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Voyager en se serrant la ceinture
Difficile de résister à l’envie de voyager. Certains de nos compatriotes préfèrent quitter leur ville de résidence, quitte à se tourner vers des plateformes communautaires de location de logements de particuliers ou même vers l’informel pour louer une maison de vacances. Cela permet de réduire les dépenses hébergement et restauration de 70%, même si les tâches ménagères gâchent une partie du plaisir. D’après Boulam, si des voyageurs bloquent sur le prix, l’agent de voyages essaie de trouver une offre d’appart-hotel avec prix à l’unité (et non pas au prix par personne) pouvant convenir à une famille de plus de 4 ou 5 personnes… «Il arrive aussi que le voyageur, pour baisser les frais, décide de changer de pension (du tout compris au petit-déjeuner), d’autres essaient de trouver des solutions en dehors même de la ville, ou un peu plus loin de la plage», conclut l’expert.
D’autres poussent l’économie plus loin en optant pour un séjour en camping. Après un an de travail acharné, la famille Bourezgui a quitté la ville de Taza pour aller camper dans les environs d’Al-Hoceïma. Un voyage à bas coût sous une grande tente. Le plus important est que l’ambiance familiale soit au top. Pour les huit membres de sa famille, Abdelhaq déboursera près de 4.000 DH pour trois semaines de vacances. C’est le montant qu’il aurait payé dans un hôtel 3 étoiles pour 5 nuits. Le camping est fréquenté par des familles qui assurent une atmosphère similaire à celles des quartiers populaires des grandes villes. Des moments de détente garantis avec en prime tous les avantages de la solidarité et de l’entraide. Galettes, thé à la menthe et plats faits maison sont partagés avec les voisins. «Tout est fait pour garantir un séjour paisible aux familles. Le camping est divisé en deux parties, une pour les familles, et une autre pour les célibataires. Vous pouvez ramener votre tente ou la louer sur place; Un système de surveillance avec des caméras est opérationnel 24h/24. Je suis heureux d’offrir à ma famille ces moments d’évasion même si mes moyens sont très limités», relate Abdelhaq.
Ce dernier avoue qu’après une année stressante, il ne peut offrir à sa famille une vie différente pour donner un vrai sens aux vacances d’été. Pour lui, toutes les solutions sont envisagées afin de réduire le budget : cuisiner pour manger en famille sans se ruiner, déplacements à pied pour les courses et les balades, activités gratuites dans les environs… Notre interlocuteur dit vouloir profiter de vraies vacances même si son pouvoir d’achat est en berne.
Si les Marocains aspirent à des vacances reposantes et agréables, l’inflation elle n’en prend pas. L’envie d’évasion ne doit pas se faire aux dépens d’un retour et d’une rentrée chaotiques. Pour éviter d’être malmené financièrement, il est important de bien préparer son budget vacances et de se serrer la ceinture même si on a droit de se faire plaisir après une année de dur labeur. Il va sans dire qu’un budget maîtrisé vous assurera un retour serein pour faire face aux charges fixes et aux dépenses de rentrée en septembre.
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