L’enseignant qui faisait d’un tableau noir une œuvre d’art

Temps de lecture : 3 minutes

Le cours commençait par un trait de craie blanche, et se terminait, dans une allure aussi rapide que précise, en une planche anatomique haute en couleurs. On dirait que la vie s’imprègne dans ce tableau usé par tant d’années d’usage.
Les plus doués en dessin arrivaient à suivre le rythme frénétique du cours. Et le soir venu, ils retouchaient leurs dessins, les peaufinaient, si bien que les cahiers d’anatomie deviennent des œuvres d’art.

C’était une manière très originale d’apprentissage, simple et efficace. C’est également une manière ludique et paternaliste d’apprentissage. Parler de paternalisme du Pr Alami est une façon de lui rendre justice, lui qui avait choisi la chirurgie infantile comme spécialité. Il aimait les enfants et voulait que les futurs médecins qu’il formait en prennent soin.

Lors des gardes dans le service du Pr Alami, on apprenait le travail bien fait, le sens du devoir et de l’abnégation. Malgré cette austérité, cette intransigeance pour que le futur médecin soit compétent et performant, se cachait un profond humanisme qui se manifestait lors des fêtes de fin de stage, et des examens.
Il savait discerner entre l’exigence d’un devoir et le respect de l’étudiant. Doté d’une grande mémoire, il se souvenait du passage des étudiants dans le service, et cela comptait pour beaucoup dans les notes qu’il attribuait lors des examens.

Je me souviens qu’un étudiant fait avait une impasse sur une question lors des cliniques. Ceci lui a valu d’être convoqué pour une prochaine session. À la fin d’une longue journée, il avait changé de décision et l’avait reconvoqué le soir même pour une session spéciale de rattrapage.

Une grandeur d’âme se mesure à l’aune du talent et de l’intelligence de la personne. Elle rend digne des plus grands honneurs celui qui se montre bienveillant, généreux et indulgent.

J’avais préparé ma thèse avec le Pr Alami sur le sujet des «Péritonites Tuberculeuses chez l’Enfant», et suite à ses encouragements et conseils, j’avais choisi la chirurgie comme spécialité. Le hasard a voulu qu’il y a seulement quelques mois, je découvre un cas de péritonite tuberculeuse chez un jeune adolescent opéré par voie cœlioscopique. En voyant les images des lésions, je me souviens encore de la description précise qu’il nous avait enseigné de son vivant.
Qu’il repose en paix.

 

Laissez-nous vos commentaires