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«Ô combien je regrette le temps où la télévision marocaine diffusait une séance d’Attarab Al Andaloussi à l’heure du ftour !», raconte nostalgiquement Rachida E., retraitée. Pour elle, comme pour beaucoup de Marocains, la musique andalouse ou la ‘’Âla’’ (l’instrument) est intimement liée à certains moments : après le déjeuner, l’après-midi à l’heure du thé, le matin de l’Aïd, lors des cérémonies de mariage, etc. C’est que la musique andalouse a accompagné des générations de nos concitoyens dans des moments particuliers. À chaque moment son rythme et sa nouba appropriés. Quelqu’un qui s’apprête à faire une sieste privilégiera la nouba Raml Al Maya. L’orchestre optera pour la nouba Al Insiraf pour animer le public d’une soirée festive. Pour ce qui est de la spiritualité, c’est encore une fois un autre rythme…
Un peu d’histoire
Il faut tout d’abord replacer la tradition de la musique andalouse marocaine dans son contexte historique, en particulier celui de l’histoire du Maroc. Développée par Ziryab et Ibn Baja, les Morisques l’ont introduite après leur migration d’Andalousie au Maroc au XVe siècle. Le répertoire prestigieux de cette musique s’est ancré dans les pratiques sociales et la vie quotidienne, comme les mariages, les chants religieux et la musique militaire. Il est constitué de formes traditionnelles raffinées, comme la poésie chantée conservée sous forme de manuscrits, les suites musicales de la nouba et d’autres formes du répertoire, ainsi que des instruments de musique traditionnels spécifiques.
La nouba est une forme musicale basée sur un cycle de 24 noubas originales, dont seulement la moitié a été conservée et serait restée inchangée, parce qu’elles dépendaient d’un élément fondamental : l’improvisation. Les spécialistes parlent de 11 noubas conservées jusqu’à nos jours. Chacune d’entre elles est composée de neuf pièces instrumentales et vocales qui racontent des poèmes sur des thèmes tels que la religion, la nature et l’amour. Dès le début du XXe siècle, des archives sonores abondantes étaient disponibles, mais peu connues à l’époque. Celles-ci incluaient des disques commerciaux Pathé (1910-1940) ainsi que des enregistrements d’un ensemble de la Âla lors du Congrès du Caire en 1932. De même, grâce aux politiques culturelles et musicales des puissances coloniales (France et Espagne), les ‘’arts indigènes’’ en général et la musique marocaine en particulier, ont été étudiés pour la première fois par des musicologues orientalistes, ainsi que par des chercheurs marocains lors du Congrès de musique marocaine de Fès en 1939.
Après l’indépendance du Maroc en 1956, la pratique de la Âla a connu une évolution générale et une certaine modernisation notamment avec l’introduction de nouveaux instruments et la réécriture de certains poèmes.
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Une identité propre
La musique andalouse actuelle est considérée comme le résultat du mélange de la musique orientale et maghrébine, jusqu’à acquérir une identité propre qui la distingue de la musique arabe. Elle repose sur une performance automatisée basée sur des cordes et des percussions, en particulier le rabab, le oud (luth) et le tar (petit tambour sur cadre à cymbalettes métalliques). Cette performance repose sur des textes poétiques pour régler ses rythmes, en particulier les mouachahats et le zajal, qui constituent un ensemble intégré, solide et organisé, basé sur des cycles.
Les Arabes d’Andalousie ont inventé l’art du mouachah lorsqu’ils ont ressenti la nécessité de se libérer des contraintes des origines de la musique arabe, telles que le respect des rimes. Le mouachah est un poème, mais il n’est pas soumis à l’unité de la strophe ou de la rime. Au lieu de cela, il est divisé en sections ou en parties. Quant au zajal, il est similaire au mouachah à cette différence près qu’il est en dialecte commun. Il était également soumis au chant et aux exigences de la performance musicale.
Mais que serait la musique andalouse sans Abou Al Hassan Ali Ibn Nafie connu sous le nom de Ziryab, né en Irak en 777 de l’Hégire, qui était un élève du musicien de la cour de Haroun al-Rachid. Ce dernier a tellement été impressionné par l’excellence de Ziryab dans le chant et sa riche culture artistique, suscitant la jalousie de son professeur, qui l’a menacé de le tuer s’il ne quittait pas Baghdad. Ziryab a migré à Cordoue en Andalousie en 822 de l’Hégire. Accueilli par le calife Abderrahman II, son talent et son niveau artistique lui ont permis d’intégrer aisément la suite du calife.
Ziryab était connu pour son élégance et son charisme, et a eu un impact significatif sur la vie des habitants de l’Andalousie en leur enseignant de nombreux aspects de l’art de vivre, et en modifiant beaucoup de leurs habitudes vestimentaires, hygiéniques et culinaires, à tel point qu’on dit qu’il les a sortis de la vie nomade vers la civilisation. L’élève Ziryab est devenu le maître incontesté de la musique dans la péninsule. Le luth est devenu l’instrument principal en Europe occidentale jusqu’à l’invention d’autres instruments tels que le piano au début du XVIIIe siècle. Il a également inventé une nouvelle ouverture musicale avec des voix au lieu de notes de musique, avec le fameux mawwal. Virtuose d’une musique léguée à sa mort à des intellectuels de la trempe d’Ibn Baja.
C’est ce dernier qui, au cinquième siècle de l’Hégire, a régulé et normalisé la musique andalouse. Philosophe, écrivain et artiste musicien, Ibn Baja a étudié cette musique et s’est inspiré de ce qui avait été écrit par Al Farabi et Al Kindi pour donner à cette musique andalouse une forme définie et un cadre réglementé avec un aspect théorique.
Les ‘‘Maures’’ ont également eu une influence sur le développement de la musique andalouse avec des tonalités d’Afrique du Nord et un style propre à eux. Idem pour les marocains de confession juive.
De par ses origines arabes, berbères et espagnoles, la musique andalouse se distingue nettement de la musique orientale, car elle n’utilise pas de quarts de ton (à quelques exceptions près), et suit généralement le système de la gamme tempérée occidentale.
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La Âla à l’air du temps
La musique est entrée dans les coutumes et les traditions du Palais royal depuis l’époque du sultan Moulay El Hassan Ier qui a affecté une troupe militaire à la tâche de jouer de la musique andalouse avec des instruments en cuivre, connue sous le nom de troupe « Al-Khamsa wal Khamsin » (55).
Aujourd’hui, cette troupe accompagne les activités royales lors des grandes réceptions et des événements nationaux ou religieux. C’est d’ailleurs grâce aux efforts de conservation de la troupe 55 que la Société nationale de radio et de télévision (SNRT) a pu archiver des centaines d’heures d’enregistrements de musique andalouse. Cependant, ces efforts resteraient insuffisants si la musique n’était pas également transcrite en notation musicale, afin de la préserver de la perte et de faciliter son apprentissage, son exécution et sa diffusion. La Âla doit beaucoup à des figures emblématiques comme Mohamed El Brihi, Ahmed Loukili, Abdelkrim Rais, Mohamed Temsamani et Abdessadeq Cheqqara.
Tous ces pionniers ont permis à la musique andalouse de connaître une diffusion sans pareille pendant le siècle dernier. Aujourd’hui, les villes de Tétouan, Tanger, Fès et Rabat sont celles qui comptent le plus grand nombre d’orchestres et de pratiquants de la Âla au Maroc. La musique andalouse marocaine continue d’être transmise de génération en génération, grâce à la passion et au dévouement de musiciens tels que Mohamed Briouel et de chanteurs comme Haj Mohamed Bajeddoub, Abderrahim Souiri et Abdelfattah Bennis.
D’autres comme la talentueuse Nabyla Maan ont revisité la musique andalouse en enveloppant son air traditionnel d’harmonies jazzy. La voix cristalline de Nabyla Maan nous transporte dans une autre dimension dans la douceur de la Âla et la volupté du jazz. La célèbre ‘’Chams Al Achia’’ que tout le monde connaît par cœur a été modernisée sans perdre de son sens ni de son charme. C’est «une mélodie solaire chantant un texte où le poète prie le soleil de ne pas se coucher, prolongeant ainsi ses moments avec sa bien aimée», commente Nabyla Maan dans un post sur sa page Facebook. Ce single extrait de l’album ‘‘Dalalou Al Andalouss’’ offre une balade audacieuse et réussie portée par cette artiste complète de la nouvelle scène marocaine et qui a fait ses débuts dans une chorale de Âla. Nabyla Maan a fait beaucoup de recherches et d’expérimentations et côtoyé les grands spécialistes d’Attarab Al Andaloussi avant de sortir son album. Un exemple à suivre…
Même si elle est en perte de vitesse, la musique andalouse demeure vivante grâce notamment à des associations d’amateurs actives dans les différentes villes du Royaume. «Nous faisons tout pour sauvegarder ce patrimoine. Nous cotisons chaque mois pour organiser des répétitions collectives même si les amateurs se sont de plus en plus rares et que certains d’entre eux ne connaissent pas la finesse de cet art en tapant des mains par exemple alors qu’il suffit de suivre le rythme à travers des petites tapes sur le genou», se confie Jaouad S., responsable associatif. Aussi, l’apprentissage des mouachahates dans les établissements scolaires pousse-t-il de jeunes élèves à s’intéresser à cet héritage ancestral…Quoi qu’il en soit, l’esprit du Ramadan nous rappelle nos origines et nous replonge dans ce qu’il y a de plus précieux dans notre identité.
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Pourquoi , malgré le fait que l’on dispose de nombreuses chaines (Al Maghribia, Athaqafia, Assadissa, AlOuala, etc…) AUCUNE ne reprends la diffusion de musique andalouse comme il y a quelques décennies après le ftour.
Al Amdah Annabaouia c’est excellent, les sitcoms c’est bien, mais pas sur toutes les chaines SVP !
Pourriez-vous faire passer le message SVP.