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Séisme d’Al Haouz : un avant et un après

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C’est une nuit qui restera à jamais imprégnée dans nos mémoires. Certains d’entre nous garderont la sensation au loin d’une secousse inquiétante, tandis que, d’autres, moins fortunés, devront recomposer toute une vie. Si les détails de cette nuit d’horreur restent flous face au tremblement momentané, en sait-on plus huit jours après ? Quelle a été son origine ? Aurait-on pu le prévoir ? Surtout, que fait-on désormais ? Dans ce papier, nous aborderons les notions scientifiques avérées et certaines sujettes à controverse, autour de la sismologie, afin de mettre en lumière une catastrophe qui a emporté 2.946 Marocains, puisse Dieu leur accorder sa Sainte miséricorde.

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Nous sommes au huitième jour de la catastrophe. Dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre à exactement 23h11mn01sec, heure locale, le sud-ouest marocain a été secoué par un séisme de magnitude 7, selon l’Institut national de géophysique (ING). Le dernier bilan provisoire recense le décès de 2.946 de nos concitoyens (un nombre qui n’a pas évolué depuis mercredi soir) et 6.125 autres blessés, dont 873 sont dans un état critique. 81 personnes sont actuellement en soins intensifs, tandis que 4.986 personnes ont été soignées

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Quelques heures plus tard, le pays s’est retrouvé au centre de toutes les attentions : propositions d’aide internationale, couverture médiatique des chaînes étrangères d’informations en continu et surtout le formidable élan de solidarité qui a animé les Marocains des 13 régions. Car, si le puissant séisme d’Al Haouz s’est produit dans une zone sismique connue, il a toutefois surpris les scientifiques par sa violence.

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La profondeur du foyer reste à ce jour incertaine. Elle est estimée à environ 8 km sous terre par l’ING, à 11,6 km par le Centre Sismologique Euro-Méditerranéen (CSEM) et à 26 km par l’United States Geological Survey (USGS). Le choc principal a été suivi par des centaines de répliques. Un phénomène usuel après un tel événement qui vient «libérer l’énergie accumulée». Si, classiquement, elles ont tendance à perdre en intensité, une secousse de magnitude 4,6, survenue jeudi 14 septembre, a semé la panique.

Séisme d’Al Haouz : une semaine après

Liste des principales répliques enregistrées par le sismomètre à Rabat, après le séisme meurtrier du 8 septembre. ©  Earth Consortium Score

Le Maroc, un pays à risque ?

C’est plus au Nord, dans le bassin de la Méditerranée, proche des montagnes du Rif et du détroit de Gibraltar, que la zone est très active, avec une sismicité considérée comme modérée à forte. Plus à l’Est – en Turquie en particulier –, la région est l’une des zones sismiques les plus actives au monde : trois plaques tectoniques, africaine, eurasienne et arabique, s’y affrontent. Ces 120 dernières années, 18 séismes de magnitude supérieure à 7 sur l’échelle de Richter y ont été enregistrés.

Le littoral méditerranéen du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie est, lui, bordé par la limite entre les plaques africaine et eurasienne qui rapprochent l’Afrique de l’Europe de six millimètres par an. La première, très active, passe sous la seconde. C’est le long de cette bordure que se sont produits des séismes majeurs, comme ceux en Algérie centrale, à Chlef (ex-El Asnam, ex-Orléansville) en 1954 et 1980, respectivement de magnitude 6,1 et 7,1, et à Boumerdès en 2003, de magnitude 6,8 ou encore le «1969 Portugal earthquake» de magnitude 7,8.

Séisme d’Al Haouz : une semaine après

L’épicentre du séisme qui s’est déroulé au Maroc le vendredi 8 septembre se situe dans la province d’Al Haouz, au sud-ouest de Marrakech. © United States Geological Survey (USGS) / Création graphique LEA PRATI / HELOISE KROB

Le reste du pays est, lui, traversé par d’autres cassures plus petites, mesurant des dizaines de kilomètres, au niveau des massifs du Moyen Atlas, du Haut Atlas et de l’Anti-Atlas situés dans le sud du pays. Cette partie dite «mobile», comprise entre la bande au nord et une ligne de 2.000 km de long qui va d’Agadir à la ville tunisienne de Gabès, suit un tracé discontinu de failles actives appelée «accident sud-atlasique» .

La terre tremble sans arrêt dans cette zone, avec une fréquence moyenne de 50 séismes par mois. 90 % des secousses sont d’une magnitude inférieure à 3. Révélées uniquement par les sismographes, elles sont bien souvent imperceptibles pour les populations.

Si l’activité sismique de la région était, jusqu’à présent, jugée modérée, le tremblement de terre d’Al Haouz requestionne sur le risque sismique réel de la zone. Car, si ces dernières années, des séismes de pareille intensité n’ont pas été enregistrés, les spécialistes s’accordent à dire que la situation «crée une fausse impression de stabilité». 

Dans le cadre de l’activation du protocole d’intervention post-sismique, Jamila El Alami, directrice du Centre national pour la recherche scientifique et technique (CNRST), a annoncé, mardi 12 septembre, par le biais d’un post Linkedin, le déploiement d’un réseau sismique temporaire autour de la zone épicentrale.

Ce maillage sert à renforcer l’enregistrement de toutes les répliques et accélérations générées dans cette zone. Les données serviront à «identifier, d’une part, les failles et les structures géologiques actives qui avaient généré le choc principal et, d’autre part, grâce aux accélérations, il sera possible d’avoir une idée du degré de risque pour les grands ouvrages de la région, notamment les barrages», a-t-elle expliqué.

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Par ailleurs, une réunion du comité scientifique s’est tenue le 11 septembre au ministère de la Transition énergétique et du Développement durable dont le principal but était d’étudier les causes et les effets du séisme. «L’analyse par les experts de l’histoire géologique de la région a révélé qu’elle a été témoin d’une succession d’événements et de phénomènes sédimentaires et structurels», a fait savoir sur X (anciennement Twitter), le département de Leila Benali.

Dans sa communication, la tutelle a précisé que la zone en question est caractérisée par un terrain accidenté, avec des sommets imposants dépassant les 2.500 mètres d’altitude et des vallées profondes. Il est structurellement formé de trois types de failles :

  • Des failles de premier ordre, parallèles aux frontières de l’Atlantique Nord et de l’Atlantique Sud et définissant la chaîne de l’Atlas ;
  • Des failles de second ordre, comme les failles de Tizi N’Test et d’Irdouz, orientées NE-SW par exemple ;
  • Enfin des failles d’ordre 3 avec deux orientations, E-W et WNW-ESE, dont les failles d’Aghbar et d’Oukdamt à titre d’exemple.

À l’origine du séisme d’Al Haouz, une faille endormie ?

Le New York Times rapporte, d’après les travaux de Judith Hubbard et Kyle Bradley, géologues à l’université de Cornell, que la faille responsable du séisme «pourrait être une ancienne fracture […] connue sous le nom de faille de Tizi N’Test» : une faille dont les origines remontent à 300 millions d’années et dont la dernière activité remonterait à l’époque de la formation des montagnes du Haut-Atlas.

Le média américain poursuit en citant les explications de Wendy Bohon, géologue spécialiste des séismes, selon lesquelles «les anciennes fractures créent des faiblesses dans le paysage. […] Ainsi, dans des conditions propices, la faille peut se rompre de nouveau, un phénomène appelé réactivation. C’est ce qui semble s’être passé vendredi soir au Maroc.

Les observations recueillies par “Sentinel-1a”, un satellite de l’Union européenne stationné à 700 km du sol et équipé d’un radar qui lui permet de mesurer les micro-mouvements du sol avec une grande précision, permettent également de conclure que les déplacements, enregistrés le soir du 8 septembre, «ne convergent pas pour créer une fissure visible en surface».

Selon Tim Wright, la technique utilisée, connue sous le nom d’InSAR, indique que la rupture du sol n’a pas atteint la surface. On parle alors de «séisme aveugle». Ce qui rend plus difficile de comprendre exactement la façon dont la faille s’est déplacée.

Séisme d’Al Haouz : une semaine après

La carte en haut de cette page révèle comment le terrain a vacillé en réponse aux énormes énergies libérées vendredi. Le mouvement maximal vers le satellite Sentinel-1a a été de 15 cm. © Copernicus / ESA/ Sentinel-1 / Comet / USGS

Et “Sentinel-1a” n’a pas été le seul satellite à fournir des données précieuses. Dans l’article original de The Conversation, relayé par nos confrères de l’Economiste, Emilie Bronner, représentante CNES au Secrétariat exécutif de la Charte internationale Espace et Catastrophes majeures, explique que les Nations unies (UNITAR) ont demandé l’activation de la Charte internationale «Espace et Catastrophes majeures» (CNES) le samedi matin à 7h04 heure locale. Dans la foulée, les satellites optiques et radar les plus appropriés de huit agences spatiales ont été programmés. Ils ont en effet fournit des informations vitales pour guider les secours et l’aide humanitaire qui convoie encore eau et vivres.

Séisme d’Al Haouz : une semaine après

Des données satellitaires ont été mises à disposition dans le cadre de la Charte internationale «Espace et catastrophes majeures» pour aider les équipes d’intervention d’urgence sur le terrain. Il s’agit de l’une des cartes détaillées d’évaluation des dommages. La carte montre les dégâts autour de l’Adassil, dans la province de Chichaoua dans la région de Marrakech-Safi. © Satellites français Pléaides / CNES (2023) / Carte produite par UNITAR / UNOSAT

Toutefois, pour Mohammed Kalai Tlemcani, géophysicien sismologue, interviewé par nos confères de L’Opinion, «seul le CNRS marocain dispose des données nécessaires pour se prononcer de manière précise [ndlr, concernant la faille active concernée]. Il y aura certainement une analyse approfondie des données afin de répondre aux diverses questions», précise. «Pour connaître l’intensité et la localisation d’un séisme, le Maroc dispose d’un certain nombre de géophones à l’échelle nationale, qui sont implantés dans le sol, géoréférencés, et qui transmettent toutes les données de vibration du sol de façon instantanée», a-t-il expliqué.

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Le département de Leila Benali explique, lui, que «compte tenu du contexte de compression subméridienne (rapprochement des plaques africaine et eurasiatique) lié au séisme actuel, les failles du premier ordre doivent être réactivées en inverse, et les failles du deuxième en déplacement sénestiel (?) et celles du troisième en poussée». Il convient de mentionner que la présence d’une épaisse couche de roches datant du Cambrien moyen, appelées «schistes à Paradoxydes», pourrait avoir joué un rôle important dans la réduction de l’intensité de ces séismes.

La tutelle conclut que, sur la base des données de l’USGS et du CNRST, des failles de troisième ordre pourraient être la cause principale de cette activité sismique vécue. «La longueur de ces failles et leur faible angle d’inclinaison peuvent expliquer l’ampleur de la force de ce séisme. Il n’est pas improbable que les défauts du premier et du second ordre aient également connu une activité parallèle, mais à un degré moindre», écrit le ministère. En d’autres termes, ce sont les failles d’Aghbar et d’Oukdamt, citées plus haut, et non Tizi N’Test ou Irdouz qui seraient à l’origine du tremblement de terre d’Al Haouz.

Les conclusions du ministère et celles des chercheurs étrangers seraient-elles contradictoires? Quoi qu’il en soit, pour l’heure, les observations inédites fournies par le réseau de satellites mondiaux mettront la communauté scientifique sur la voie d’une meilleure compréhension des tremblements de terre.

Des signaux précurseurs ?

Dès lors, et comme après chaque séisme de grande ampleur, une question se pose : ne pouvons-nous pas prévoir les tremblements de terre de façon précise ? Les sismologues et géologues sont catégoriques : «Non, il n’est pas possible de prédire les séismes ! Encore moins à très courte échéance.»

C’est se leurrer que de penser qu’il y ait quelqu’un capable de prévoir un séisme bien à l’avance
Mohammed Kalai Tlemcani, géophysicien sismologue

Dans un article précédent, le sismologue Kamal Agharroud nous a affirmé qu’il est «très difficile, voire impossible, de prévoir un tremblement de terre, incluant celui d’Al Haouz. Pourtant, nous pouvons savoir les zones à activité sismique en se basant sur la sismicité historique et instrumentale». Même son de cloche du côté de Mohammed Kalai Tlemcani :

«C’est se leurrer que de penser qu’il y ait quelqu’un capable de prévoir un séisme bien à l’avance. À ma connaissance, l’évolution des techniques et des technologies ne permet pas encore de prédire un tremblement de terre. Il existe des moyens permettant d’anticiper un événement de ce genre quelques minutes avant le temps de génération de l’onde de choc, mais c’est très court pour pouvoir prévenir», souligne le géotechnicien sismologue.

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«Pour une zone donnée, un pays donné, on peut dire que cette zone-là peut être sujette à des tremblements de terre d’une telle magnitude», a aussi tranché, Badaoui Rouhban, expert des séismes et de la prévention des catastrophes naturelles, au micro de France Info lundi 11 septembre. «On peut préciser cela, mais on ne peut jamais savoir quand le tremblement de terre se produira».

Car comme l’explique l’USGS, une prévision sismique doit définir 3 éléments : la date et l’heure, le lieu et la magnitude. «Il est encore très difficile pour nous de comprendre et de mesurer les paramètres d’un tel phénomène, ce qui explique pourquoi nous ne pouvons faire que des prévisions probabilistes sur de longues périodes et sur de vastes territoires, mais jamais rien de très localisé et, surtout, rien à court terme», indique Christine Goulet, directrice du centre de recherche en tremblement de terre de l’USGS.

En 1985, l’organisme américain avait annoncé, avec un niveau de confiance établi à 95 %, qu’un tremblement de terre de magnitude 6 allait se produire sur la faille de San Andreas, dans la région de Parkfiled, en Californie, en janvier 1993.
La rupture s’est finalement produite, sans prévenir, le 28 septembre 2004, bel et bien sur le segment de la faille déterminé par les scientifiques et avec la bonne magnitude, mais 11 ans plus tard.

Même une horloge cassée est à l’heure deux fois par jour

Dans un entretien avec L’Express, le sismologue Quentin Bletery affirme qu’«hélas, rien de spécial n’est enregistré avant que ces séismes ne se produisent». Et, de se demander tout de même : «Ne voit-on rien parce qu’il n’y a rien à voir ou parce que nous n’avons pas de capteurs assez précis pour détecter ces ondes sismiques ? La question reste visiblement ouverte au sein de la communauté scientifique».

Dans les années 70 et 80, grandes décennies de la quête de la prédiction des séismes, plusieurs chercheurs avaient réussi à établir certaines lignes communes à ces phénomènes sismiques. Et ce, en étudiant les émissions de radon, un gaz naturel radioactif et cancérigène, encore suspectées d’être annonciatrices d’une future catastrophe. Les ondes électromagnétiques, la géométrie planétaire, voire même le comportement des animaux comme les chats et les chiens ou encore l’agitation de fourmis, ont également été scrutés avant la survenue d’un séisme.

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Ces derniers temps, le chercheur hollandais Frank Hoogerbeets, est sur toutes les bouches. Il y a deux jours encore, certains médias ont relayé les supposées prévisions du scientifique faisant état d’un séisme possible affectant trois pays, dont l’un se trouve en Afrique. Une nouvelle mauvaise interprétation des propos du Hollandais, qu’il a lui-même réfutée.

Son approche unique de la prévision des tremblements de terre, établie sur l’alignement des corps célestes, l’a conduit dès le 3 septembre à alerter sur les conjonctions planétaires de Mercure et Vénus, qui peuvent évoluer vers un possible séisme entre le 5 et le 7 septembre, marquant la région à l’ouest du Portugal, l’Espagne et l’Italie selon ses premières estimations, comme zone à risques. Dans sa mise à jour datée du 4 septembre, il réitère ses constatations auxquelles s’ajoutent deux nouvelles convergences lunaires avec les planètes Jupiter et Uranus.

Quésako ?

La base principale de son indice de géométrie du système solaire («Solar System Geometry Index» ou SSGI), repose sur le calcul «d’un jeu de données pour une période donnée de valeurs attribuées à des positions géométriques spécifiques des planètes, la Lune et le Soleil». Selon sa première étude réalisée sur une période de neuf mois entre 2014 et 2015, il conclut que la majorité des tremblements de terre les plus importants se produisent dans une intervalle de temps où se produisent des conjonctions planétaires et lunaires.

Dans sa seconde étude fondée sur les séismes de magnitude égale ou supérieure à 7, survenus entre 2011 et février 2023, il s’est avéré que sur un total de 182 de tremblements de terre majeurs survenus au cours de cette période, 153 d’entre eux se sont produits avec une ou plusieurs conjonctions planétaires ≤ 1° à moins de deux jours, soit 84,1 % des évènements. 148 de ces tremblements de terre se sont produits dans la journée, soit 81,3 % des séisme.

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Dès lors, «il était devenu évident [pour le chercheur] que certaines géométries planétaires du système solaire ont clairement tendance à causer une augmentation sismique, alors que pour d’autres ce n’est pas le cas». Plus clairement, les planètes agiraient comme «un bras de fer gravitationnel» sur notre système solaire et tireraient de tous les côtés sur les plaques tectoniques terrestres.

Il convient de noter que sa méthodologie dépend de la confluence de deux variables clés. Premièrement, il examine les ondes gravitationnelles générées par l’alignement des corps célestes, appelées « géométrie planétaire ». Deuxièmement, il analyse les fluctuations atmosphériques ou les pics brusques de température terrestre.

Et, sur la base de ses recherches, il développe en 2016 Solpage, un logiciel spécifique, aujourd’hui à sa version 8.0, qui calcule avec précision les positions, angles et conjonctions planétaires pour une date ou une période donnée. Avant cela, aucun logiciel de ce type n’existait. L’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS) reste tout de même catégorique. «La probabilité de la survenue d’un séisme est, de manière générale, très faible dans un lieu et une année donnée (fractions de pourcentage). Si bien que l’augmentation de cette minuscule probabilité […] pendant les marées hautes se traduit toujours par une très petite probabilité», tranche l’organisme.

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Il est toutefois essentiel de comprendre que ce type d’analyse ne peut révéler des zones présentant un risque sismique potentiel que dans un laps de temps spécifié. Le moment exact et le lieu précis des tremblements de terre restent insaisissables pour tous les scientifiques.

Le chercheur hollandais explique, par ailleurs, que «l’ampleur de la contrainte tectonique étant inconnue, une alerte sismique peut être émise puis annulée lorsqu’il est évident qu’aucune augmentation sismique ne se produit dans les jours suivant une géométrie critique». D’après ses recherches, il note que «la gravité n’est pas la seule responsable des tremblements de terre les plus importants à une époque où la géométrie planétaire et lunaire est critique. La force la plus probable agissant sur la croûte terrestre au moment de la géométrie critique est électromagnétique».

Une supposition qui pourrait également, d’après lui, expliquer les bruits radio, les éclairs, ou encore les lumières étranges dans l’atmosphère terrestre au cours des semaines, des jours et des heures précédant les séismes de grande ampleur. Il justifie ce phénomène comme le résultat du forçage atmosphérique induit par la charge électromagnétique provenant de la «géométrie critique entre les corps célestes» du système solaire.

Un deuxième chercheur derrière l’alerte

C’est cependant, le physicien indépendant Richard Cordaro, titulaire d’un doctorat de l’Université d’Arizona, un peu moins sensationnel, qui a relayé sur X une alerte, deux heures avant le séisme d’Al Haouz ! «Énergie entrante provenant de la géométrie planétaire critique comme prévu par le SSGEOS. Atterrissant initialement en Afrique subsaharienne, la configuration Lune-Mars à 90 degrés a déclenché de nombreux séismes comme le montrent les tremblements de terre bleus / heure (ndlr, des secousses annonciatrices)». 

Comment est-ce possible ? Nous avons donc décidé de comprendre la méthode utilisée par ce chercheur pour tenter d’en cerner les contours. Voici ce qu’il en ressort.

Dans un tweet publié quelques heures après le tremblement de terre survenu au Maroc, il démontre le premier pic d’activités une heure avant le séisme. Sur la base d’un graphique de données magnétiques avec fréquence radio relevées auprès de la station à magnétomètres de Guimar-Tenerife (GUI), située dans les Iles Canaries à une distance de 900 km de Marrakech, il pointe les anomalies détectées. «Regardez attentivement le graphique, il y a aussi un petit pic trois minutes avant l’heure du séisme – probablement le flash (ndlr, les lumières étranges qui ont précédé le séisme)».

L’hypothèse soutenue par le projet Magneto-Pérou est que ces lumières apparaissent pendant, de même que avant, un mouvement tellurique, et que les magnétomètres, ces bobines enterrées auxquelles ont été incorporés des antennes et un modem, alimentées par la lumière du soleil, sont capables de reconnaître qu’ils se préparent au désastre.

C’est encore une fois lui qui, après coup, a suivi la récurrence des répliques. Il relaye celle survenue le 13 septembre vers 16 heures (GMT) avec le graphique qui montre, selon sa méthode, des pics précurseurs possibles. Il explique cependant, du fait de la distance séparant les zones impactées et le magnétomètre le plus proche, que certaines secousses en dessous de 3,9 peuvent être omises d’être enregistrées.

«En général, j’ai constaté que les séismes de plus grande magnitude fournissent des précurseurs magnétiques beaucoup plus loin dans le temps que les séismes plus petits. Le premier précurseur que j’ai vu le jour d’un grand séisme était d’environ 6 heures à l’avance. Bien sûr, il y a toujours des exceptions», a-t-il expliqué en réponse à des internautes qui se sont essayés à sa méthode.

À l’heure actuelle, il serait le seul au monde à appliquer cette méthode. Une méthode qu’il explique d’ailleurs dans un document constitué en relation avec ses alertes lancées en amont du séisme meurtrier qui a secoué le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie, le 6 février dernier. Pour avancer dans la recherche, et éventuellement développer un programme établi sur l’intelligence artificielle, «nous avons besoin de plus de personnes pour réaliser des graphiques, vérifier les fréquences des précurseurs et mesurer les temps d’avertissement. Certaines caractéristiques peuvent également être spécifiques à une région. Mais L’IA EST la réponse finale», a-t-il partagé avec les internautes.

Il propose, à l’égard des autorités locales, d’activer un magnétomètre à protons et faire en sorte qu’une équipe locale le surveille avec la méthode décrite afin de recevoir un «avertissement de 2 heures avant». Car, explique-t-il, l’interface graphique de la station GUI a généralement 30 minutes de retard dans la publication des données. Certains magnétomètres, comme la station VIC à Victoria, sur la côte ouest canadienne, par exemple, «ont dans leur politique la rétention de la publication de données magnétiques pendant 24 heures afin de permettre aux «utilisateurs privilégiés» d’utiliser les données en premier», détaille le chercheur.

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«C’est pourquoi le Maroc doit contrôler son propre magnétomètre. Puisque l’interface graphique de la station ne fournit pas de données d’intervalle d’une seconde, nous ne pouvons pas vérifier la fréquence des précurseurs potentiels et les valider», poursuit-il. Selon lui, il existerait cependant d’autres moyens. «Vous devez apprendre à lire le langage que la Terre vous dit magnétiquement. Par exemple, peut-être qu’une période de calme de 2 heures suivie de 4 pics en une heure indique «Séisme à venir». Ce n’est qu’en observant constamment et en prenant des notes que vous pourrez apprendre la langue de votre pays», explique-t-il. Pour cela il recommande à tout pays «souhaitant appliquer la méthode d’avertissement des précurseurs magnétiques, d’installer éventuellement 3 stations aux coins d’un triangle équilatéral pour localiser l’emplacement du précurseur – peut-être à +/- 30 km».

«Dans mes recherches «après coup», j’ai découvert que presque tous les tremblements de terre montrent un précurseur magnétique 1 à 6 heures avant le séisme. La tâche difficile consiste à reconnaître le précurseur avant le séisme. Idéalement, on vérifie le spectre de fréquences du précurseur suspect», nuance-t-il.

Des chercheurs controversés ?

Cette théorie n’est pas nouvelle. Preuve à l’appui, Dan Schneider, directeur de QuakeFinder, un département de recherche sur les tremblements de terre chez Stellar Solutions, a révélé dans une étude publiée en 2022, la «présence de changements détectables dans le champ magnétique local qui se produisent 72 heures à 24 heures avant un tremblement de terre».

Sans prétendre pas que ce signal existe avant chaque tremblement de terre, les travaux suggèrent «qu’il pourrait y avoir des changements régulièrement détectables dans le champ magnétique qui, avec une étude et un isolement plus approfondis, pourraient en fait soutenir la construction d’un système de prévision à l’avenir», a déclaré Schneider.

Malgré des décennies de travail, il n’existe aucune preuve convaincante de précurseurs électromagnétiques des tremblements de terre
US Geological Survey (USGS

Mais l’idée reste controversée. L’USGS affirme que «malgré des décennies de travail, il n’existe aucune preuve convaincante de précurseurs électromagnétiques des tremblements de terre». À défaut de plus de prévisibilité face à l’apparition de séismes, les scientifiques peuvent toutefois compter sur des réseaux naissants d’alertes permettant de prévenir les personnes exposées à la rupture dans une faille sismique. Mais seulement après le premier glissement brutal le long du plan de faille, à l’origine d’un séisme.

Les scientifiques arrivent en effet à détecter les premiers signaux d’un tremblement de terre avec des systèmes d’alerte qui reposent sur la mesure des ondes P d’un séisme qui arrivent avant les ondes S destructrices. «Ce sont des ondes de compression, l’équivalent des ondes acoustiques dans la terre, qui sont plus rapides, entre 6 et 8 km par seconde», explique Jean-Paul Montagner. Les deuxièmes sont des ondes de cisaillement, plus lentes, qui arrivent plus tardivement.

«C’est le mieux que l’on puisse faire», dit Christine Goulet sur les colonnes du Devoir, en évoquant le système ShakeAlert déployé sur la côte ouest des États-Unis. «Ces systèmes se déclenchent une fois que le tremblement de terre a commencé et peut donner aux personnes qui reçoivent l’alerte sur leur téléphone un 10 ou 20 secondes de temps nécessaire pour se mettre à l’abri. Mais ce sont des systèmes coûteux à mettre en place et dont très peu de pays disposent», explique-t-elle.

Utopia

En définitive, il est possible que «les séismes obéissent à une loi unique, mais aussi qu’il y ait une diversité de comportements», résume Jean-Mathieu Nocquet, sismologue à l’institut GeoAzur. «Notre compréhension des tremblements de terre est à échelle humaine, elle tient sur une centaine d’années à peine, alors que le phénomène est inscrit sur une échelle géologique qui, elle, se déroule sur des millions d’années», conclut Christine Goulet.

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Le consensus scientifique actuel qui affirme clairement qu’il est impossible de prédire quand et où le prochain séisme frappera, n’est-il, en définitive, peut-être pas une meilleure chose ? Imaginons un moment, un État, appelons-le «Utopia» qui dispose d’équipes formées à la méthode que suivent les chercheurs tels qu’Hoogerbeets. Le gouvernement d’Utopia reçoit l’information comme quoi une partie du sol national est probablement le foyer d’un séisme d’une amplitude destructrice. Comment sonne-t-on l’alerte ? Comment évacue-t-on les personnes à risque ? Car, cela supposerait d’éduquer la population aux protocoles à suivre dans le calme. À défaut, le mouvement de foule, dicté par la panique, risquerait d’engendrer plus de dégâts.

Un jour, les scientifiques pourraient déchiffrer le code sismologique et trouver un moyen de déterminer qu’une secousse majeure est en route. Un objectif qui, jusqu’ici, relève encore de l’utopie, comme l’a douloureusement rappelé le drame marocain. Mais, pour l’instant, tout ce que l’on peut faire, c’est compatir, se relever, et faire en sorte d’être prêts si une autre catastrophe venait à se produire.

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