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Analyse des réformes du statut général de la fonction publique au Maroc

Le statut général de la fonction publique au Maroc est l’une des pierres angulaires qui régit les relations entre le fonctionnaire et l’administration. Il définit les lois et les conditions qui régissent les droits et obligations des employés. Au fil des ans, ce statut a subi plusieurs modifications pour s’adapter aux changements politiques, sociaux et économiques du Maroc. Parmi les amendements notables, ceux qui concernent les articles 4, 25, 43 bis, 44, 66 et 75 bis, introduits par la loi n° 46.24 modifiant et complétant certaines dispositions du dahir n° 1.58.008 du 4 Chaâbane 1377 (24 février 1958) relatif au statut général de la fonction publique, tel que publié dans le Bulletin Officiel n° 7328 du 22 août 2024, visant à renforcer les droits des fonctionnaires et à mieux encadrer leurs obligations.

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Publié le 11/10/2024 à 11:08

Tribune

Yassine Kahli

Conseiller juridique et chercheur en sciences juridiques

I. Extension du champ d’application du statut général aux intérêts décentralisés

L’une des modifications les plus importantes apportées au statut est l’ajout des fonctionnaires travaillant dans les services déconcentrés des administrations publiques aux catégories de personnel concernées par ce statut. Cette modification (article 4) répond aux nouvelles orientations de l’administration publique, qui visent à renforcer la politique de décentralisation et à étendre les compétences des services déconcentrés. Après l’amendement, l’article 4 stipule que le statut général s’applique à «l’ensemble des fonctionnaires des administrations centrales de l’État, de ses services extérieurs et de ses services déconcentrés». Cet amendement reflète une orientation vers une plus grande ouverture administrative et une décentralisation accrue, garantissant ainsi que tous les fonctionnaires, quel que soit leur emplacement géographique ou leur statut administratif, soient couverts par ce statut.

II. Transparence dans la gestion des ressources humaines

La transparence est un élément central dans la gestion des ressources humaines du secteur public, et ce principe a été renforcé par l’amendement de l’article 25 du statut général. Il est désormais obligatoire de publier les résultats des concours et des promotions des fonctionnaires non seulement dans les locaux des administrations concernées, mais aussi sur leurs sites internet. Cela permet d’améliorer la communication avec les fonctionnaires et les autres parties intéressées (candidats aux concours). Après amendement, l’article 25 stipule : «Les résultats des examens, des concours, ainsi que les nominations et promotions des fonctionnaires sont publiés dans les locaux des administrations et sur leurs sites internet». Cet amendement vise donc à garantir que toutes les parties concernées aient accès aux informations relatives au parcours professionnel des fonctionnaires, renforçant ainsi leur droit à l’accès à l’information.

III. Amélioration des conditions de jouissance du congé pour maladie de moyenne durée

Un des amendements importants concerne les conditions d’octroi aux fonctionnaires du congé pour maladie de moyenne durée, prévu par l’article 43 bis. Avant l’amendement, le fonctionnaire ne percevait l’intégralité de sa rémunération que pendant les deux premières années de ce congé, tandis que la troisième année ne bénéficiait pas des mêmes avantages. Le nouvel amendement accorde au fonctionnaire bénéficiant de ce congé le droit de percevoir l’intégralité de sa rémunération pendant toute la durée du congé, qui peut aller jusqu’à trois ans. Cela constitue un soutien financier important pour les fonctionnaires en difficulté de santé. L’article 43 bis amendé se lit comme suit : «La durée totale du congé pour maladie de moyenne durée ne peut excéder trois ans, et ce congé est accordé au fonctionnaire atteint d’une maladie qui le rend incapable d’accomplir son travail, nécessitant des soins prolongés et dont la gravité est confirmée. Le fonctionnaire perçoit pendant toute la durée de ce congé l’intégralité de la rémunération correspondant à son statut».

IV. Remplacement du terme «folie» par «troubles neurocognitifs»

L’amendement de l’article 44 reflète une langue plus moderne et respectueuse de la dignité des personnes. Le terme «folie» a été remplacé par «troubles neurocognitifs», traduisant une compréhension plus avancée des maladies mentales. En outre, le droit du fonctionnaire à percevoir l’intégralité de sa rémunération pendant toute la durée du congé de longue durée a été prolongé, au lieu de se limiter aux trois premières années. Après amendement, l’article 44 stipule : «Des congés pour maladie de longue durée, d’une durée totale ne dépassant pas cinq ans, sont accordés aux fonctionnaires atteints des maladies suivantes :
• Cancers ;
• Lèpre ;
• Sida ;
• Tétraplégie ;
• Greffe d’un organe vital ;
• Psychose chronique ;
• Troubles graves de la personnalité ;
Troubles neurocognitifs. Le fonctionnaire perçoit pendant toute la durée de ce congé l’intégralité de la rémunération correspondant à son statut».

V. Révision des sanctions disciplinaires

L’amendement de l’article 66 a restructuré les sanctions disciplinaires applicables aux fonctionnaires en cas de manquement professionnel. Les termes «déchéance de classe» et «rétrogradation de grade» ont été remplacés par «déchéance d’échelon» et «rétrogradation de grade». De plus, les sanctions de révocation avec ou sans perte du droit à la retraite ont été remplacées par la révocation simple. Après modification, l’article 66 se lit comme suit : «Les sanctions disciplinaires applicables aux fonctionnaires sont les suivantes, par ordre de gravité :
1. Avertissement
2. Blâme
3. Radiation du tableau d’avancement
4. Déchéance d’échelon
5. Rétrogradation de grade
6. Révocation».

VI. Pouvoirs du chef de l’administration en matière de révocation directe

Pour assurer la cohérence avec les modifications de l’article 66, l’article 75 bis a été modifié pour accorder au chef de l’administration le pouvoir de prononcer directement la révocation sans consultation préalable du conseil disciplinaire, si le fonctionnaire ne reprend pas son poste après sept jours suivant la réception d’un avertissement. Après amendement, l’article 75 bis stipule : «Sauf en cas d’absence justifiée légalement, le fonctionnaire qui s’absente délibérément de son travail est considéré comme ayant abandonné son poste. Dans ce cas, il est réputé avoir renoncé aux garanties disciplinaires prévues par le présent statut. Le chef de l’administration adresse au fonctionnaire concerné un avertissement l’invitant à reprendre son poste, en l’informant des sanctions encourues en cas de refus. Si, au bout de sept jours suivant la réception de cet avertissement, le fonctionnaire ne reprend pas son travail, le chef de l’administration a le pouvoir de prononcer sa révocation directement et sans consultation préalable du conseil disciplinaire».

Ainsi, il ressort clairement que ces amendements constituent une avancée significative dans l’amélioration des conditions de travail des fonctionnaires et la garantie de leurs droits face aux divers défis de santé et professionnels. Ils renforcent également la transparence des procédures et encadrent les sanctions disciplinaires en adéquation avec les évolutions de l’administration publique.

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