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Nous sommes au 20ᵉ jour après la catastrophe qui a endeuillé le pays et laissé derrière elle toute une région sous les décombres. La catastrophe d’Al Haouz du 8 septembre dernier est le tremblement de terre le plus violent que le Maroc a connu depuis 120 ans, faisant à date 2.960 morts, 5.674 blessés et 59.675 logements endommagés, dont 32% entièrement détruits, dans les six provinces et préfecture sinistrées qui abritent une population de 4,2 millions d’habitants.
Après les mesures urgentes de secours aux sinistrés, l’heure est aujourd’hui aux deuxième et troisième phases de gestion : celles du retour d’expérience et de la reconstruction. Si l’étape 2 peut relativement vite avancer, l’étape 3 est inévitablement l’étape la plus longue, et surtout la moins médiatisée. Une étape censée permettre aux citoyens un éventuel retour à la vie normale.
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Il s’agit avant de tout d’une phase qui pose des problèmes de stratégie et d’urbanisme importants. Car tout l’enjeu consiste «à construire progressivement un processus conciliant rapidité d’exécution, résultats concrets pour les populations, et amélioration sur le long terme». Il s’agit, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), d’un processus établi sur les principes de la reconstruction résiliente (en anglais : Build Back Better) qui permet, à partir des enseignements tirés de la catastrophe :
- de concevoir l’urbanisme et la reconstruction des bâtiments, des réseaux, des infrastructures en réduisant leur vulnérabilité ;
- d’organiser de façon plus efficiente les services et processus économiques et augmenter ainsi la résilience du territoire et des populations.
La mise en place d’un mécanisme de gouvernance permettant une approche globale de la reconstruction, l’association des populations, la transparence et l’équité des décisions, constitue ainsi un élément essentiel de toute démarche de reconstruction, telle que représentée dans la figure ci-dessous.
Cette même gouvernance est celle à laquelle le Souverain a appelé, lors de la dernière séance de travail, dont les piliers sont la célérité, l’efficacité, la précision et les résultats observables. L’objectif est de faire du programme de reconstruction et de mise à niveau générale des régions impactées par le séisme d’Al Haouz un modèle de développement territorial intégré et équilibré.
Un relèvement rapide et une meilleure reconstruction
Pour ce faire, le ministère de l’Intérieur a prévu, sous sa tutelle et celle du ministère de l’Économie et des Finances, l’organisation du mécanisme de reconstruction qui englobe la préparation des plans de reconstruction résiliente et la mise en place du système de financement des projets. Dans son plan opérationnel 2021-2026 de mise en œuvre de la stratégie nationale de gestion des risques naturels, le département d’Abdelouafi Laftit, avait tracé ce périmètre d’action en étroite coordination avec tous les acteurs concernés et dans la mutualisation des moyens financiers.
Il en découle, face à la catastrophe d’Al Haouz, la création une entité ad hoc chargée de superviser la mise en œuvre du programme quinquennal (2024-2028), de gérer le déploiement des projets de reconstruction et de réhabilitation, au même titre que le suivi des investissements prévus dans les zones sinistrées. Après l’examen du décret-loi n° 2.23.870, présenté par Fouzi Lekjaa, ministre délégué en charge du Budget, le Conseil du gouvernement a ainsi approuvé mercredi la création d’un établissement public jouissant de la personnalité juridique et de l’indépendance financière : «l’Agence pour la réhabilitation et le développement du Haut-Atlas», dont la mission est limitée dans le temps.
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Car, en adéquation avec les préconisations de l’OCDE, «pour les catastrophes très importantes, la reconstruction peut être confiée à un opérateur ad hoc qui assure le pilotage, la concertation et la réalisation».
À cet établissement public incombera :
- la réalisation de toutes les composantes et projets du programme, et dans un premier plan, ceux liés aux projets de reconstruction et de réhabilitation des zones affectées, en prenant en considération la dimension environnementale, et en respectant le patrimoine, les traditions et les modes de vie des habitants des zones concernées, ainsi que les normes de construction parasismique ;
- assurer la synergie et la convergence des projets inclus dans le programme en coordination avec les différents départements et acteurs concernés ;
- le suivi de la réalisation du programme et la préparation des résultats, notamment en ce qui concerne le niveau d’avancement des projets, l’engagement des dépenses et les situations de paiement.
Le texte comprend, par ailleurs, des dispositions prévoyant la conclusion d’un contrat programme entre l’État et l’agence définissant notamment les composantes du programme, ses objectifs et les modalités de son financement, ainsi que le calendrier de sa réalisation sur une durée de cinq ans (2024-2028). Ce contrat définit les organes de direction et de gestion de l’agence, représentés par le Conseil d’Orientation Stratégique, présidé par le Chef du gouvernement et le directeur général de l’Agence, et fixe les compétences et prérogatives de chacun d’eux, ainsi que l’organisation administrative et financière de l’agence.
Celui-ci permettra de :
- obliger les administrations de l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics à fournir à l’agence, les données, informations et documents nécessaires pour lui permettre d’accomplir les missions qui lui sont confiées ;
- donner la possibilité au directeur général de l’Agence de recourir aux walis et gouverneurs afin de délivrer les autorisations nécessaires pour mener à bien les projets du programme en cas de retard injustifié ou de refus des départements, institutions et organismes publics concernés d’accorder ces licences.
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Reste en suspens une question : qui dirigera l’organisme ? Le décret-loi devrait, lui, être soumis à l’approbation du Parlement dès la reprise, avec l’ouverture de la session d’autonome, le 13 octobre prochain.
La décision d’instituer cet organisme rappelle une histoire lointaine et non des moins douloureuses : le séisme du 29 février 1960.
À Agadir, l’urbanisme comme moyen de gouverner
Pour certains experts, le Maroc a déjà une expérience en matière de relèvement et de reconstruction, éléments décisifs de toute stratégie intégrée de gestion des risques. Les catastrophes de grande ampleur que le pays a connues, notamment le séisme d’Agadir en 1960 (5,7 sur l’échelle de Richter) puis celui d’Al Hoceima en 2004 (6,3 sur l’échelle de Richter), ont constitué en ce sens des étapes d’apprentissage cruciales pour les gouvernements. Notons que les nombreuses inondations meurtrières qu’a connues le pays constituent autant d’expériences ayant permis au Maroc d’acquérir un savoir-faire en la matière.
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À Agadir, une cité balnéaire qui comptait 35 à 45.000 habitants en 1960 (chiffre imprécis en l’absence de recensement à la veille du séisme), le tremblement de terre avait fait 12.000 morts ou ensevelis, selon les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur. Pourtant, «avec une ville détruite à 75% [ndlr, Agadir] et de très nombreuses victimes, cette catastrophe majeure a entraîné le développement de mécanismes juridiques, financiers, fonciers et de planification urbaine ad hoc pour une reconstruction rapide, résiliente et durable», notait en 2018 l’OCDE dans le cadre du projet d’appui de l’Organisation pour la gestion des risques au Maroc.
En effet, l’administration centrale a affiché une forte volonté de reconstruction. Le 21 juillet 1960, le Roi Mohamed V décréta la création d’un Haut-Commissariat à la Reconstruction d’Agadir (HCRA) placé sous l’autorité du prince héritier Moulay Hassan. L’organisme fût institué pour une période de 12 ans dans le but de coordonner et de prendre en charge l’ensemble des opérations de reconstruction.
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Cet organisme autonome et provisoire a été doté de moyens efficaces d’études et d’exécution, notamment en matière d’urbanisme, d’expropriation, de lotissements, de vente de lots domaniaux urbains. Le HCRA était de plus chargé de l’ordonnancement des dépenses du budget général et d’aide financière aux sinistrés, et de mise en œuvre des opérations de reconstruction. À l’image du Fonds 126 pour la reconstruction d’Al Haouz, un «Fonds Spécial pour la Reconstruction d’Agadir» avait été institué par Dahir pour récolter les dons en espèces destinés aux victimes du séisme et les contributions perçues au titre de l’impôt de solidarité nationale. Une dîme qui avait mis à contribution le peuple marocain à un acte de solidarité sur le sucre destiné à alimenter un compte hors budget ouvert par le Trésor pour constituer ledit Fonds.
Suivant la démarche de reconstruction, les mécanismes fonciers ont concerné dans un second temps l’expropriation générale par l’État des terrains nécessaires, à travers la redistribution par l’État du patrimoine foncier en fonction des besoins publics et privés inhérents à la reconstruction et l’indemnisation des propriétaires sinistrés.
Enfin, la planification urbaine a décidé d’une implantation nouvelle pour la ville. Suite aux études sismologiques et géologiques, il a été en effet acté son éloignement de la zone dangereuse et le déplacement du centre de la ville vers le Sud. Le Service de l’Urbanisme et des Travaux publics du Maroc a par ailleurs établi le Plan directeur de la nouvelle ville marqué par trois fonctions vitales : administrative, commerciale et industrielle et touristique.
Celui-ci, élaboré en adaptation parfaite aux données locales, fut accepté en août 1960 et les plans d’aménagement de détails furent mis au point durant l’année 1961. Il aura, en effet, fallu tout juste deux ans aux services techniques de l’État, techniciens, architectes, ingénieurs et urbanistes de renoms pour mettre en point les études nécessaires au relèvement et à la reconstruction.
À la tête de l’organisme, le premier Haut-Commissaire nommé en juin 1960 par le Roi, Mohamed Imani, ingénieur des Ponts et Chaussées, et tous les hauts fonctionnaires ingénieurs de formation qui lui succédèrent, dirigeront une sorte de ministère technique tout-puissant éphémère. Durant tout le temps de sa mission, le HCRA agira de concert avec une autre figure autoritaire, celle du Dr Benhima, nommé gouverneur de la province d’Agadir le 27 juin 1960, qui protégera, dès le début, le travail des urbanistes. Les autorités, elles, feront appliquer les décisions des urbanistes et empêcheront toute reconstruction hâtive. L’ordre sera respecté, les infrastructures seront réalisées en premier comme prévu. Des règlements seront édictés pour répondre aux recherches des sismologues.
Cadre juridique établi après le tremblement de terre d’Agadir :
- Règlement administratif applicable aux constructions dans la zone sinistrée d’Agadir dit « Normes Agadir 1960 » ;
- Précautions entreprises en cas de séismes (circulaire n° 33 en date du 04 février 1966/ Service Général de Protection et de Secours) ;
- Plan de planification des secours en cas de catastrophe (circulaire n° 34 en date du 25 janvier 1983) ;
- Renforcement du contrôle en vue de réduire les infractions commises dans le domaine de la construction (circulaire n° 250 en date du 19 juillet 1991/ Direction d’Architecture et d’Urbanisme) ;
- Protection contre les risques de constructions menaçant ruine ( circulaire n° 1117 en date du 27 décembre 1999/ Ministère de l’Intérieur /Cabinet).
Pour l’application de ces normes, l’Administration a imposé :
- une collaboration entre les Architectes et le Bureau d’Études Techniques dès le stade des avants projets ;
- le dépôt de l’autorisation de construire, la remise des plans de béton armé avec notes de calcul, à l’appui des plans d’architecture.
Le Haut-Commissariat à la Reconstruction d’Agadir a, lui, mis en place un Bureau Technique chargé de la vérification des projets et des notes de calcul ainsi que l’instruction des ferraillages sur chantier.
En 1966, année à laquelle la ville fut considérée comme reconstruite, le roi Hassan II rendra hommage à «ce bel effort de création intégrale tel qu’aujourd’hui il parle au regard». Rendant hommage «au travail collectif qui s’était imposé à tous comme d’une nécessité naturelle», le Souverain louera : «Agadir la neuve, sous nos yeux, …, cité totale, quasiment une cité de rêve, toute entière repensée, refaite par l’Homme et pour l’Homme, par le Marocain pour les Marocains et le Maroc».
En 1972, les attributions du HCRA seront confiées aux principaux départements ministériels : Urbanisme, Éducation, Santé… Viendront ensuite deux autres programmes de reconstruction : le premier, entre 1972 et 1982, sous l’égide de la municipalité de la Ville et la délégation du ministère de l’Habitat, puis à partir de 1982, l’Établissement Régional d’Aménagement et de Construction – Région Sud (ERAC-Sud) se chargera du développement des centres périphériques.
La parenthèse Le Corbusier
La reconstruction d’Agadir aura duré 6 ans, témoignait en 2013 auprès d’A+E Magazine, feu Patrice De Mazières qui, de retour au Maroc en 1962, a travaillé à la reconstruction de la ville. «À l’époque nous étions des débutants, on s’est contenté de faire le suivi avec des urbanistes qui étaient chargé du plan directeur. Nous avions alors suivi nos ainés [ndlr une nouvelle génération d’architectes marqués par le fonctionnalisme de Michel Ecochard, arrivé en 1946 au Service de l’urbanisme du protectorat] dans cet esprit : Louis Riou, Henri Tastemain, Elie Azagury… Ensemble ils ont institué cette architecture de béton brut, et de murs blancs», avait-il raconté.
Dans le contexte de l’époque Agadir, certains observateurs s’accordent à dire que la ville fut conçue sous l’influence du mouvement architectural moderniste mené par Charles Le Corbusier, architecte urbaniste et peintre français. Une affirmation qui serait fausse : «Non pas du tout ! La Charte d’Athènes fut appliquée au plan urbain mais le résultat ne fut pas au rendez-vous. Tout l’intérêt d’Agadir se portait sur sa baie. Or, tout le centre urbain a été fait en retrait de cette baie. Toute la partie intéressante le long de la baie n’a pas eu l’effet escompté», expliquait de plus l’architecte.
Ces professionnels, qui formaient déjà dans les années 50, un groupe structuré lié par des origines communes, des itinéraires voisins et par un même désir de modernité (le groupement des architectes du Mouvement moderne du Maroc, GAMMA), ont tous été imprégnés des travaux de Le Corbusier : ils ont, en effet, développé une esthétique commune composée de fenêtres en bande, de larges porte-à-faux et de brise-soleil incisifs, sans adhérer systématiquement aux principes des CIAM.
Après une période d’hésitation sur le choix de l’équipe d’urbanistes chargée de la reconstruction de la ville, l’architecte Le Corbusier, pressenti ou proposé par l’ambassade de France, a en effet été reçu par le Prince héritier, en présence des principaux responsables de la reconstruction de la «cité martyre» pour exprimer son opinion.
«A cette époque, le Palais Royal a fait appel à Le Corbusier. Il a donc débarqué à Rabat en avion pour repartir toujours en avion à Agadir. Malheureusement, il a y eu un terrible orage qui l’a obligé à faire demi-tour. Ainsi, il est revenu à Rabat sans avoir vu Agadir», poursuivait de Mazières. C’est alors qu’il fut reçu par le prince Moulay Hassan qui lui dit : «Maître, vous allez me construire une belle ville marocaine». Ce à quoi Le Corbusier a répondu : «Monseigneur, vous savez ce que je fais, vous avez ici des architectes locaux sympathiques qui sont capables de le faire». Et il est reparti sans avoir participé à la reconstruction d’Agadir !
Mourad Ben Embarek, tout premier architecte marocain à intégrer l’administration de l’urbanisme et de l’habitat de son pays en tant que directeur jusqu’en 1966, raconte, lui, que Le Corbusier est venu, a visité Agadir et a rencontré le Prince héritier, sans que l’on sache ce qu’ils se sont dit. «Mais ça n’a pas marché entre eux», avait-il expliqué. «Il est reparti non sans avoir griffonné les quelques mots « Architecture et urbanismes solidaires (oui, avec tout ce que cela comporte !) Et bien oui : faites un bel Agadir, bonne chance ! » sur une nappe en papier de restaurant».
Quelle que soit la version réelle des faits, le fondateur de Bogota et de la capitale du Penjab, ne donnant pas suite ou n’étant pas retenu par le Palais, Le Corbusier n’aura pas participé à la reconstruction d’Agadir.
Al Hoceima, une tragédie sous un nouveau règne
L’expérience du 24 février 2004 a, elle aussi, été instructive. Suite au séisme qui a fait dans la région d’Al Hoceima 628 morts, 929 blessés et 12.367 bâtiments endommagés, dont 1.017 totalement détruits, les autorités marocaines ont décidé d’adopter la même démarche : la création d’une unité ad hoc pour gérer la post crise et le retour à la normale. Dès le 1ᵉʳ mars, un Comité Régional d’Assistance sera institué sous l’autorité du ministère de l’Intérieur et dirigé par le Wali Ahmed Himdi, préfet d’Oujda.
Ses attributions, cependant, incluront uniquement la coordination des actions des différents services (gendarmerie, protection civile, armée) et la gestion des opérations de recherche des victimes et de sauvetage. La reconstruction, elle, se fera sous l’égide du gouvernement de Driss Jettou, de concert avec l’Agence pour la promotion et le développement économique et social des préfectures et provinces du Nord.
«Aussi, avons-nous donné Nos instructions à Notre gouvernement pour établir un programme d’urgence bien défini, à court terme, prévoyant, côté aménagement urbain, la réalisation d’études exhaustives sur le terrain, l’actualisation du relevé́ géophysique et la délimitation des zones d’habitation, selon les normes et les règles de construction antisismique», avait annoncé le roi Mohammed VI dans son discours datant du 25 Mars 2004 à Al Hoceima.
Ce programme d’urgence fondé sur une politique de proximité et de solidarité, présenté le 24 mai 2004, a été décliné en trois thèmes intégrés pour un coût global de 4,3 milliards de dirhams. D’abord, un programme de relogement en milieu urbain à travers deux projets d’ensemble immobiliers de relogement dans les villes de Bni Bouayache et Imzouren de 1.390 logements, avec un investissement de 346 MDH. Ensuite, un programme d’aide directe à la reconstruction en milieu rural pour 12.284 ménages. Enfin, un programme d’urgence de restructuration de 24 quartiers dans les quatre municipalités de la province avec un investissement de 136,5 millions de dirhams.
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De nombreux scientifiques marocains et étrangers ont été mobilisés après le séisme (des équipes du CNRST pour les aspects sismologiques et instrumentation) pour permettre la reprise du plan d’aménagement de la ville d’Al Hoceima sur la base de leurs études techniques. Par ailleurs, l’expertise des urbanistes a conduit à l’élaboration d’un plan d’architecture simple et adapté aux besoins au même titre que des guides simples de construction parasismique pour les zones rurales.
Le programme de reconstruction a abouti, outre au renforcement du contrôle de la construction en général, à la réactivation du Comité de Génie Parasismique (CNGP), prévu par le décret du 22 février 2002 et censé conseiller l’État dans la mise en œuvre de la règlementation parasismique et ses ajustements. La démarche de reconstruction a par ailleurs englobé l’élaboration d’un plan de développement structurel intégré permettant de désenclaver la région et de l’intégrer dans la conjoncture économique nationale ainsi que l’élaboration de «la carte d’aptitude à l’urbanisation de la Province d’Al Hoceima (CAUA)».
Cadre juridique établi depuis le séisme d’Al Hoceima :
- Décret n° 2-04-267 du 20 rabii I 1425 (10mai 2004) modifiant le décret n° 2-02-177 du 09 hija 1422 ( 22 février 2002) approuvant le règlement de construction parasismique (R.P.S 2000) applicable aux bâtiments, fixant les règles parasismiques et instituant le comité national du génie parasismique (Bulletin officiel n° 5214 du 20 mai 2004).
- Décret n° 2-12-666 du 17 rejeb 1434 ( 28 mai 2013) approuvant le règlement parasismique pour les constructions en terre et instituant le comité national des constructions en terre (Bulletin officiel n° 6206 du 21 novembre 2013).
- Décret n° 2-12-682 du 17 rejeb 1434 ( 28 mai 2013) modifiant le décret n° 2-02-177 du 09 hija 1422 ( 22 février 2002) approuvant le règlement de construction parasismique (R.P.S 2000) applicable aux bâtiments, fixant les règles parasismiques et instituant le comité national du génie parasismique (Bulletin officiel n° 6206 du 21 novembre 2013).
- Dahir n°1-11-157 du 18 ramadan 1434 ( 27 juillet 2013) portant publication du statut particulier du centre arabe pour la prévention contre les dangers sismiques et les autres catastrophes naturelles, fait au Caire le 04 mars 2004 (Bulletin officiel n° 6233 du 24 février 2014).
Une forte expérience depuis
Depuis, le Royaume s’est engagé dans une dynamique de renforcement de ses politiques publiques de gestion des risques afin que tous les acteurs soient préparés à en gérer les conséquences potentielles, à s’en relever le plus rapidement possible dans une démarche de résilience et à renforcer la résilience des territoires au bout du compte.
En réponse aux pertes et dégâts causés par le tremblement de terre de 2004, la commission mise en place par le Souverain a recommandé la création d’un comité national de coordination chargé de coordonner les situations d’urgence, en réunissant différents ministères et comités techniques et scientifiques et du Centre de Veille et de Coordination (CVC), qui abrite notamment une cellule de crise pour gérer la situation réelle d’urgence sur le terrain, en assurant l’allocation des ressources financières et matérielles ainsi que la coordination des intervenants. Le manuel opérationnel du «programme de gestion intégrée des risques de catastrophes naturelles et de la résilience» a été rendu public en 2017.
Le pays avait par ailleurs conclu en 2017 à la nécessité de conduire une revue de l’état des plans ORSEC (comprenez : Organisation des secours). Il s’agit d’un document détaillé dans la circulaire n° 34 en date du 25 janvier 1983, établi à l’échelon de chaque préfecture et province, sous la responsabilité des Gouverneurs, en vue de fixer, à l’avance, la ligne de conduite à tenir dans l’organisation des secours et du sauvetage de la population et des biens en cas de catastrophe.
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Par ailleurs, un «Fonds de Lutte contre les effets des Catastrophes Naturelles (CAS-FLCN)» a été créé en vertu de la loi de finances au titre de l’année budgétaire 2009 dont l’ordonnateur est le ministre de l’Intérieur, dédié exclusivement à la prévention et la réparation des effets induits par les catastrophes naturelles.
Le Gouvernement a ainsi commencé, depuis 2004, à explorer les différentes options de gestion de l’ensemble des risques de catastrophes naturelles auxquels le pays est confronté, passant d’une approche curative à une approche préventive étant donné que le coût de relèvement et de la reconstruction est plus important que la prévention.
Par sa position géographique et ses spécifications géologiques, le Maroc est parmi les pays les plus vulnérables aux catastrophes naturelles (séismes, inondations, crues torrentielles…). Ces phénomènes, habituellement qualifiés d’exceptionnels, sont devenus, au cours des trois dernières décennies, des sujets d’actualité et des sources de préoccupation. Et, l’avenir n’augure aucun répit.
Entre 2008 et 2012, le projet d’analyse probabiliste des risques de catastrophes naturelles (MnhPRA), initié par le ministère des Affaires Générales et de la Gouvernance et la Banque Mondiale, et pouvant analyser l’exposition complète du Maroc à tous les aléas possibles, ou pour une combinaison de régions, provinces ou communes pour quelques aléas particulier, révèle qu’au cours des 30 prochaines années, il y a :
- 95 % de chances d’avoir un tremblement de terre ou une inondation entraînant des pertes d’environ 5 MMDH.
- 90% de chances d’avoir un évènement causant des pertes de 10 MMDH.
- 65% de chance d’avoir un évènement causant des pertes d’environ 25 MMDH.
Le coût moyen annuel des catastrophes naturelles est de 5,6 MMDH.
Face à cette situation, pour le moins alarmiste, le ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville avait déjà listé, en 2017, les mécanismes à même de soutenir le pays dans sa stratégie de résilience, tels que représentés dans l’extrait ci-dessous.
Cette vision a été couronnée par l’élaboration d’une Stratégie Nationale de la Gestion des Risques de Catastrophes Naturelles (2021-2030), qui s’articule autour de trois principaux objectifs:
- l’amélioration de la connaissance et l’évaluation des risques ;
- la promotion de la prévention des risques en vue de renforcer la résilience ;
- l’amélioration de la préparation aux catastrophes naturelles pour un relèvement rapide et une reconstruction efficace, visant à combiner les synergies nécessaires dans une approche participative intégrée afin de renforcer la coordination des efforts déployés en la matière d’une part, et d’autre part, garantir la mise en place de ses plans d’action (Opérationnel 2021-2026 et Prioritaire 2021-2023).
Pour d’autres experts, les contextes ont bien changé. Nombreux sont ceux qui estiment que le Maroc doit tirer les leçons des expériences post-sismiques d’autres pays comme l’Indonésie, l’Italie et la Turquie, entre autres. Car, si le pays a réalisé en 20 ans des progrès significatifs dans l’appréhension des risques majeurs, «des déficits de gouvernance très clairs, avec des politiques sectorielles, mono-risques, descendantes, insuffisamment inclusives» subsistent.
Aujourd’hui, seule l’histoire nous racontera l’aboutissement de ce chapitre en suspens. Espérons qu’à l’image de ces moments récents où nous avons, ensemble, été fiers : la gestion irréprochable de la COVID et la solidarité exemplaire aux premières heures du séisme d’Al Haouz, cette étape sera marquée par une gouvernance exemplaire pour que l’on puisse sereinement retourner à la vie normale.
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