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«Le spectacle de la campagne marocaine est désolant. Déjà transformé en un quasi désert jusque dans ses provinces les plus riches, telle la plaine de Meknès, le Maroc n’offre plus à ses agriculteurs qu’un sol rétif à la charrue. Dans la plupart des régions du Nord-Ouest, celles qui sont d’habitude les plus arrosées, les agriculteurs ne peuvent ni labourer ni ensemencer», écrivait le 28 novembre 1981, le correspondant du quotidien Le Monde au Maroc, Roland Delcour.
Les plus âgés se souviennent du début de cette décennie noire en termes de précipitations et de l’exode rural qui s’en est suivi. «Certains fellahs abandonnaient leur bétail parce qu’ils n’avaient pas de quoi les nourrir», se remémore Abdessamad Lakrafess, un grand propriétaire terrien dans les environs de Khenichet. Autre témoignage du passé, celui du météorologue Mohamed Bellaouchi. L’expert se souvient qu’à cette époque les instituteurs étaient obligés de faire un dessin sur le tableau pour expliquer aux enfants de maternelle ce qu’est la pluie parce qu’ils ne l’avaient tout bonnement jamais vue !
En cette année 2022, le Maroc revit le même cauchemar. À l’instar de bon nombre de pays de la planète, le Royaume fait face à l’une des pires sécheresses de son histoire. Dans un témoignage à l’agence Associated Press (AP), Rachid Aït El Jadida, agriculteur qui cultive des herbes de luzerne dans la région de Marrakech, est formel : «Nous avons toujours travaillé uniquement dans l’agriculture et nous voudrons toujours continuer ce travail, nous voudrons toujours rester ici, mais si le manque de pluie continue, nous devrons partir. Il sera très difficile pour nous de prendre cette décision. Nous sommes vraiment tristes quand nous voyons nos terres souffrir de la sécheresse en plus du manque d’eau, mais alors il n’y a pas d’autre option que d’émigrer». Le journaliste d’AP décrit la situation : «Ce qui était auparavant une grande et uniforme culture de plantes vertes sur les terres de Rachid, est maintenant une petite tache verte entourée de terre sèche et de pierres».
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Barrages à sec
Si aujourd’hui les autorités privilégient la diminution du débit d’eau courante au lieu de la coupure nette, dans les années 1980, le rationnement de l’eau était quasi automatique pendant l’été dans les villes intérieures. En 1995, Tanger était approvisionnée par bateaux à partir du port de Jorf Lasfar. Au mois d’octobre 2020, plusieurs localités du Souss, y compris Agadir, ont connu des restrictions d’approvisionnement en eau potable. Au 25 août 2022, l’ensemble des barrages du Royaume sont remplis à hauteur de 26,2% seulement contre 41% à la même date l’année dernière. À date, nos barrages retiennent 4,22 milliards de m3. «Si nous avons encore de l’eau potable disponible en cette période de sécheresse, c’est grâce à feu Hassan II», juge Abdelghafour Sadati, technicien hydraulique à la retraite. «Ce qui me faire rire, c’est que les responsables actuels croient qu’on peut rattraper le temps perdu. Quand j’ai vu l’ex-ministre Amara lancer les travaux de surélévation de plusieurs barrages, je suis tombé des nues. Au lieu d’espérer stocker plus d’eaux pluviales tandis que les précipitations sont moindres, il aurait fallu investir dans le dévasement de nos barrages», conclut notre interlocuteur.
Quoi qu’il en soit, face à la gravité de cette situation, c’est la course contre la montre pour l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE). Ce dernier a multiplié les forages pour exploiter de nouveaux puits afin de ne pas perturber l’alimentation en eau potable des différentes agglomérations. Aussi, des kilomètres de nouvelles conduites de raccordement entre les réservoirs des villes et des barrages se situant dans d’autres bassins hydrauliques sont réalisés en un temps record, comme ce fut le cas pour Casablanca avec l’assèchement du barrage Al Massira. Pour Fès et Meknès, l’ONEE a opté pour l’anticipation avec l’alimentation en eau potable des deux cités impériales à partir du barrage Idriss 1??. Le projet financé par un prêt de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) comprend «la réalisation d’une prise d’eau brute sur le barrage Idriss 1??, d’une station de traitement d’un débit nominal de 172.800 m3/jour, extensible à 259.200 m3/jour, de sept stations de pompage, de 5 réservoirs, la fourniture et la pose de 105 km de canalisations en béton précontraint, en acier revêtu et en polyester renforcé aux fibres de verre (PRV) de diamètres variant entre 2.000 et 900 mm, ainsi que l’électrification et la télégestion du système adducteur», souligne un communiqué de l’office. «La prise d’eau réalisée par perforation du barrage Idriss 1?? constitue une véritable prouesse technique et compte parmi les rares opérations de perforation de barrage à l’échelle mondiale. Cette opération devra être dupliquée au niveau d’autres barrages au Maroc», ajoute l’ONEE. Ce projet vise l’alimentation en eau potable à l’horizon 2030 de Fès et Meknès et des localités voisines.
Rôle de la police de l’eau
À côté de ses efforts pour pallier le manque d’eau, la rationalisation des usages de l’eau est devenue la priorité numéro 1. Il s’agit de lutter contre la surexploitation, l’utilisation illégale et le gaspillage de cette ressource vitale. Ceci par un contrôle strict à travers une présence sur le terrain des éléments de la police de l’eau. Fort est de constater que plusieurs stations de lavage automobile sont ouvertes malgré l’interdiction décidée par le ministère de l’Intérieur. Seulement voilà, la police de l’eau dépend du ministère de l’Équipement et de l’Eau et dispose de moyens limités. Cette entité est pourtant chargée de constater les infractions, de traquer le gaspillage de l’eau et de sanctionner les contrevenants. Elle est aussi responsable de la préservation du domaine public hydraulique (DPH) tel qu’il est défini par la loi 36-15 relative à l’eau. Toutefois, cette police dispose de ressources limitées. Elle ne compte que 200 agents sur tout le territoire national. Ces derniers focalisent leurs efforts sur les secteurs d’activité les plus hydrovores tels que l’agriculture. Les stations de lavage de voitures, les hammams et les établissements touristiques échappent à cette police de l’eau.
Les autorités locales appelées à agir
Quand l’État veut, l’État peut. On l’a vu pendant la pandémie de Covid-19, tous les appareils étatiques se sont mis en branle pour faire respecter le confinement et les restrictions imposées par la situation sanitaire. Aujourd’hui, à l’état d’urgence sanitaire s’ajoute l’état d’urgence hydrique. Les autorités locales doivent travailler de concert pour limiter la consommation de l’eau à tous les niveaux. Il y a quelques jours, les présidents des 12 régions se sont réunis en urgence à Rabat pour se concerter sur la situation de sécheresse et la pénurie des ressources en eau. En plus du déblocage de budgets conséquents pour faire face à cette crise, les élus ont étudié les différentes solutions pour assurer l’approvisionnement en eau de la population et du bétail. Aussi, le principe de complémentarité et de solidarité entre les régions a été souligné. C’est un préalable pour la réalisation de l’autoroute de l’eau Nord-Sud, un projet en gestation depuis plus de 10 ans.
L’interconnexion entre les bassins hydrauliques et le projet de transfert de l’eau à partir du Nord sont en cours. Il s’agit du transfert Nord-Sud entre les bassins excédentaires vers ceux qui sont déficitaires. Une première tranche urgente concerne les bassins du Bouregreg, Chaouia, Oum Er-Rbia et Tensift. Elle reliera le bassin de Sebou au barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah d’un débit de 15 m3/s et sera réalisée entre 2022 et 2023 pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable de la zone côtière Salé-Rabat-Casablanca et indirectement le Grand Marrakech. Le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, avait indiqué que d’autres mesures urgentes ont été prises principalement dans les bassins hydrauliques souffrant de baisses des niveaux d’eau. Dans l’Oriental par exemple, les stations de pompages d’eau de Oulad Stout et Moulay Ali sont redistribuées pour Nador, Driouch, Berkane, Ras Lma et Saïdia. Cette dernière souffre d’une baisse de la pression dans certaines habitations des étages supérieurs.
Par ailleurs, le Maroc a lancé des projets pour la construction d’une vingtaine de barrages, dont trois grands ouvrages qui seront livrés cette année. Le Royaume aura également recours au dessalement des eaux dans plusieurs régions. «Sur le moyen terme, d’ici 2026, il y a 300 millions de mètres cubes d’eau pour Casablanca, les stations de dessalement de l’eau au niveau de Safi, El Jadida et Dakhla, ensuite Nador, Sidi Ifni, Tarfaya et une station pour Laâyoune qui est déjà en phase avancée», selon Baitas.
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La dernière circulaire du ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, est on ne peut plus clair : il faut gérer rationnellement les ressources en eau, avec l’interdiction de l’arrosage des espaces verts et des golfs à partir des eaux conventionnelles, du lavage des voies et places publiques et des véhicules par de l’eau potable, ainsi que le remplissage des piscines publiques et privées qui ne doit se faire qu’une fois par an. Les walis et gouverneurs et les forces de l’ordre sont mobilisés pour l’application des dispositions nécessaires à ce sujet. Mais que dire du ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, qui aurait été incapable d’appliquer ces dispositions, selon le quotidien Assabah. Baraka n’oserait pas empêcher de hauts responsables de creuser des puits et des piscines dans leurs fermes et villas à Rabat et ses environs. Affligeant…
Gestes citoyens pour économiser l’eau
En plus d’une réduction du débit général de l’eau dans la maison via le robinet d’arrêt principal, les citoyens responsables doivent :
Fermer l’eau pendant le brossage des dents et le rasage ;Faire la chasse aux fuites en vérifiant fréquemment les canalisations ;
Ne faire fonctionner le lave-vaisselle ou le lave-linge qu’en pleine charge ;
Ne jamais nettoyer les allées, les trottoirs et les marches avec un tuyau ;
Mettre une bouteille en plastique de 1.5 litre remplie d’eau et fermée dans le réservoir de la chasse d’eau des toilettes.
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