Aux frontières du réel et de la fiction dans le roman social : le cas « Houris »

Cependant, cette pratique pose une question délicate : où s’arrête l’inspiration et où commence l’appropriation illégitime d’une histoire personnelle ? L’affaire entourant Kamel Daoud et son roman Houris illustre les tensions qui surgissent lorsque fiction et réalité s’entrelacent.

Lauréat du prix Goncourt 2024, Daoud se voit reproché d’avoir utilisé, sans consentement, le récit d’une survivante de la guerre civile algérienne, ancienne patiente de son épouse psychiatre. Si l’écrivain réfute ces accusations en invoquant la fiction comme territoire libre, cette controverse soulève des problématiques complexes. Car même lorsqu’un récit est romancé, transformé ou décontextualisé, son utilisation peut être perçue comme une violation si son origine est identifiable. Dans ce cas précis, la similitude entre l’histoire réelle et son adaptation supposée semble troublant, posant la question de la frontière entre création et appropriation.

Aussi, cette affaire interroge la notion même de propriété d’un récit. Une histoire appartient-elle à ceux qui l’ont vécue, à ceux qui la lisent ou à celui qui la raconte ?

Certes, l’inspiration tirée du réel est un matériau puissant pour le roman social, mais elle exige une vigilance éthique et un respect scrupuleux des récits humains. L’affaire Kamel Daoud est intrigante à bien des égards.

Elle interroge les frontières entre fiction et réalité, éthique et création, et met en lumière les tensions qui émergent lorsque le réel s’invite dans l’art. Au-delà du simple fait divers littéraire, cette polémique nourrit des débats essentiels sur la responsabilité des écrivains face à leurs sources d’inspiration et sur les limites de la liberté artistique. Désormais portée devant la justice, cette histoire complexe et délicate reste à suivre.