Vacances d’été : cher avion !
Un billet Paris-Rabat à 6.800 DH ! Il y a de quoi s’alarmer. Les compagnies low-cost proposent certes des tarifs plus bas, mais loin des deals à 40€ pour un aller-retour entre l’Hexagone et le Maroc. Une simple recherche sur le site Skyscanner nous permet d’avoir une idée sur les prix des billets sur les routes les plus fréquentées. Un billet Madrid-Marrakech (départ le 11 août et retour le 24 août) avec une compagnie low-cost coûte pas moins de 500€. La haute saison ne justifie pas à elle seule cette augmentation vertigineuse des prix. Il y a un véritable problème d’offre.
Prenons l’exemple d’un vol Casablanca-Montréal. Il atteint le prix de 35.000 DH. C’est du jamais vu ! Malgré cela, pour les jours restants du mois d’août 2023, il n’y a plus de place en classe économique sur les avions de la compagnie nationale et d’Air Canada. Pour la classe affaires, le billet varie entre 35.000 DH et 50.000 DH pour un aller-retour dépendamment des jours. Royal Air Maroc (RAM) a pourtant loué des avions pour renforcer sa flotte cet été afin d’éviter une augmentation des prix des billets. Autre explication : les clients ne réservent pas leurs billets à l’avance, mais seulement pendant la période de pic. Certains clients qui ont acheté des billets pour des voyages entre le Maroc et le Canada il y a plusieurs mois ont payé entre 8.000 à 9.000 DH. «Je suis rentré au Maroc au mois de juillet en payant 2.300 $. Dans l’avion, un groupe de touristes québécois avait payé leur voyage incluant le billet, le transfert vers Agadir et 8 jours en all-inclusive à 1.500 $. La prochaine fois, j’opterai pour un voyage organisé quitte à ne pas profiter de l’hôtel», témoigne un Marocain installé à Montréal.
Lire aussi : Voyages à l’étranger : «sans visa, c’est mieux»
Les MRE pénalisés
La grogne des voyageurs et surtout des Marocains résidant à l’étranger (MRE) envers les tarifs en hausse est palpable, notamment depuis le début de la saison estivale. Les tarifs des billets d’avion pour les voyages vers le Maroc ont connu une augmentation qui ne correspond pas aux valeurs mondiales du marché, ni même aux tarifs pratiqués par la Royal Air Maroc (RAM) au cours de cette période ces dernières années. On ne parle pas évidemment des billets subventionnés pratiqués pendant la crise Covid sur décision royale. Les billets d’avion pour les vols en provenance d’Europe, où se trouve la plus grande communauté marocaine, atteignent en moyenne 500 €, alors qu’en temps normal, ils ne dépassent pas les 300 €.
Les Marocains au Canada et aux États-Unis sont confrontés à l’incapacité de réserver des billets pour rendre visite à leurs proches. Les prix des billets ont atteint environ 2.500 $, alors qu’ils étaient auparavant inférieurs à 1.000 $. Une famille de 4 personnes devra débourser 10.000 $ soit environ 100.000 DH. Pour nos compatriotes d’Amérique du Nord, c’est une insulte. Eux qui font un effort monstre pour transférer l’argent à leurs proches au Maroc et qui contribuent de manière conséquente aux réserves en devises du Royaume. Certes, le marché du transport aérien est libre. Mais, la compagnie nationale se doit d’adopter une politique tarifaire préférentielle pour les Marocains du monde.
Lire aussi : Été : la saison de tous les abus
Fin des prix bas
Cette tendance de cherté des billets d’avion ne semble pas vouée à s’atténuer de sitôt. AllianzTrade, société d’étude, prévoyait une augmentation des tarifs de 21% pour les compagnies aériennes européennes à fin 2022. Plusieurs facteurs concourent à cette évolution, dont une offre toujours contrainte par des problèmes d’organisation et de main-d’œuvre, ainsi qu’une inflation inédite depuis des décennies. Un choc pétrolier, exacerbé par le conflit en Ukraine, a également contribué à la hausse des coûts.
Les spécialistes du secteur pointent du doigt diverses raisons derrière cette flambée. L’augmentation du prix du pétrole est en tête de liste, entraînant une hausse automatique du coût du kérosène, représentant 30% du prix du billet. Michael O’Leary, PDG de Ryanair, a confirmé cette réalité, expliquant que les tarifs de 10 euros pourraient bientôt appartenir au passé en raison de la hausse des cours pétroliers depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La crise de la Covid-19 a également laissé son empreinte sur cette tendance. La mise à l’arrêt des avions pendant plusieurs mois a privé les compagnies de revenus, les poussant à augmenter les tarifs pour compenser cette perte.
La hausse du tarif moyen des billets d’avion est de 31%, d’après Johan Lundgren, PDG d’Easyjet. La pénurie de métaux et les perturbations des chaînes d’approvisionnement ont contribué à une forte augmentation des coûts de maintenance, tandis que les augmentations salariales dans l’industrie aérienne ont également pesé. Néanmoins, la demande en vols demeure robuste, conjuguée aux coûts élevés d’inflation et de carburant, maintenant les prix élevés.
L’engouement pour les voyages dépasse l’offre disponible, surtout qu’il y a une pénurie d’avions, causée en partie par les retards de production d’Airbus et Boeing.
Cette flambée des prix se fait ressentir également au Maroc. Les compagnies aériennes marocaines – Royal Air Maroc et Air Arabia Maroc – sont, elles aussi, touchées par la hausse mondiale des prix du carburant, les forçant à augmenter leurs tarifs. Face à ce tableau, les voyageurs marocains sont confrontés à des billets de plus en plus onéreux. Des alternatives, comme décaler les voyages vers des périodes plus propices aux promotions tarifaires, commencent à émerger. Cependant, dans cette période de transition complexe pour l’industrie, un équilibre entre les attentes des voyageurs et les contraintes des compagnies est essentiel pour préserver l’intérêt de tous.
Lire aussi : Vacances : l’été le plus cher de l’histoire
Transition écologique
Le souci environnemental joue également un rôle majeur. De nombreuses compagnies visent la neutralité carbone d’ici 2050, ce qui les contraint à revoir leurs prix pour financer cette transition vers des technologies plus écologiques. L’Europe compte investir plusieurs milliards d’euros dans la décarbonation de l’aviation. Cependant, des voix critiques se sont élevées pour souligner le caractère risqué, voire illusoire, de cette ambition et pour rappeler l’urgence de réduire le trafic aérien. Pourtant, l’avion est un mode de transport incontournable, même s’il faut le souligner, entre 80 et 90% de la population mondiale n’a jamais pris l’avion de sa vie. En 2018, seulement 4% de la population mondiale a effectué un vol international. C’est dire que nous sommes en train de parler d’un privilège.
Cette minorité qui voyage en avion n’est pas répartie de manière égale dans le monde : elle réside principalement dans les pays riches. Environ 40% des habitants des pays les plus aisés ont pris l’avion au moins une fois par an, comparativement à moins de 1% des habitants des pays les plus pauvres. Si l’on compare les distances parcourues par avion depuis chaque continent par rapport à sa population, on constate que cette distance par individu atteint 3.000 km en Europe contre 100 km en Afrique. La plupart des trajets aériens relient des pays du nord entre eux, favorisant les voyages de loisirs ainsi que les échanges commerciaux et économiques. Au Maroc, voyager en avion est l’apanage des personnes plus ou moins nanties et instruites, pour ne pas dire l’élite.
Pour en revenir à l’empreinte carbone, en vol, un avion émet une quantité excessive de gaz à effet de serre (GES), bien plus que tout autre moyen de transport. Chaque année, en moyenne, une personne émet plusieurs tonnes de GES en voyageant en avion. Alors faut-il décarboner pour une minorité ? Si l’on souhaite minimiser le réchauffement climatique, il est impératif de décarboner rapidement l’aviation. Cependant, à court terme, aucune solution n’existe pour permettre autant de vols sans émission de GES. Aujourd’hui, les sites de comparaison des billets d’avion indiquent les émissions de CO² pour chaque vol proposé pour inciter les clients écolos à choisir le vol le moins polluant.
Lire aussi : Voyages : une nouvelle passion marocaine
Conseils pour avoir des billets moins chers
En attendant le résultat de ce débat sur la décarbonation de l’aviation, si vous comptez voyager via ce moyen de transport, ces conseils peuvent vous être utiles pour prendre des billets moins chers :
- Lorsque vous planifiez un voyage, anticipez la réservation de vos billets. Pour optimiser votre budget, il est vivement recommandé d’acheter vos billets d’avion en avance, surtout lors de voyages internationaux. Les meilleures offres sont souvent réservées à ceux qui réservent trois à six mois avant leur départ. De plus, certaines compagnies aériennes proposent des rabais pour des réservations effectuées directement via leur site officiel.
- Sélectionnez minutieusement vos dates de voyage. Prenez le temps d’examiner les tarifs pour l’ensemble d’un mois afin de déterminer les jours les plus avantageux pour votre itinéraire spécifique. Les prix varient selon les jours de la semaine et les événements particuliers tels que les vacances, le Nouvel An… Évitez de voyager les week-ends et privilégiez les jours en milieu de semaine pour bénéficier de tarifs plus abordables.
- Optez pour les mardis, mercredis et jeudis. Comme dans bien des domaines, le prix des billets d’avion dépend de l’offre et de la demande. Les tarifs sont souvent plus avantageux lorsque la demande est en deçà de l’offre. Évitez donc les jours de pointe et préférez les moments où les réservations sont moins nombreuses.
- Utilisez des plateformes de comparaison de tarifs. De nombreux sites de réservation de vols proposent des tarifs réduits et des offres de vol économique à divers moments. Plutôt que de vous focaliser sur une plateforme spécifique, il est conseillé d’explorer des sites spécialisés dans la comparaison des tarifs de vols grâce à un moteur de recherche unique.
- Pensez aux aéroports alternatifs. Il arrive parfois que des aéroports plus petits et moins fréquentés se trouvent à proximité de votre destination ou de votre hébergement. Même si cela ne garantit pas systématiquement des tarifs nettement plus bas, cela peut ouvrir des opportunités supplémentaires pour dénicher des prix plus économiques.
Le Maroc a adopté l’Open Sky depuis le début des années 2000. Les touristes et les citoyens marocains ont profité de la concurrence sur le marché du transport aérien avec des prix bas parfois frisant le ridicule. Aujourd’hui, la tendance est en train de s’inverser aussi bien chez les compagnies régulières que chez les low-cost. Bientôt, le privilège de prendre l’avion deviendra un luxe inaccessible.