Accueil / Économie

France : les agriculteurs en colère contre la concurrence déloyale des produits étrangers

Temps de lecture

Grève des agriculteurs français. © R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Les agriculteurs français ne décolèrent pas. Ils protestent contre les accords de libre-échange en attaquant les camions remplis de produits alimentaires importés et en bloquant les routes vers Paris. Selon Lahoucine Adardour, président de la FIFEL, les exportations d’aliments marocains vers la France ne risquent pas d’être affectées malgré ce remue-ménage. Détails.

Les agriculteurs français ont maintenu leur blocage des axes routiers stratégiques autour de Paris pour le deuxième jour consécutif, exprimant leur détermination à continuer tant que le gouvernement ne répondra pas favorablement à leurs demandes de mesures supplémentaires.

Lire aussi : CMA CGM lance un nouveau service reliant le Maroc, la France et l’Espagne

La France renforce la sécurité pendant les manifestations agricoles

Le gouvernement a fait appel aux forces de sécurité pour déployer des véhicules blindés de la gendarmerie à Rungis. La continuité des activités sur ce marché est vital car il constitue le plus grand marché de gros alimentaire d’Île-de-France, pour l’approvisionnement alimentaire de la région parisienne.

Les agriculteurs ont continué de bloquer les autoroutes autour de Paris ainsi que d’autres grandes villes, provoquant des embouteillages considérables. Les blocages ont impliqué un millier d’agriculteurs et un peu plus de 500 engins. Leur objectif semble être de maintenir la pression jusqu’à vendredi.

Le mouvement demande notamment une réduction des accords de libre-échange, car la France dépend de plus en plus des importations alimentaires, notamment de volaille et de l’achat de produits agricoles en dessous de leur prix de revient.

Parallèlement, les écologistes s’inquiètent d’un éventuel assouplissement des normes environnementales, tandis que les syndicats majoritaires cherchent à renforcer leur position. Ils réclament particulièrement une révision des restrictions d’utilisation des pesticides.

En dehors de Paris, diverses actions sont prévues, surtout des contrôles informels de cargaisons de camions aux abords des supermarchés, des blocages d’accès à l’aéroport de Toulouse, des cortèges de tracteurs en Corse et des dégustations de fromages en Indre-et-Loire. Pour le moment, les principales conséquences pour la population française sont les embouteillages et les déviations causés par les blocages.

Le premier ministre, Gabriel Attal, assure que la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) intensifiera les inspections dans le secteur de la grande distribution pour faire face aux inquiétudes des agriculteurs concernant le non-respect de la loi Egalim et garantir une meilleure rémunération.

Il convient de rappeler que l’année précédente, les agriculteurs espagnols ont organisé plusieurs manifestations, exprimant leur mécontentement à l’égard du Pacte vert européen. Le secrétaire général de la COAG, Miguel Padilla, a fait remarquer lors d’une interview sur la radio Onda Cero que les agriculteurs espagnols partagent également des préoccupations similaires concernant la concurrence de pays situés en dehors de l’UE. Il a relevé que le Maroc, qui bénéficie d’un accord commercial très favorable avec l’UE, aurait pu être mentionné par le premier ministre français, et a souligné leur opposition au traité de libre-échange entre l’UE et le Mercosur.

Les agriculteurs français pointent du doigt les tomates marocaines

Les agriculteurs français continuent de protester contre la concurrence déloyale qu’ils estiment subir, mettant en évidence deux produits spécifiques qui cristallisent leurs préoccupations : les tomates marocaines et le sucre ukrainien.

La France importe désormais une grande partie de ses légumes, soit 50%, et 60% de ses fruits. Malgré l’annonce d’un «plan de souveraineté» il y a un an, les producteurs français de fruits et légumes font face à une forte concurrence en provenance du sud du bassin méditerranéen.

L’association des producteurs de Tomates et Concombres de France a récemment dénoncé l’augmentation des importations de tomates marocaines en France en 2023, favorisée par un accord commercial entre l’Union européenne et le Maroc. Selon l’association, au cours de la saison 2022-2023, la France a importé 424.690 tonnes de tomates marocaines, soit une augmentation de 7,6% par rapport à l’année précédente. En valeur, cette augmentation équivaut à plus de 168 millions d’euros, soit une augmentation de 27,5%.

Les agriculteurs accusent les grandes enseignes de distribution de privilégier les offres à bas prix au détriment des produits français, et pointent du doigt l’absence d’étiquetage clair pour le consommateur. Ils estiment que cette concurrence déloyale est exacerbée par des disparités environnementales et sociales, soulignant que le Maroc est confronté à un «stress hydrique élevé» et que l’irrigation contribue à l’épuisement des ressources en eau souterraine. De plus, les producteurs marocains bénéficient de coûts de main-d’œuvre extrêmement bas, ce qui leur permet de proposer des prix très compétitifs sur les marchés français.

Le secteur agricole français réclame donc des mesures pour réduire cette concurrence inégale et protéger leur production nationale. Cette situation reflète un problème plus large de dépendance accrue de la France vis-à-vis des importations alimentaires, et les agriculteurs continuent de lutter pour préserver leur souveraineté alimentaire et maintenir la viabilité de leur secteur.

Lire aussi : Office des changes : les points clés du rapport annuel 2022 sur le commerce extérieur

Importation massive de sucre ukrainien

Les planteurs de betterave sucrière français expriment leur préoccupation quant aux importations massives de sucre ukrainien et appellent à des mesures pour protéger leur industrie. La France est le premier producteur européen de sucre et exporte environ la moitié de sa production, soit 1,8 million de tonnes, tout en étant autosuffisante.

Cependant, depuis la fin des quotas sucriers en Europe en 2017, plusieurs facteurs, tels que les crises climatiques, économiques et sanitaires, ont eu un impact négatif sur le secteur de la betterave sucrière en France. Cette situation a entraîné la disparition de deux bassins de production betteravière (Calvados et Limagne) et la fermeture de cinq sucreries dans le pays.

L’Union européenne a ouvert ses frontières au sucre ukrainien en 2022 en signe de solidarité après l’invasion russe de l’Ukraine. Les importations de sucre ukrainien vers l’UE ont considérablement augmenté, passant de 20.000 tonnes à 400.000 tonnes en 2022/23, et ce chiffre pourrait dépasser les 700.000 tonnes au cours de la prochaine campagne.

La Confédération générale des betteraviers (CGB) appelle à la mise en place de contingents limitant les importations de sucre ukrainien, soulignant que ce sucre est produit selon des normes inférieures à celles de l’UE en ce qui concerne les produits phytosanitaires, la culture de la canne à sucre, et le respect du droit du travail. De plus, elle rappelle que l’Europe doit déjà faire face à une concurrence féroce de la part du sucre de canne latino-américain, sans aucune clause relative au mode de production ou au respect du droit du travail.

Les planteurs de betterave sucrière français estiment que leur industrie est menacée et demandent des mesures pour protéger leur production nationale et maintenir sa viabilité à long terme.

Lire aussi : Marché européen : les fruits marocains gagnent en popularité

Réaction de Lahoucine Adardour, face aux perturbations des agriculteurs français

La grève des agriculteurs en France a atteint son point culminant. Des vidéos, notamment prises par des camionneurs marocains, montrent des camions transportant des fruits et légumes pris d’assaut par des manifestants en colère, n’hésitant pas à détruire la marchandise transportée.

Contacté par LeBrief, Lahoucine Adardour, président de la Fédération Interprofessionnelle Marocaine de Production et d’Exportation des Fruits et Légumes (FIFEL), reconnait que ces blocages ont des conséquences sur la circulation des camions affrétés par les exportateurs marocains. Il déplore des pertes importantes, car de nombreuses marchandises sont soit détruites, soit devenues impropres à la consommation en raison de l’immobilisation des véhicules.

Cependant, il tient à éviter toute dramatisation et explique qu’il n’y a aucun risque que les exportateurs marocains perdent des clients. Selon lui, des contrats saisonniers lient préalablement les exportateurs marocains à leurs clients européens. Il ajoute que si des pertes financières surviennent, elles seront compensées par les assurances en fonction des contrats signés entre les parties.

Cette situation met en lumière les défis auxquels sont confrontés les exportateurs marocains de fruits et légumes en raison des mouvements de grève. Bien que les perturbations puissent avoir un impact temporaire sur les livraisons et la qualité des produits, les contrats saisonniers et les mécanismes d’assurance contribuent à atténuer les conséquences financières à long terme pour ces exportateurs.

Dernier articles
Les articles les plus lu

Banques : hausse des dépôts à 1.225,1 MMDH à fin novembre

Économie - Les dépôts auprès des banques se sont élevés à 1.225,1 MMDH, à fin novembre, enregistrant une hausse de 7,3% par rapport à l’année précédente.

Mbaye Gueye - 3 janvier 2025

Adjudication du 31 décembre : plus de 7 MMDH de bons du Trésor souscrits (DTFE)

Économie - La direction du Trésor et des Finances extérieures (DTFE) a révélé qu’un montant de 7,055 milliards de dirhams (MMDH) a été desservi suite à l'opération d'adjudication de bons du Trésor (BdT) de mardi dernier.

Mbaye Gueye - 2 janvier 2025

Maroc : 78.244 entreprises créées à fin octobre 2024 (OMPIC)

Économie - L’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC) rapporte que 78.244 entreprises ont été créées au Maroc entre janvier et octobre 2024.

Mbaye Gueye - 2 janvier 2025

Janvier 2025 : qu’est-ce qui change pour les ménages ?

Économie Pour janvier 2025, les ménages marocains verront leurs revenus augmentés, comme certains prix.

Mouna Aghlal - 2 janvier 2025

Fès-Taounate : une voie express pour relier et dynamiser

Économie - La réalisation de la voie express entre Fès et Taounate avance rapidement, avec un taux de progression notable de 65% pour la première section.

Ilyasse Rhamir - 2 janvier 2025

Cigarettes au Maroc : les prix flambent en 2025

Économie - Les prix des cigarettes au Maroc connaîtront une hausse notable dès le 1er janvier 2025, à la suite d’une décision de la commission d’homologation des prix.

Ilyasse Rhamir - 2 janvier 2025

Le déficit commercial du Maroc se creuse de 6,5% à fin novembre

Économie - Le déficit commercial du Maroc a connu une nouvelle aggravation à fin novembre 2024, atteignant 275,74 milliards de dirhams.

Ilyasse Rhamir - 31 décembre 2024

Les transferts des MRE sont à plus de 108,67 MMDH à fin novembre

Économie -Selon l’Office des changes, les transferts de fonds effectués par les MRE ont atteint plus de 108,67 MMDH à fin novembre 2024.

Mbaye Gueye - 31 décembre 2024
Voir plus

Les oasis : une richesse fragile à préserver

Économie - Les oasis abritent un patrimoine culturel et naturel inestimable maiss subissent une pression croissante, en raison de la baisse des ressources en eau.

Ilyasse Rhamir - 5 décembre 2024

Mbarka Bouaida fait le point sur les réalisations dans la province de Sidi Ifni

Économie - « Cette réhabilitation va aussi améliorer l’attractivité du port, et ainsi attirer davantage d’investisseurs », Mbarka Bouaida.

Rédaction LeBrief - 5 novembre 2024

Tourisme : Marrakech affiche déjà presque complet pour le Nouvel An

Économie - La plupart des grands hôtels de la ville ocre affichent déjà des taux de réservation qui se rapprochent des 70%.

Manal Ben El Hantati - 28 novembre 2022

CMGP Group : une entrée en Bourse qui restera dans les mémoires

Économie - Ce jour restera dans les mémoires. Celui où CMGP Group et a raflé le gros lot avec 33.771 souscripteurs.

Sabrina El Faiz - 16 décembre 2024

Régularisation fiscale volontaire : ouverture des guichets de la DGI les 28 et 29 décembre 2024

Économie - La DGI a annoncé une ouverture exceptionnelle de ses guichets le samedi 28 et le dimanche 29 décembre 2024.

Rédaction LeBrief - 26 décembre 2024

PLF 2025 : un budget tourné vers l’avenir social et économique

Économie - Le PLF 2025 a été adopté vendredi par la Chambre des représentants avec 171 voix en faveur, 56 contre et une abstention.

Ilyasse Rhamir - 15 novembre 2024

Chambre des conseillers : la première partie du PLF-2025 a été adoptée à la majorité

Économie - La Chambre des conseillers a adopté à la majorité la première partie du Projet de loi de finances (PLF) pour l'exercice 2025.

Mbaye Gueye - 3 décembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire