Accueil / Économie

Tarification du carbone : clé de voûte de la lutte contre le changement climatique

Temps de lecture

Image d'illustration. © DR

Dans une analyse détaillée publiée par le Policy Center for the New South (PCNS), l’économiste Rim Berahab examine les liens entre les activités économiques mondiales et les émissions de gaz à effet de serre (GES). En dépit des défis posés par la crise énergétique mondiale et l’inflation, Berahab met en lumière l’importance des mécanismes de tarification du carbone pour atténuer les effets du changement climatique et promouvoir un développement économique durable. Son analyse souligne la nécessité d’intégrer ces mécanismes dans une stratégie globale, tout en tenant compte des réalités économiques et sociales des pays en développement.

Dans le contexte actuel de l’économie mondiale, la corrélation entre les activités économiques et les émissions de gaz à effet de serre (GES) est clairement établie. Si certaines économies développées ont commencé à observer un découplage entre croissance économique et émissions, le problème reste néanmoins prégnant à l’échelle globale. Face à l’impact de ces émissions sur le climat mondial, il devient impératif de mettre en œuvre des politiques globales et innovantes pour atténuer les effets du changement climatique.

Ces politiques doivent influencer les décisions à travers les divers secteurs économiques et embrasser des options variées telles que la réduction de la consommation d’énergie, la promotion de l’innovation technologique, la restructuration économique vers un modèle durable, la diversification des sources énergétiques, le soutien aux solutions à faible émission, et l’internalisation des coûts environnementaux.

L’engagement des nations à adopter de telles stratégies est essentiel, non seulement pour atteindre les objectifs économiques internes, mais aussi pour répondre de manière responsable aux enjeux climatiques qui transcendent les frontières nationales.

Lire aussi : ONCF : baisse de son empreinte carbone en 2022

La tarification du carbone

La tarification du carbone émerge comme une solution essentielle pour intégrer les coûts externes générés par les émissions de gaz à effet de serre. Ces émissions, responsables de dommages variés tels que la perte de biens immobiliers due à la montée des eaux, la destruction des cultures par le changement des régimes de précipitations, et l’augmentation des frais de santé dus aux canicules, posent un fardeau financier sur le public. La politique de tarification du carbone vise donc à transférer cette charge financière des citoyens aux entreprises polluantes, même si certains coûts retombent inévitablement sur les consommateurs.

Avantages et Limites

Cette politique n’est pas sans avantages. En incitant à une réduction de la consommation d’énergie et à l’utilisation de combustibles moins polluants, elle stimule l’innovation et l’adoption de nouvelles technologies propres. L’anticipation d’une hausse des coûts des carburants incite également les entreprises à investir dans des énergies renouvelables. De plus, la tarification du carbone génère des revenus qui peuvent être utilisés pour financer des objectifs économiques et de redistribution sociale. Les entreprises adoptent ainsi une tarification interne pour mieux appréhender les impacts des normes carbones sur leurs activités et détecter les opportunités d’affaires liées au climat.

Cependant, cette politique a aussi ses inconvénients. Elle peut affecter de manière disproportionnée les ménages les plus pauvres en augmentant les coûts des biens fortement émetteurs de carbone, exacerbant les inégalités existantes. De surcroît, la mise en œuvre de certaines mesures, comme les taxes aux frontières, se heurte à des obstacles liés aux règles du commerce international. Enfin, la tarification du carbone cible principalement les émissions issues des combustibles fossiles, délaissant d’autres sources de gaz à effet de serre.

Pour que la tarification du carbone atteigne son plein potentiel, elle doit être intégrée dans une stratégie d’atténuation plus vaste, comprenant des mesures de transition juste et une coopération internationale pour améliorer les pratiques globales. Un tel cadre intégré est essentiel pour relever les défis du changement climatique tout en aidant les pays en développement à réaliser des transitions énergétiques durables.

Lire aussi : Taxe carbone, opportunité ou contrainte pour l’industrie marocaine ?

Taxes carbone et système d’échange de quotas d’émission

Avec deux méthodes principales : les taxes carbone et le système d’échange de quotas d’émission (ETS). Ces mécanismes visent à imposer un coût sur le carbone pour inciter les entreprises à réduire leur empreinte carbone, chaque méthode ayant ses spécificités.

Les taxes carbone, imposées par les gouvernements, cherchent à réduire la consommation de combustibles fossiles en augmentant leur coût, poussant ainsi à une transition vers des énergies moins polluantes. L’efficacité des taxes carbone varie selon leur montant. Par exemple, un prix du carbone fixé à 50 dollars la tonne pourrait réduire les émissions de CO2 des pays du G20 de 15 à 35% d’ici à 2030 par rapport aux tendances actuelles.

D’autre part, les ETS fonctionnent en fixant un plafond aux émissions totales permises, qui est ensuite divisé en permis échangeables. Ce système crée un marché pour les droits d’émission, permettant aux entreprises d’acheter ou de vendre des permis en fonction de leurs besoins en émissions. Cela encourage les entreprises à devenir plus efficaces du point de vue énergétique et à investir dans des technologies propres pour réduire leurs émissions.

Ces deux approches, bien que différentes, sont souvent considérées comme complémentaires. Choisir entre une taxe carbone et un ETS dépend de plusieurs facteurs, notamment la prévisibilité des coûts pour les entreprises et les impacts économiques plus larges. Les taxes carbone offrent une certaine prévisibilité des prix et sont généralement plus simples à administrer, tandis que les ETS offrent une certitude quant au volume d’émissions réduites, mais peuvent entraîner une plus grande volatilité des prix.

La résilience des mécanismes de tarification du carbone face aux défis économiques globaux

Malgré les défis posés par la crise énergétique mondiale et l’inflation croissante, le développement des taxes carbone et des prix des ETS a démontré une résilience notable. Cependant, une certaine stagnation de la croissance des prix a été observée après une période de hausses rapides. En réponse à la crise énergétique, certains pays, comme l’Allemagne et l’Afrique du Sud, ont cédé à la pression politique découlant des prix élevés de l’énergie, choisissant de réduire les taux de la taxe carbone ou de reporter les augmentations prévues. En revanche, d’autres pays, tels que l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège et le Canada, ont augmenté leurs taux de taxe carbone de plus de 20%, surpassant leurs taux d’inflation nationaux.

L’engagement de nombreux gouvernements à maintenir et même intensifier leurs efforts en matière de tarification du carbone malgré les pressions économiques témoigne d’une résolution mondiale pour aborder le changement climatique à travers des mesures fiscales. Les marchés de l’énergie restent le facteur le plus important influençant les prix dans la majorité des ETS, surpassant les changements de politique.

Lire aussi : La “taxe carbone” : une épreuve pour le continent, une aubaine pour le Royaume ?

Expansion et revenus

En 2023, ces instruments couvraient environ 23% des émissions mondiales de GES, en hausse par rapport à 7% il y a une décennie. Cette modeste augmentation de la couverture mondiale est attribuable à l’élargissement de la portée de certaines politiques et à l’introduction de nouveaux instruments. De plus, la Nouvelle-Zélande est sur le point de devenir le premier pays à tarifer les émissions agricoles à partir de 2025, étendant ainsi la tarification du carbone au-delà des secteurs traditionnellement couverts.

Quant aux revenus générés par la tarification du carbone, ils ont augmenté de manière remarquable en 2022, atteignant près de 95 milliards de dollars à l’échelle mondiale, avec l’ETS de l’UE contribuant le plus en termes absolus. Ces revenus sont souvent affectés à des fins spécifiques, ce qui peut aider à atténuer l’opposition politique. En 2022, 40% des revenus des taxes carbone et des ETS étaient affectés principalement aux dépenses environnementales et 10% à des transferts directs aux ménages et entreprises vulnérables.

Disparités dans la mise en œuvre entre les pays à revenus élevés et les pays en développement

La mise en œuvre des taxes carbone et ETS se concentre principalement dans les pays à revenu élevé, notamment en Europe et en Amérique du Nord, où tous les pays disposent d’une certaine couverture de ces mécanismes. Aux États-Unis, ces politiques sont essentiellement mises en œuvre au niveau sous-national, tandis que la Chine se distingue par son ETS national, qui représente une part importante des émissions couvertes en Asie de l’Est et dans le Pacifique.

En revanche, la présence de la taxe carbone et des ETS en Afrique et au Moyen-Orient reste faible, reflétant une mise en œuvre inégale à travers les groupes de revenus. Les taux de taxe carbone et les prix des ETS tendent à être plus élevés dans les pays à revenu élevé que dans les pays à revenu moyen, ce qui reflète les différentes capacités économiques et les profils d’émissions de ces pays.

Les défis uniques pour les pays en développement découlent d’une interaction complexe de facteurs sociaux, économiques, légaux et politiques. Bien que la tarification du carbone encourage la réduction des émissions et la promotion du développement économique vert, elle peut imposer un fardeau disproportionné aux économies en développement par rapport aux économies avancées. Cette disparité provient de l’inefficacité relative des économies en développement et de la faible volonté publique de payer pour les réglementations climatiques. De plus, ces pays peuvent prioriser l’accès à l’énergie et son abordabilité, ce qui peut entrer en conflit avec les initiatives de tarification du carbone.

Lire aussi : Mezzour : le Maroc ambitionne de devenir une plateforme automobile décarbonée la plus compétitive au monde

Les opportunités des réformes de Tarification du carbone pour les économies en développement et émergentes

Néanmoins, des réformes bien conçues de tarification du carbone peuvent apporter des avantages aux économies en développement et émergentes en abordant des défis urgents au-delà de l’atténuation du changement climatique. Ces avantages incluent la lutte contre la pollution locale, la pression sur les grands pollueurs pour intensifier leurs efforts d’atténuation, et le renforcement de la capacité des pays en développement à participer avec succès à une économie mondiale en décarbonation.

Les revenus générés par la tarification du carbone peuvent être stratégiquement canalisés pour améliorer l’accès à l’énergie et son abordabilité, et pour soutenir les filets de sécurité sociale, aidant ainsi à atténuer les impacts potentiels négatifs de la tarification du carbone sur les groupes vulnérables. Ces revenus peuvent également soutenir une gamme de priorités économiques et sociales dans les pays en développement.

Malgré les défis, il existe un intérêt croissant pour les mécanismes de tarification du carbone dans les régions historiquement peu couvertes, comme l’Afrique. Plusieurs pays à revenu faible et moyen envisagent la mise en œuvre de taxes carbone ou l’établissement d’un ETS. Des études de faisabilité, des cadres juridiques et un soutien international ouvrent la voie à ces pays pour potentiellement rejoindre le paysage mondial de la tarification, indiquant un changement potentiel dans la répartition géographique des initiatives de tarification du carbone.

Dernier articles
Les articles les plus lu

L’avenir énergétique du Maroc : un nouveau chapitre d’investissements et d’innovations

Économie - Le Maroc, dans un contexte mondial de transition énergétique, se positionne en acteur majeur grâce à des investissements colossaux dans les énergies renouvelables.

Farah Nadifi - 18 décembre 2024

Hausse de 1,8 million m3 de la capacité de stockage des produits pétroliers à horizon 2030

Économie - Leila Benali a annoncé une augmentation de 1,8 million de m³ des capacités de stockage des produits pétroliers d'ici 2030.

Rédaction LeBrief - 18 décembre 2024

Maroc-Afrique : les volumes d’échanges commerciaux en hausse de 45%

Afrique, Économie, Économie - Le volume des échanges commerciaux entre le Maroc et les autres pays africains est passé de 36 milliards de dirhams (MMDH) en 2013 à 52,7 MMDH en 2023

Mbaye Gueye - 18 décembre 2024

Mobilisation foncière : un moteur pour l’investissement au Maroc

Économie - Nadia Fettah a annoncé que près de 18.000 hectares de foncier public ont été mobilisés en 2024 pour soutenir des projets d’investissement.

Ilyasse Rhamir - 18 décembre 2024

Le Maroc se dote d’un cadre juridique pour les crypto-actifs

Économie - Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), a annoncé que le cadre juridique régissant les crypto-actifs au Maroc est en phase d’adoption.

Mbaye Gueye - 18 décembre 2024

Trelleborg renforce sa présence au Maroc avec une nouvelle usine

Économie - La société suédoise Trelleborg, leader mondial des solutions polymères, a lancé la construction de sa nouvelle usine à Midparc.

Mbaye Gueye - 17 décembre 2024

Les Nations unies déterminées à offrir l’aide nécessaire au peuple syrien

Monde - L’Organisation des Nations unies a l’intention de fournir toute l’assistance nécessaire au peuple syrien.

Rédaction LeBrief - 17 décembre 2024

Bank Al Maghrib : réduction du taux directeur à 2,5%

Économie - Le Conseil de Bank Al Maghrib (BAM) a annoncé, lors de sa dernière réunion trimestrielle, une baisse de son taux directeur de 25 points de base.

Rédaction LeBrief - 17 décembre 2024
Voir plus

Économie nationale en 2023 : quelles perspectives de reprise ?

Économie - Quelles sont donc les perspectives de reprise de l'économie nationale dans un contexte d'incertitudes ?

Manal Ben El Hantati - 23 janvier 2023

Hydrogène vert : le Maroc s’engage dans la transition énergétique

Économie - Nizar Baraka a souligné le potentiel du secteur portuaire dans la transition vers des alternatives utilisant l'hydrogène vert.

Chaima Aberni - 15 janvier 2024

France : Emmanuel Macron promet la formation d’un nouveau gouvernement

Monde - Emmanuel Macron a promis de nommer un Premier ministre chargé de former un gouvernement « resserré » et « d’intérêt général » dans les prochains jours.

Mbaye Gueye - 5 décembre 2024

Adoption de la 1ère partie du PLF 2025 par la Chambre des conseillers

Économie - La Chambre des conseillers a adopté, à la majorité, la 1ère partie du PLF 2025 lors d'une séance plénière tenue le 5 décembre 2024, en présence de Fouzi Lekjaa.

Rédaction LeBrief - 5 décembre 2024

Viande rouge : le Maroc s’approvisionne en Espagne

Économie - La flambée des prix de la viande rouge au Maroc pousse les acteurs économiques et les autorités à s'approvisionner en Espagne pour endiguer cette crise persistante.

Ilyasse Rhamir - 16 décembre 2024

Macron prend acte de la démission du gouvernement

Monde - Emmanuel Macron, a pris acte de la démission du gouvernement conduit par Michel Barnier qui assure désormais « le traitement des affaires courantes »

Rédaction LeBrief - 5 décembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire