Entrepreneuriat et Gouvernance : de la logique entrepreneuriale à la logique managériale
Tribune
Nabaouia IDRISSIEnseignante chercheuse à l’ISGA Casablanca, Responsable du Master CCA
Facteur de croissance et du développement économique, l’entrepreneuriat est devenu un véritable enjeu dans de nombreux pays à travers le monde. Au Maroc, le gouvernement étant convaincu de l’importance d’améliorer la culture entrepreneuriale en vue d’encourager la création ou la reprise d’entreprise, plusieurs mesures incitatives ont été mises en place dans ce sens.
La logique entrepreneuriale est une démarche qui consiste, pour l’entrepreneur, à créer, innover, prendre les risques et saisir les opportunités du marché afin de créer la valeur au sein de l’entreprise. L’entrepreneur est un acteur qui prend le risque d’accumuler les capitaux afin de transformer ces idées en biens économiques. C’est un individu qui est capable d’assurer la pérennité de l’activité de son entreprise grâce à son esprit entrepreneurial.
Toutefois, avec le développement de l’entreprise, l’accroissement de sa taille, l’arrivée des investisseurs externes, et le besoin de capitaux pour financer la croissance, la logique entrepreneuriale ne permet plus de faire face aux impératifs de la croissance. De ce fait, l’entrepreneur se trouve obligé, à un moment donné, de déléguer le pouvoir de gestion à un manager afin de créer de la richesse pour l’ensemble des parties prenantes et accroître la rentabilité et l’efficacité de la firme.
La logique managériale, quant à elle, est une démarche qui consiste, d’après Crener (1979) pour le manager, à diriger et gérer rationnellement une organisation (entreprise, organisme public, association…), organiser les activités, fixer les buts et les objectifs, bâtir des stratégies…
Le passage de la logique entrepreneuriale, où le propriétaire de la firme accomplit à la fois la fonction entrepreneuriale et managériale, à la logique managériale, où le propriétaire nomme une ou plusieurs personnes pour assurer la fonction managériale, provoque la séparation des fonctions de propriété du capital et de management (Berle et Means, 1932).
Le manager, qui détient la fonction de management, doit diriger et gérer l’entreprise d’une façon rationnelle, c’est-à-dire organiser ses activités, ses objectifs, et bâtir les stratégies adéquates dans la limite des ressources qui lui sont allouées pour poursuivre le développement de la firme et créer la richesse.
Or, les travaux des deux auteurs américains, Adolf Berle et Gardiner Means, publiés en 1932, le lendemain de la grande crise de 1929, dans l’ouvrage «The Modern Corporation and Private Property», démontrent que, la dissociation entre les fonctions de décision et de propriété réduit le pouvoir de l’actionnaire, elle peut engendrer des conflits potentiels dans la mesure où les intérêts de l’équipe dirigeante et ceux des propriétaires peuvent diverger.
Ces travaux, comme chacun le sait, sont considérés comme étant à l’origine d’une révolution managériale et de l’apparition des théories de la gouvernance des entreprises.
La séparation des fonctions de propriété et de management nécessite l’instauration d’un système de gouvernance par les propriétaires de l’entreprise afin de garder le contrôle sur les managers et de les inciter à faire de leur mieux. L’objectif de la gouvernance d’entreprise est de mettre en place des dispositions et des règles qui permettent de contrôler les managers, et de concilier les intérêts des différents partenaires de la firme.
À l’heure actuelle, la notion de gouvernance d’entreprise a pris une place considérable dans le tissu managérial et commence à susciter un intérêt particulier pour les chercheurs en la matière. Cet engouement vis-à-vis de la gouvernance est lié principalement à la recherche de la performance au sein de l’entreprise. Par ailleurs, la mise en place de ce concept au sein de l’entreprise entrepreneuriale n’est pas évidente.
En conclusion, l’entrepreneur est un individu capable d’assurer la pérennité de l’activité de son entreprise grâce à son esprit et son aptitude à innover, à gérer et à prendre un risque. Cependant, avec l’accroissement de la taille de son entreprise, il doit nécessairement la placer sous surveillance à travers un système de gouvernance partenariale qui prend en compte les intérêts de l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise, afin d’assurer la pérennisation de son activité.
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