Qu’ils soient rouges, bleus ou blancs, le Maroc voit noir quand il s’agit de ses taxis ! Sur les réseaux sociaux pullulent les vidéos d’incartades violentes entre chauffeurs de taxis et chauffeurs de VTC. Les premiers ont trop de charges à payer, accusant les seconds de concurrence déloyale, tout en profitant d’un vide juridique. A la veille de la CAN 2025 et de la Coupe du Monde 2030, ce secteur doit pourtant être épuré de toutes ces arnaques aux touristes, internes comme externes !

Les plus grandes villes du pays sont la scène dramatique d’un problème de plus en plus pesant, à savoir le désordre dans le secteur des taxis.

Quotidiennement, ces voitures rouges ou bleues, témoins de la vie urbaine, deviennent les protagonistes d’une crise incroyable. Des passagers mécontents, des chauffeurs frustrés, des vidéos virales de confrontations presque surréalistes… et on en passe des vertes et des pas mûres !

Dernièrement, à Rabat, les rues se sont transformées en film d’action hollywoodien. Une course-poursuite entre des chauffeurs de taxis et un véhicule d’une plateforme VTC (Voiture de transport avec chauffeur) a capté l’attention du public, bien au-delà des frontières. Un vrai box-office ! À Tanger, les altercations se multiplient, et à Casablanca, l’agression d’un diplomate russe a failli mener à une crise diplomatique. Un secteur à bout de nerfs, mais à raisons.

Ce désordre ne vient pas de nulle part. Les premières tensions avec des géants comme Uber et Careem ont déjà, par le passé, exposé les lacunes d’un système fondé sur des agréments souvent obscurs.

Les désagréments des agréments

Dans des villes comme Rabat, Casablanca ou Tanger, les taxis sont omniprésents, mais leur fonctionnement est loin d’être idéal. Tandis que certains les voient comme un patrimoine urbain, pour d’autres, ils incarnent un désordre institutionnalisé qui freine la modernisation. Les incidents, cités plus haut, ont, notamment, révélé ce chaos.

Mais il y a un problème ancestral, si nous pouvons nous permettre ce terme. Le système des taxis au Maroc repose sur des agréments, « grima » souvent attribués à des personnalités influentes. Les chauffeurs ne sont souvent que des locataires de ces autorisations, contraints de verser des sommes élevées à ceux qui détiennent les agréments. « Je donne 150 dirhams pour la location au propriétaire, pour la mi-journée, j’en mets tout autant en essence et mon bénéfice ne peut être comptabilisé qu’à partir de là », explique un chauffeur de taxi casablancais à LeBrief.

Pour les usagers, les désagréments sont nombreux. Bien qu’omniprésents, les taxis ne répondent pas toujours aux besoins. Dans certaines villes, les chauffeurs refusent les trajets jugés trop longs ou peu rentables. En ce qui concerne le remplissage des taxis, les tarifs sont clairs, mais il y a des différences selon le type de passager : local, touriste ou même touriste interne. Une mention spéciale pour les taxis de Marrakech, merci à vous d’augmenter les prix à chaque T mal prononcé ! Les voyageurs, frustrés par ces réalités, commencent à chercher d’autres options, souvent illégales, mais plus efficaces, comme les applis de transport.

En 2018, l’éviction de Uber du Maroc a changé les règles du jeu. Ce n’était pas seulement un coup dur pour ceux qui recherchaient un service moderne, c’était surtout un message fort pour les investisseurs. Pourquoi un géant mondial ne peut-il pas réussir dans un pays qui veut être un point central régional, alors qu’il a réussi dans des milliers d’autres villes ?

Les taxis classiques, souvent regroupés en syndicats, considèrent les VTC comme une menace. Leur réaction est loin d’être pacifiste. Il y a souvent des courses poursuite, des agressions verbales et parfois physiques. Ces violences ne sont pas que des conflits entre conducteurs, elles mettent aussi en danger les passagers. « Une fois, j’étais dans un Careem, il était environ 21h00, et nous avons été poursuivis par 4 taxis. Heureusement que le chauffeur a su trouver une ruelle pour s’en échapper ! », déclare une kénitrienne en visite professionnelle à Casablanca, outrée par le tohu bohu local.

Pour les Marocains, la situation devient insupportable. Coincés entre des taxis souvent peu fiables et l’absence d’alternatives légales, ils font entendre leur mécontentement sur les réseaux sociaux. Même si les autorités tentent parfois de calmer les choses, il n’y a pas de plan clair. Les solutions proposées sont souvent temporaires. Par exemple, l’obligation de pose de compteurs dans certaines villes peut tout à fait être ignorée et le chauffeur peut imposer son propre tarif… bon, laissons nos Marrakchis tranquille !

 

Circulaire émise par le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, pour réformer le secteur des taxis, fin décembre 2024. DR.

Dans ce contexte, la circulaire du ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit peut être perçue comme une lueur d’espoir. Il appelle à moderniser le secteur avec des actions concrètes comme la numérisation et la mise en place de canaux de réclamation. Mais est-ce suffisant ? Moderniser les véhicules et introduire des outils numériques n’est pas tout. Le Maroc, en pleine évolution, ne peut plus accepter un secteur de taxis dysfonctionnel. Les enjeux vont bien au-delà de la simple mobilité. Ils touchent à la sécurité publique, à l’attractivité économique et à l’image du pays à l’international. Avec la Coupe d’Afrique des Nations de 2025 et la Coupe du Monde de 2030 qui approchent, il n’y a plus de temps à perdre !

Taxis hauts en couleurs

Au Maroc, chaque ville a sa couleur de taxi, ce qui éveille la curiosité des habitants et des touristes.
Casablanca, Rouge. La casa blanca a pourtant choisi le rouge depuis les années 1960. Cette couleur vive symbolise l’énergie et le dynamisme de la métropole tout en rendant les taxis bien visibles dans la circulation, comme à Fès.
Marrakech, Beige. La ville ocre a choisi une couleur neutre, en accord avec ses murs en terre cuite et ses paysages désertiques.
Rabat, Bleu ciel. La capitale a également opté pour une couleur tranquille, en relation avec la mer Atlantique et son rôle institutionnel.
Tanger, Bleu et jaune. La ville du Détroit se démarque avec une combinaison de bleu et blanc, en rapport avec son histoire maritime et sa vue sur la Méditerranée.
Agadir, Orange. Après le tremblement de terre de 1960, Agadir a pris le orange, une couleur représentant le renouveau et l’espoir. Cette teinte fait penser au soleil et aux plages. Idem pour Berkane.

Et les autres ?

Kelaa Mgouna : Rose
Al Hoceima : Bleu
Errachidia : Bleu
Saïdia : Bleu
Chefchaouen : Bleu
Meknès : Bleu ciel
Nador : Rouge
Azilal : Rouge
Oujda : Rouge
Ouarzazate : Beige
Taroudant : Vert et Blanc
El Jadida : Blanc
Kénitra : Blanc cassé – Jaune
Berkane : Orange
Midelt : Jaune
Salé : Jaune
Tétouan : Jaune
Azrou : Vert
Ifrane : Vert
Mohammédia : Vert clair…

Pourquoi des couleurs différentes ?

Ces couleurs créent une identité urbaine. Elles aident les usagers à repérer rapidement les taxis locaux et évitent des confusions pour les chauffeurs. Cela répond aussi à des besoins pratiques, comme l’inspection des licences et le contrôle des zones des chauffeurs.

Ce système existe-t-il ailleurs ?

Le Maroc n’est pas le seul à utiliser des couleurs pour ses taxis. À New York, les Yellow Cabs sont là pour plus de visibilité. En Thaïlande, les taxis affichent des couleurs vives comme le rose ou le vert, suivant la compagnie. En Turquie, les taxis sont jaunes pour uniformité. Toutefois, le Maroc se distingue avec des couleurs spécifiques à chaque ville, une touche culturelle.

Taxis vs VTC

L’arrivée des VTC a été un changement brusque. Les taxis traditionnels se confrontent aux entreprises de VTC comme Uber, Careem ou encore Yango. Ces entreprises, avec des technologies modernes, ont apporté une nouvelle option : des tarifs clairs, des réservations faciles et un service normalisé. En face, les taxis traditionnels, avec leurs méthodes parfois anciennes, voient leur monopole menacé. Craignant de perdre des clients au profit d’un modèle disruptif, une hostilité grandit.

Pour les chauffeurs de taxi, ce conflit est bien plus qu’une compétition économique. C’est une question de survie. Face à des coûts élevés de location pour la « grima », les chauffeurs de taxi dénoncent une concurrence qu’ils jugent inéquitable. Les services de VTC, échappant souvent à la régulation stricte réservée aux taxis traditionnels, sont accusés de profiter d’un vide juridique pour s’implanter dans un marché avec des règles inégales.

En 2018, ce conflit a atteint un sommet avec le retrait de Uber au Maroc. Ce qui a été vu comme une victoire par les chauffeurs de taxi. Depuis, les tensions n’ont cessé d’augmenter. Les conflits entre taxis et conducteurs VTC s’intensifient, frappant à divers endroits. Les vidéos de tensions circulent sur les réseaux sociaux, montrant des taxis encerclant des VTC, menaçant physiquement leurs conducteurs et passagers.

Les autorités tentent d’intervenir pour apaiser les tensions, mais elles ont du mal à établir des lois claires et justes. Les VTC, souvent perçues comme des intruses, naviguent dans un flou juridique qui alimente l’exaspération des taxis traditionnels.

Pour les usagers, la situation est frustrante. Ils se retrouvent coincés entre un service de taxi souvent jugé médiocre et des plateformes VTC dont l’avenir est incertain et dans lesquels monter est devenu risqué pour leur sécurité. Malgré le traçage au pas des chauffeurs de la plupart des VTC, via un GPS relié à l’entreprise, il n’est pas rare d’entendre des témoignages glaçants sur ces derniers, allant du simple vol… au viol ! Le 22 octobre, nous citions le témoignage de Mounia, dans notre article VTC au Maroc : vide juridique et risques, dans lequel Mounia raconte avoir pris un VTC à 20 heures pour rentrer chez elle après une journée de travail : « J’avoue, j’étais sur mon téléphone à répondre à quelques derniers mails, je n’y ai pas prêté attention les premières minutes. Quand j’ai fini par lui dire que je préférais qu’il retourne sur les axes principaux, il a tout de suite pris un ton agressif. J’ai compris immédiatement qu’il avait des intentions douteuses, donc j’ai tenté de le calmer, mais il ne faisait que répéter que les filles comme moi cherchions les problèmes. J’ai attendu de reconnaître une rue ou un boulevard et dès qu’il a été obligé de s’arrêter, je suis descendue en catastrophe de la voiture et me suis réfugiée dans un café où des clients ont vite réagi et ont même essayé de le rattraper ».

Une histoire encore plus glaçante est advenue à la youtubeuse Fatima Zahra Lassakri qui a subi une attaque par un chauffeur de Indrive à Rabat. Le conducteur l’aurait intentionnellement conduite vers une route isolée avant d’agir. Cette situation, triste, n’est malheureusement pas unique. Le 16 octobre 2024, une bande criminelle a été arrêtée à Casablanca par la police. Ce groupe utilisait l’application Indrive pour attirer des victimes dans des endroits isolés où elles étaient agressées. Plus de témoignages d’attaques similaires apparaissent, causant la méfiance envers ces services, donnant du pain béni aux chauffeurs de taxis.

Les efforts de réforme efficaces ?

Depuis longtemps, le secteur des taxis au Maroc est au cœur de débats et de critiques. Malgré les tentatives des autorités de remédier aux problèmes existants, le chaos persiste.

Le premier problème des réformes est dans la structure du système. Ce système repose sur les agréments, ou « grima ». Cela donne à des tiers le droit d’exploiter des taxis, souvent sans aucune participation réelle. Les chauffeurs sont des locataires, souvent obligés de payer cher ces agréments, ce qui les oblige à travailler de longues heures. Ce modèle crée de l’inégalité. Les bénéfices vont aux propriétaires d’agréments, pendant que les chauffeurs, qui sont pourtant la base du système, se battent pour joindre les deux bouts.

Les réformes passées n’ont pas réglé ce problème de fond. Les autorités ont souvent choisi des solutions superficielles, comme les compteurs obligatoires dans les taxis. A Casablanca, par exemple, notamment au niveau des gares de trains, beaucoup de chauffeurs continuent d’ignorer les compteurs, préférant discuter des tarifs directement avec les passagers, ce qui nuit à la transparence ! « A la gare de Casa Voyageurs, aucun taxi ne voulait m’emmener à deux quartiers de là, l’un d’eux m’a proposé de m’y emmener pour 20 dirhams, au lieu des 8 habituels. J’ai préféré accepter que risquer de rester là. Il m’a demandé d’attendre dans le taxi, histoire de trouver deux autres passagers. Il a négocié avec des MRE a qui, finalement, il avait demandé 50 dirhams pour un autre trajet et m’a tout bonnement demandé de sortir me trouver un autre taxi ! Que faire ? Lui dire de m’emmener au commissariat alors que tous les chauffeurs m’entouraient à ce moment, j’avais très peur ! », explique Zineb à LeBrief, qui, à présent, refuse de voyager à partir de cette gare, la peur ne la quittant toujours pas.

De même, les efforts pour moderniser avec des outils numériques ont du mal à prendre. Des applications locales, comme Heetch, (devenue Toogo en décembre 2023) ont essayé de rivaliser avec les géants du VTC. Mais leur utilisation reste faible.

Un autre problème dans les réformes des taxis est qu’elles oublient souvent les attentes des usagers. Trop souvent, les initiatives se concentrent sur des questions administratives ou techniques, sans penser à l’expérience des utilisateurs. Les clients marocains se plaignent souvent de pratiques abusives : refus de courses, prix élevés, propreté douteuse et comportements inappropriés de certains chauffeurs.

De plus, les syndicats de chauffeurs s’opposent fermement à tout. Ces groupes, bien qu’ils soient variés, voient souvent les changements comme une menace. La modernisation, qu’il s’agisse d’introduire des VTC ou de réorganiser les agréments, est vue comme un risque pour leur modèle économique. Les chauffeurs de taxis ont d’ailleurs rejeté une décision de la DGSN qui demande un certificat de vie pour les détenteurs d’agréments. Cette mesure, basée sur des circulaires administratives, fait face à l’opposition des syndicats, qui la jugent injuste. Ils notent que plusieurs titulaires sont décédés sans que leurs droits aient été transmis, ce qui pénalise les chauffeurs qui dépendent de ces licences pour vivre. Mustapha El Kihel, le secrétaire général du Syndicat démocratique des professionnels du transport, avertit qu’une crise pourrait survenir dans un secteur déjà négligé, si cette mesure est appliquée. Les syndicats exigent un dialogue urgent avec le ministère de l’Intérieur pour clarifier les règles d’exploitation et proposer l’arrêt du système des « grima » au profit d’un cahier des charges. Ils réclament aussi un meilleur soutien pour les chauffeurs à travers le Registre social unifié (RSU).

Un autre obstacle est le manque de coordination entre les différents niveaux de gouvernance. Les décisions prises au niveau national ne s’adaptent pas toujours aux réalités locales. Chaque ville a ses propres règles, comme la densité urbaine et la demande de transport. À Tanger, par exemple, la forte affluence de touristes nécessite des services flexibles, tandis qu’à Rabat, les trajets courts posent d’autres problèmes de rentabilité, les chauffeurs augmentent donc la cadence de leur compteur, afin d’augmenter le total, ce qui complique les choses. Une approche uniforme pour ces réformes ne peut donc pas répondre correctement à cette diversité.

Et puis le conflit avec les entreprises de VTC rend les réformes encore plus complexes. Ces plateformes, qui apportent des avantages modernes et transparents, opèrent dans un système déjà compliqué. Un flou juridique persiste. Actuellement, des plateformes comme Yango ou Careem tentent de profiter de cette absence de règles. C’est une réalité, même s’il s’agit là d’entreprises très pratiques. La circulaire du ministère de l’Intérieur cherche à surmonter ces défis. En favorisant la numérisation, la révision des agréments et en améliorant les conditions des chauffeurs, elle pourrait transformer le paysage.

Des exemples à l’international offrent des pistes. En France, par exemple, des règles claires pour les VTC ont apaisé les relations avec les taxis, les incitant à se moderniser. À Dubaï, un modèle hybride a vu le jour. Taxis et plateformes collaborent.

Interview avec Maître Mohamed Oulkhouir, avocat au barreau de Paris, avocat associé du cabinet Chassany Watrelot & Associés et fondateur de l’Association marocaine de droit du travail.

– Le Brief : Quel est l’état actuel du cadre juridique qui régit le secteur des taxis au Maroc ?
– Maître Mohamed Oulkhouir : Le cadre juridique applicable aux taxis au Maroc est principalement par le Dahir n° 1-63-260 du 24 joumada II 1383 (12 novembre 1963) relatif aux transports par véhicules ainsi que par de nombreux textes réglementaires relevant essentiellement du ministère de l’Intérieur et des collectivités locales.
1) Licences et autorisations : Le Dahir exige que tous les taxis soient titulaires d’un agrément délivré par les autorités locales. Cet agrément définit les conditions d’exploitation et les obligations des conducteurs. Rappelons, et c’est sans doute cela l’origine des difficultés actuelles, que l’attribution d’un agrément de transport n’est pas un droit susceptible d’être revendiqué sur la base de compétences professionnelles en la matière, mais davantage un privilège octroyé par l’administration marocaine le plus souvent à des citoyens en situation de fragilité ou de vulnérabilité ou à des personnes considérées comme des citoyens socialement méritants.
2) Types de taxis : La loi distingue entre différents types de taxis, notamment les taxis collectifs et les taxis individuels. Chacun a des réglementations spécifiques concernant les itinéraires, les tarifs et les services.
3) Tarification : Les tarifs des taxis doivent être fixés et affichés de manière transparente. Des arrêtés peuvent déterminer les tarifs maximums applicables.
4) Sécurité et normes : Les taxis doivent respecter des normes de sécurité et d’entretien. Des contrôles périodiques sont souvent requis pour s’assurer que les véhicules sont en bon état de fonctionnement.
5) Réglementation locale : Les autorités locales, comme les municipalités, ont un rôle important dans la gestion et la régulation du service de taxi dans leur région. Elles peuvent imposer des normes supplémentaires.
Ce cadre juridique non uniforme, plutôt ancien bien qu’existant, fait face à des défis, notamment en ce qui concerne la concurrence informelle et la nécessité d’améliorer la qualité des services offerts aux usagers. De plus, avec l’émergence d’applications de transport à la demande, il devient impératif d’adapter et de moderniser le cadre juridique afin d’inclure ces nouveaux acteurs tout en garantissant une concurrence équitable avec les taxis traditionnels.

– Le Brief : Comment le cadre légal actuel protège-t-il les droits des usagers de taxis et de VTC ?
– Maître Mohamed Oulkhouir : Le cadre actuel tente de protéger les usagers des taxis en premier lieu à travers cette obligation d’obtenir un agrément et ensuite à travers de multiples mesures prises de temps à autre par les autorités et les collectivités locales mais il faut bien avouer que cela est tout à fait insuffisant.
En l’absence de cadre légal spécifique, les usagers des VTC ne bénéficient malheureusement d’aucune protection spécifique et leur seul recours sera de se tourner vers la plateforme en cas de manquements de ces derniers à leurs obligations contractuelles.

– Le Brief :  La formation et la professionnalisation des chauffeurs de taxi, ou VTC, sont-elles adéquatement réglementées ?
– Maître Mohamed Oulkhouir : On peut résumer cela de la manière suivante : la formation et la professionnalisation pour les chauffeurs de taxis, qui a le mérite d’exister, est manifestement inopérante ou insuffisante ou inadaptée. Et ce malgré les multiples initiatives louables prises ces dernières années par les collectivités et les autorités locales pour professionnaliser les intervenants dans le secteur du transport public de personnes.
S’agissant des chauffeurs de VTC, cette formation et cette professionnalisation est entièrement dépendante des plateformes puisqu’il n’existe aucune réglementation applicable les concernant.

– Le Brief : Que pensez-vous des mesures évoquées dans la circulaire pour sanctionner les contrevenants ? Est-ce efficace ?
– Maître Mohamed Oulkhouir : Ce sont de bonnes mesures et des mesures incontestablement nécessaires mais la difficulté réside dans la possibilité de les appliquer et d’en contrôler effectivement l’application sur le terrain. Ce qui n’est pas chose aisée.

– Le Brief : L’obligation pour les détenteurs d’agréments de moderniser leur flotte et de fournir des moyens de communication pour les réclamations est-elle juridiquement ou économiquement contraignante ?
Oui au plan du droit puisque in fine les autorités pourront en cas de défaillance décider de ne pas renouveler les agréments mais au plan socio-économique ce non-renouvellement est-il réellement possible notamment au regard de ses répercussions sociales potentielles ?

– Le Brief : Comment éviter que les incidents impliquant des chauffeurs de taxi et des VTC, à la veille de grands événements sportifs, ne nuisent à l’image du Maroc ?
– Maître Mohamed Oulkhouir : Les plateformes opèrent globalement dans l’illégalité donc il est indispensable de mettre en place un cadre légal qui intégré ces nouvelles formes de mobilité et puisse garantir les droits de chacun. Pour autant et dans l’attente de ce cadre, des réponses juridiques et judiciaires fortes doivent être prises à l’encontre de celles et ceux qui prétendent se faire justice à eux-mêmes et font usage de la violence à l’encontre des chauffeurs et/ou des usagers de VTC.
Et même si l’on peut intellectuellement comprendre l’exaspération de certains chauffeurs de taxis face à cette forme de concurrence, la violence n’est pas une réponse acceptable et elle ne doit pas être acceptée par les pouvoirs publics.

– Le Brief : Quels mécanismes juridiques pourraient être introduits pour garantir la coexistence pacifique entre taxis et VTC, notamment à l’approche d’événements ?
– Maître Mohamed Oulkhouir : La réponse est assez simple au plan juridique, il s’agit de sortir d’un système de rente et de considérer le transport de personnes comme une activité économique comme une autre avec un cahier des charges et des règles permettant à celles et ceux qui le souhaitent de s’y adonner. Il faudrait donc faire en sorte que toutes les personnes qui acceptent de se soumettre aux conditions de formation, de professionnalisation, de qualité de service et de tarification puissent se lancer librement dans cette activité de transport.
Le temps des agréments pour des motifs sociaux est révolu. Seul doit compter la volonté d’effectuer cette activité de transport selon les meilleurs standards en termes de service aux usagers.
– Le Brief : Estimez-vous que le gouvernement ait failli dans son rôle de régulateur en tolérant certaines pratiques violentes dans le secteur ?
– Maître Mohamed Oulkhouir : Il me semble que le gouvernement aurait pu se saisir plus tôt de cette question afin de mettre en place une réglementation idoine plutôt que de laisser perdurer ce face-à-face parfois violent entre taxis et VTC. Plutôt que de mettre en place un cadre, le choix a été fait de considérer les VTC comme illégaux au plan du droit tout en les laissant travailler et développer leur activité. À l’aube des importants évènements à venir, le maintien de ce statu quo n’est manifestement plus possible ni même viable !

Le transport public de personnes doit être traité comme une activité économique classique, et ses conditions d’accès se fonder sur un cahier des charges favorisant la compétence, la professionnalisation, la formation ou encore le service aux usagers. De cette manière, tous pourront coexister et travailler et c’est in fine l’usager qui fera triompher les uns ou les autres en fonction de la qualité de service qui lui est rendu.

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