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Suppression de la TVA sur les médicaments : une réforme à double tranchant

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Le Maroc s’apprête à franchir une étape importante en matière de justice fiscale avec la proposition de suppression de la TVA de 7% sur les médicaments dans le projet de loi de Finances 2024. Cette initiative, en réponse à une demande persistante de la population, vise à alléger le fardeau financier des médicaments. Toutefois, cette réforme soulève des préoccupations au sein de l’industrie pharmaceutique, notamment en termes de souveraineté sanitaire. Pour éclaircir ces enjeux, nous avons interrogé Abdelmajid Belaiche, analyste et expert des marchés pharmaceutiques. Entretien.

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LeBrief : Quelles sont les implications économiques de la suppression de la TVA sur les médicaments pour le marché pharmaceutique marocain ?

Abdelmajid Belaiche : À court terme, cela entraînera une baisse de 4,8% du chiffre d’affaires du marché pharmaceutique au prix fabricant toutes taxes comprises (P.F.T.T.C.), étant donné que 68,4% de ce chiffre d’affaires est représenté par des médicaments soumis à 7% de TVA, le reste (31,6%) étant constitué de médicaments exonérés de TVA. Cependant, cette baisse sera probablement compensée par la croissance moyenne annuelle du marché pharmaceutique de +10,9% en volume et de +12,6% en CA sur la période 2020-2022. Pour les patients, cela se traduira par une réduction globale de leurs dépenses en médicaments de 4,8%, soit une économie d’un peu plus d’un milliard de DH (MMDH). Cette économie sera soutenue par la croissance du marché due à l’élargissement de l’accès aux soins et à la couverture sanitaire universelle (CSU).

LeBrief : En quoi cette exonération de TVA sur les médicaments constitue-t-elle une réparation d’une injustice sociale, selon vous ?

Abdelmajid Belaiche : Oui, une injustice que subissent les patients depuis l’imposition de la TVA sur les médicaments, en vigueur depuis plusieurs décennies, puisqu’elle représente une double peine pour le patient, à savoir la maladie et le surplus des dépenses en médicaments. En 2014, le décret de fixation des prix des médicaments a instauré un système basé sur le benchmark des prix avec six pays, sans toutefois harmoniser la TVA, qui était nulle ou faible dans cinq de ces pays. Des exonérations ont ensuite été accordées, d’abord pour les vaccins en 2014, puis pour les médicaments de la fertilité et certains antibiotiques injectables, avant d’exonérer tous les médicaments dont le prix public de vente (PPV) dépasse 1000 DH par boîte. Cependant, le volume de ces médicaments exonérés ne représente que 15,5% en volume et 31,6% en valeur. Ainsi, l’exonération de la TVA apportée par le PLF 2024 répare une injustice ancienne.

Lire aussi : Suppression de la TVA sur les médicaments : tout sur cette mesure tant attendue

LeBrief : Quelles conséquences cette exonération de TVA pourrait-elle avoir sur les finances des pharmacies, en particulier celles déjà en difficulté ?

Abdelmajid Belaiche : les pharmacies les plus fragiles, réalisant moins de 2 millions de DH (MDH) de chiffre d’affaires et dont la majorité ne dépasse pas 500 000 DH, ne reversent pas la TVA récoltée au titre d’une mesure fiscale visant à préserver une partie du tissu officinal marocain. Avec la suppression de la TVA sur les médicaments, cette bouffée d’oxygène fiscale disparaîtra, ce qui pourrait impacter négativement leurs finances. Des mesures d’accompagnement seront nécessaires pour pallier cette perte.

LeBrief : Quels mécanismes pourraient être mis en place pour soutenir les pharmacies qui pourraient être affectées financièrement par cette mesure ?

Abdelmajid Belaiche : Actuellement, rien n’a été annoncé concernant des mesures d’accompagnement. Sans une demande explicite des pharmaciens, cette situation pourrait peser lourdement sur le secteur, surtout avec les baisses continues des prix affectant les marges sur les médicaments dont le PPV est inférieur à 1000 DH, qui représentent plus de 95% des médicaments vendus en pharmacies.

Lire aussi : Bulletin officiel : nouvelle baisse de prix de médicaments

LeBrief : Quels ajustements les pharmacies devront-elles faire pour s’adapter à cette nouvelle réglementation fiscale ?

Abdelmajid Belaiche : Les pharmaciens, bien qu’ils ne puissent agir directement, peuvent néanmoins faire entendre leur voix pour solliciter des mesures d’accompagnement afin d’éviter une catastrophe dans le secteur officinal. Par ailleurs, l’exonération de la TVA sur les médicaments affectera de manière significative, mais différemment, les deux autres piliers du secteur pharmaceutique : l’industrie de fabrication des médicaments et, dans une moindre mesure, les importateurs de médicaments, ainsi que l’ensemble du secteur de la distribution, représenté par une soixantaine de grossistes répartiteurs pharmaceutiques. Ces deux derniers segments achètent tous leurs intrants et services avec un taux de TVA de 20%. Vendre leurs produits à un taux de 0% aggravera donc le crédit de TVA de ces entreprises, nuisant à leurs résultats. À ce jour, seule l’exonération de TVA s’applique aux matières premières pharmaceutiques et aux articles de conditionnement, mais pas aux autres postes (énergie, eau, services, etc.) qui continueront à être taxés à 20%. Ce déséquilibre crée un goulot d’étranglement fiscal pour ces entreprises en amont, constituant une injustice fiscale plutôt qu’une équité. Il est important de rappeler le discours du roi Mohammed VI en 2021 sur la souveraineté sanitaire et la fabrication locale des médicaments et vaccins, soulignant le rôle crucial de ces entreprises dans la garantie de l’approvisionnement du pays en produits de santé.

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