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Sebta-Melilia : les présides occupés au bord de la banqueroute

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Après une fermeture prolongée de deux ans à cause de la pandémie de Covid-19 et de la crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne, les points de passage de Sebta et de Melilla avaient rouvert le 17 mai 2022. Dès lors, les personnes ont commencé à circuler normalement entre les villes occupées et les agglomérations avoisinantes du Nord et de l’Oriental. Mais pour les marchandises, c’est une tout autre histoire…

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La réouverture de Bab Sebta et de Bab Melilia avait marqué la résolution d’une longue crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne. Cet événement avait été célébré par les résidents, car, en plus de leur permettre de rendre visite à leurs familles, il allait stimuler une reprise économique. Les opérateurs touristiques et les commerçants locaux partageaient alors le même optimisme. Toutefois, la reprise n’a pas été à l’identique puisque la réouverture des deux points de passage a été assortie de mesures drastiques visant à lutter contre la contrebande. Depuis, les habitants de Fnideq et de Tétouan, près de Sebta, et ceux de Béni-Ansar et de Nador, près de Melilia, ont appris à vivre autrement.

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Patriotisme économique

La cessation de la contrebande avec Sebta et Melilia a entraîné des conséquences significatives pour la vie des habitants. Les produits espagnols restent présents, mais leur prix a augmenté en raison de l’introduction de taxes douanières. Auparavant, ces produits, très appréciés par de nombreux consommateurs marocains, parvenaient facilement aux différents marchés grâce aux «femmes-mulets». Aujourd’hui, ils passent principalement par le port de Tanger Med ou encore celui de Casablanca, ce qui alourdit la facture pour les revendeurs.

Mais malgré tout, les commerçants continuent d’importer légalement ces produits puisque même après dédouanement, leur marge bénéficiaire demeure élevée. Quant aux citoyens qui avaient l’habitude de faire leur shopping à Sebta ou à Melilia, ils sont surpris à leur retour d’une saisie automatique sur les marchandises achetées dans les présides occupés.

Ce n’est pourtant pas sur la base d’une circulaire signée par le directeur général de l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII), Abdellatif Amrani, que les douaniers procèdent à la saisie. Une instruction verbale des autorités locales a sonné la mobilisation des agents de l’ADII pour freiner net tout passage de marchandises venant de Sebta ou de Melilia.

De ce fait, il n’y a pas de franchise pour des effets personnels achetés dans les présides occupés et il n’est pas possible de payer les frais de douane sur ces produits. Les officiers de la douane sont obligés de confisquer toute marchandise et de rédiger un procès-verbal sans poursuite judiciaire à l’encontre de tout citoyen transportant une quelconque marchandise, qu’il s’agisse d’une paire de chaussures ou d’un paquet de chips. Toutes les marchandises saisies sont détruites.

Gênés du fait qu’il n’y ait aucune communication officielle à ce sujet, les douaniers donnent la possibilité aux «contrevenants» de faire demi-tour pour rendre les produits achetés et se faire rembourser. L’absence de communication officielle sur ce sujet paraît évidente : le Maroc veut asphyxier économiquement les présides occupés, mais ne veut pas s’avancer de manière directe dans cette voie après la fin de la brouille diplomatique avec l’Espagne et le soutien du voisin du Nord au plan marocain d’autonomie pour le règlement de l’affaire du Sahara.

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Pression espagnole

Selon les estimations, l’État marocain perdait près de 10 milliards de DH (MMDH) par an en raison de la contrebande et l’industrie marocaine était mise à mal par ce fléau. Avant même la réouverture des points de passage en 2022, les autorités marocaines avaient mis en place un plan visant à proposer des alternatives aux contrebandiers avec un vaste programme d’emploi et des incitations fiscales aux importateurs. Quant aux pourparlers visant à rouvrir les douanes commerciales à Bab Sebta et Bab Melilla, elles connaissent des retards importants. Trois tests pilotes ont été effectués, mais de nombreuses contraintes doivent encore être surmontées avant que ces douanes ne puissent être effectivement rouvertes. Des correspondances entre les douanes marocaine et espagnole au cours des derniers mois, auxquelles le quotidien ibérique El País a eu accès, indiquent que le calendrier convenu n’a pas été respecté, en grande partie à cause du Maroc, qui semble jouer sur les délais. Alors que l’Espagne insiste pour réaliser davantage de tests pilotes avant de passer à la phase définitive, le Maroc considère que les tests réalisés jusqu’à présent ne sont pas «concluants» et insiste pour en effectuer davantage «avant de considérer toute autre étape». En outre, le Maroc appelle l’Espagne à intensifier ses efforts dans la lutte contre la contrebande.

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Le chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares, était revenu sur le sujet fin février, devant la commission des Affaires étrangères au Sénat espagnol. Albares avait souligné que le projet de réouverture de la douane de Melilia, fermée par le Maroc en 2018, et l’ouverture d’une nouvelle à Sebta, «permettra la création d’une zone de prospérité partagée grâce à un flux légal et contrôlé de marchandises de part et d’autre de la frontière». Il faut dire que la situation économique dans les présides occupés est intenable depuis l’arrêt de la contrebande. Les commerçants de Sebta et de Melilia ont organisé plusieurs sit-in demandant l’ouverture rapide des douanes commerciales pour relancer les échanges de marchandises.

Au final, il convient de noter que la mise en place de douanes à Sebta et Melilia, qui pourrait conduire à la normalisation du trafic de marchandises, impliquerait une reconnaissance tacite de la souveraineté espagnole sur ces deux présides occupés. Aujourd’hui, le citoyen marocain paie les pots cassés en se rendant à Sebta et à Melilia pour faire de bonnes affaires, surtout pendant les soldes, n’imaginant guère que tout ce qu’il achètera sera saisi et détruit à son retour. Un patriotisme économique qui ne dit pas son nom et des aberrations impardonnables, à l’image d’un panneau publicitaire 4×3 sur une grande artère de Nador affichant la promotion d’un magasin de prêt-à-porter basé à Melilia…

L’abnégation et le professionnalisme des agents de l’ADII ne suffisent pas. Une campagne de sensibilisation des citoyens s’avère nécessaire. Elle doit expliquer que les produits achetés dans les différents marchés supposés «de contrebande», comme Al Massira à Fnideq, Oulad Mimoun à Nador, Casabarata à Tanger ou encore Derb Ghallef à Casablanca, sont en fait importés d’Espagne ou de Chine avec une moindre qualité. Les consommateurs peuvent avoir des produits alimentaires, d’habillement ou high-tech de meilleure qualité et au meilleur prix dans les différents espaces commerciaux et avec la garantie en plus.

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