Trisomie 21 : reconnue… et après ?!
Vous souvenez-vous de Yasmine ? Yasmine Berraoui, bachelière avec mention, décorée par le roi Mohammed VI, animatrice d’un Tedx à Casablanca, héroïne du livre de son papa, Jamal Berraoui… Cette jeune fille était présentée avec fierté. Elle était la preuve que tout enfant, atteint de Trisomie ou pas, peut y arriver.
Aujourd’hui, après une licence, elle est au chômage depuis plusieurs années. Inclusivité avez-vous dit ? Mais de quoi parlons-nous ? En façade, oui, l’inclusivité est communiquée tel un argument marketing phare d’un pays en voie de développement. En réalité, il n’en est rien. Ces enfants, atteints de Trisomie 21, malgré leur intelligence, leurs efforts, leur intégration… ils finissent par être rejetés, à un moment ou à un autre de leur parcours.
Pour certains, cela se fait dès leur première rentrée scolaire, si rentrée il y a. Comme pour le cas des enfants atteints du trouble autistique, dont nous parlions dans un précédent dossier, l’école privée est pointée du doigt.
Se targuant d’être l’école inclusive dans sa plus grande splendeur, l’école privée, à coûts élevés, en fait voir de toutes les couleurs à ces parents. «Ce n’est pas du tout inclusif. On dirait qu’il y a des Marocains de seconde zone. Et il y a une chose qui est très grave à mon sens : c’est que nous n’avons pas revisité la stratégie des classes intégrées. Nous n’avons jamais remis en question cette stratégie. C’est une stratégie que nous ne trouvons pas ailleurs, dans d’autres pays», déclare Jamal Berraoui, auteur du livre « Yasmine, 19 ans, trisomique, bachelière », à LeBrief.
Encore aujourd’hui, l’intégration scolaire des enfants atteints de Trisomie 21 constitue une problématique que le Maroc n’a toujours pas gérée. Les écoles publiques manquent souvent de ressources et de personnel formé pour accueillir ces enfants dans des conditions optimales. Néanmoins, certaines écoles dites «spécialisées» et centres éducatifs privés offrent des programmes parfois «adaptés». Au Maroc, il semblerait que les ministères en charge (Santé et Éducation) ont jeté l’éponge. «On a tout délégué aux associations. Elles font ce qu’elles peuvent», déplore Berraoui.
Toutefois, les associations pourraient ne plus être en mesure de prendre en charge correctement les enfants. Les associations dédiées aux personnes à besoins spécifiques pourraient voir les aides étatiques diminuer. Et nous ne parlons pas là d’une petite somme. Les subventions qu’elles recevaient pour chaque enfant seront dorénavant versées aux parents, directement. Si cela a, tout d’abord, l’enveloppe d’une bonne nouvelle, elle cache un immense désarroi. Cette aide mensuelle devrait s’élever à seulement 200 dirhams. Elle devrait permettre aux parents de scolariser leurs enfants. Si certains ont une assurance privée, ou sont couverts par la CNSS, et perçoivent, de ce fait, certains remboursements, d’autres n’ont pas cette chance, et doivent faire avec le peu de moyens qui leur sont alloués.
Précédemment contactés dans le cadre de notre Dossier «Autisme : ce que le Maroc ne voudrait voir», les ministères ne se sont pas exprimés sur le sujet des enfants en situation de handicap. Toutefois, nul besoin d’attendre des réponses, quand les constats sont affligeants.
Les résultats d’une recherche sur «les droits des enfants en situation de handicap à une éducation inclusive» ont été présentés le 5 juin dernier à Rabat, lors d’un atelier organisé par la Commission régionale des droits de l’homme (CRDH) de la région, en collaboration avec l’Académie régionale de l’éducation et de la formation (AREF). Cette étude a proposé une analyse de l’éducation inclusive dans les établissements scolaires nationaux, en soulignant son importance en tant que droit culturel, civil, économique, politique et social, ainsi que sa nécessité pour construire une société juste et durable.
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Lors de l’événement, Farouk Alioua, coordinateur du groupe de travail sur l’éducation inclusive, a indiqué que deux personnes sur trois en situation de handicap ne sont pas scolarisées, dont environ 70% sont des femmes. Il a également mentionné que 1.619 personnes en situation de handicap ont atteint le niveau primaire et 189 le niveau secondaire. En se référant à la deuxième enquête nationale sur le handicap de 2014, il a rappelé que le taux de prévalence du handicap au niveau national est d’environ 7% et qu’une famille sur quatre, compte au moins une personne en situation de handicap.
Interrogée dans le cadre de ce dossier, la Caisse nationale de la Sécurité sociale (CNSS), nous révèle que la prévalence de la Trisomie 21 au Maroc n’est pas déterminée. Selon l’estimation des associations, l’incidence concernerait une naissance sur 800.
La Trisomie 21, également connue sous le nom de syndrome de Down, est une anomalie chromosomique résultant de la présence d’un chromosome 21 supplémentaire. Cette condition génétique entraîne un retard du développement physique et intellectuel, ainsi que des caractéristiques faciales distinctives. Les personnes atteintes de Trisomie 21 peuvent également présenter des problèmes de santé associés, tels que des malformations cardiaques congénitales, des problèmes de vision et d’audition, ainsi qu’un risque accru de troubles de la thyroïde et de leucémie.
Un puits financier
Vous l’aurez compris, lorsqu’une famille a un enfant à besoins spécifiques, elle se doit de se tourner vers une école privée, les écoles publiques n’étant pas forcément outillées pour ce type de scolarisation. La facture est donc déjà salée sur ce premier volet. La scolarisation, en moyenne à hauteur de 6.000 dirhams, doit s’ajouter au salaire d’une AVS (auxiliaire de vie scolaire) qui doit accompagner l’enfant en classe.
Outre ce point, le coût de la prise en charge médicale et éducative des enfants atteints de Trisomie 21 peut être prohibitif pour la majorité des familles marocaines. Les consultations médicales, les thérapies spécialisées, les équipements adaptés et les frais de scolarité dans des établissements privés représentent un fardeau financier considérable. Bien que certaines assurances santé couvrent partiellement ces dépenses, de nombreuses familles doivent encore faire face à des coûts élevés. «Un orthophoniste, c’est minimum 300 dirhams par séance. Il faut une moyenne de deux séances par semaine», explique Jamal Berraoui à LeBrief. C’est donc une moyenne de 2.400 dirhams par mois, et ce, seulement pour l’orthophoniste. Des soins bien mal remboursés. «Il n’y a pas de remboursement spécifique pour les dossiers de ces catégories, (ndlr : Autisme et Trisomie 21), mais il importe de noter que ces deux situations sont considérées comme des ALD (Affections longue durée) reconnues par la CNSS, et qui bénéficient d’un taux de remboursement de 70% au secteur privé et de 90% si les soins dispensés dans les structures relevant de l’État», nous explique la CNSS. Mais, il y a aussi ce que les parents nomment les frais annexes. Tout ne peut être remboursé. Lorsqu’un enfant à besoins spécifiques se rend chez le dentiste, par exemple, il aura parfois besoin de bloc opératoire, avec anesthésie générale pour le calmer et pouvoir le soigner. Le cas d’une dent cariée ne nécessitant pas autant d’anesthésie en temps normal, elle ne peut être justifiée et remboursée par la CNSS ou autre assurance.
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Les familles d’enfants trisomiques tournent généralement autour de 9.000 à 10.000 dirhams de frais, seulement pour l’enfant. Une enveloppe budgétaire que tout le monde n’a pas. Le chemin est long et la reconnaissance d’une maladie ne suffit pas. Le système doit pouvoir prendre ombrage de cette souffrance psychologique, physique et financière.
La prise en charge des personnes atteintes de Trisomie 21 au Maroc reste un défi majeur, bien que des progrès notables aient été réalisés. Les structures de santé publiques et privées offrent des services de diagnostic et de suivi médical, mais l’accès à des soins spécialisés peut être limité, en particulier dans les zones rurales. Les associations comme l’Association marocaine de soutien et d’aide aux personnes trisomiques (AMSAT) jouent un rôle crucial en fournissant des services de soutien, de rééducation et de thérapies diverses. Cependant, les ressources financières et humaines demeurent insuffisantes pour répondre à la demande croissante.
La Trisomie 21 affecte non seulement les personnes atteintes, mais aussi leurs familles. Les parents peuvent éprouver des sentiments de culpabilité, de tristesse ou de frustration face aux défis quotidiens. Le soutien émotionnel est donc essentiel pour aider les familles à surmonter ces épreuves. Les groupes de soutien, les associations et les forums en ligne offrent un espace de partage et d’écoute où les familles peuvent échanger leurs expériences et se soutenir mutuellement. La sensibilisation et l’acceptation sociale jouent également un rôle crucial dans l’amélioration de la qualité de vie des personnes trisomiques.