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Sacs plastiques : quel bilan huit ans après l’opération «Zéro Mika» ?

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Des sacs plastiques © DR

Ce mercredi 3 juillet marque la Journée mondiale sans sacs plastique, une initiative internationale visant à sensibiliser le public aux dangers de la pollution plastique et à promouvoir des alternatives durables. Au Maroc, bien que la loi n°77-15 interdisant la fabrication, l’importation, l’exportation, la commercialisation et l’utilisation des sacs en plastique soit en vigueur depuis 2016, ces derniers continuent d’être largement utilisés, notamment dans les marchés urbains et ruraux. Cette situation pose de sérieux défis environnementaux, impactant la faune marine et terrestre, et contribuant à la pollution des sols et des océans.

À l’occasion de la Journée mondiale sans sacs plastique, nous avons interrogé Mustapha Benramel. L’expert en environnement et président de l’Association des minarets écologiques pour le développement et le climat, nous éclaire sur l’état actuel de la lutte contre les sacs plastiques au Maroc. Malgré les progrès réalisés depuis l’adoption de la loi, Benramel souligne que la persistance des sacs plastiques dans les circuits informels et les défis liés à l’application de la législation nécessitent des efforts continus et une approche plus intégrée. Ceux-ci devraient inclure des mesures socio-économiques pour soutenir les groupes les plus vulnérables.

Lire aussi : Le plastique, une menace à l’échelle planétaire

LeBrief : la loi 77-15 est entrée en vigueur en 2016. Quel bilan faites-vous huit ans après ?

Mustapha Benramel : La loi n°77-15 interdisant la fabrication, l’importation, l’exportation, la commercialisation et l’utilisation des sacs en plastique est entrée en vigueur le 1ᵉʳ juillet 2016. Ses objectifs principaux sont de lutter contre la pollution plastique, protéger l’environnement, et promouvoir le développement durable. Malgré les défis persistants, cette interdiction a eu un impact positif indéniable sur l’environnement et a contribué à promouvoir le développement durable. Cependant, les politiques socio-environnementales biaisées conduisent souvent à une résistance sociale de la part des groupes les moins riches, nuisant à l’efficacité de ces politiques. Notre étude montre que l’interdiction des sacs en plastique mise en œuvre en juillet 2016 a eu un impact différentiel sur les travailleurs des secteurs formel et informel, ainsi que sur les clients des marchés informels. Alors que le marché formel a réussi à mettre en œuvre l’interdiction grâce à des alternatives abordables, les vendeurs et consommateurs du marché informel ne peuvent pas se permettre ces alternatives. Ils sont impactés par cette politique. L’efficacité de celle-ci dépend largement de son intégration dans un cadre plus large de lutte contre les inégalités socio-économiques et la pauvreté. D’autant plus que les travailleurs du secteur informel représentent une part importante de l’économie nationale.

LeBrief : Pourquoi observe-t-on encore la distribution de sacs plastiques dans les marchés urbains et ruraux et quels sont les principaux impacts des sacs plastiques sur l’environnement et la biodiversité ?

Mustapha Benramel : Les sacs en plastique distribués dans les marchés urbains et ruraux finissent sous forme de déchets mortels dans les décharges et les océans. Les oiseaux confondent souvent les sacs en plastique avec de la nourriture, remplissant leur estomac de fragments toxiques. Les tortues de mer affamées ne peuvent pas distinguer une méduse d’un sac en plastique flottant. Les poissons consomment des milliers de tonnes de plastique chaque année, transmettant ainsi les microplastiques à travers la chaîne alimentaire jusqu’aux mammifères marins et aux humains. On estime que les humains consomment chaque semaine l’équivalent d’une carte de crédit en plastique, et d’ici à 2050, il pourrait y avoir plus de plastique que de poissons dans l’océan. Les principales raisons de la persistance des sacs plastiques dans les marchés sont les difficultés de contrôle et d’application de la loi, le recours aux réseaux clandestins et à la contrebande, le coût élevé des alternatives durables pour certains consommateurs, et le manque de filières de recyclage adéquates pour certains types de sacs plastiques.

LeBrief : Le Fonds mondial pour la nature a rapporté que le Maroc produisait plus de 570.000 tonnes de déchets plastiques par an en 2019. Quels sont, selon vous, les principaux facteurs qui favorisent cette production excessive de déchets plastiques et quelles mesures concrètes recommanderiez-vous pour réduire et mieux gérer ces déchets spécifiques ?

Mustapha Benramel : Les principaux facteurs contribuant à cette situation sont la persistance de l’utilisation des sacs plastiques dans les souks et le commerce informel, les difficultés de contrôle et d’application de la loi, le recours aux réseaux clandestins et à la contrebande, le coût plus élevé des alternatives durables pour certains consommateurs, et le manque de filières de recyclage adéquates. Pour améliorer la gestion et l’élimination de ces déchets, il est nécessaire de changer la culture des déchets dominante en élaborant des politiques visant à modifier les modes de vie et de production et consommation. Cela inclut des programmes de sensibilisation et de formation en partenariat avec les autorités locales, le commerce et l’industrie, les ONG, les associations de consommateurs et le grand public. Une stratégie de gestion des déchets doit être basée sur la prévention, le recyclage et l’élimination à la source comme priorités absolues.

Lire aussi : Combattre la pollution plastique, une urgence et une nécessité !

LeBrief : Le CESE a indiqué que le Maroc produisait plus de 7 millions de tonnes de déchets domestiques en 2020. Quelles stratégies globales recommanderiez-vous pour améliorer la gestion et l’élimination de l’ensemble des déchets domestiques ?

Mustapha Benramel : L’utilisation rapide de produits en plastique au Maroc a dépassé la capacité à y faire face. L’utilisation et l’élimination non durables des produits en plastique menacent les économies, la santé humaine et les écosystèmes, avec des risques sanitaires accrus dus au faible taux de recyclage. Il est impératif de freiner cette pollution par des solutions innovantes, telles que l’utilisation d’alternatives respectueuses de l’environnement et l’augmentation du recyclage des déchets plastiques. Les campagnes de sensibilisation menées par les ONG, les autorités locales et les décideurs politiques peuvent contribuer directement à la réduction de la pollution plastique. L’éducation peut également jouer un rôle crucial en sensibilisant les consommateurs à la gestion des déchets plastiques et en motivant les gens à adopter des comportements favorables à l’environnement.

LeBrief : Pouvez-vous nous parler des initiatives prises par votre association, l’Association des minarets écologiques pour le développement et le climat, pour lutter contre la pollution plastique ?

Mustapha Benramel : Nous renforçons les capacités des associations de la société civile en matière d’organisation, d’encadrement, d’accompagnement et d’éducation à l’environnement et au développement durable. Il s’agit particulièrement de celles concernées par la propreté, le tri et la valorisation des déchets. Nous créons des réseaux d’associations pour partager les expériences et expertises et converger les initiatives et projets. Nous allouons des crédits aux organisations de la société civile pour des projets prometteurs, selon la vision stratégique de chaque collectivité. Nous encourageons aussi la compétitivité entre institutions et organismes dans le domaine du tri et de la valorisation des déchets, en organisant des concours et forums avec des prix pour les initiatives méritantes.

LeBrief : D’après vous, quel rôle joue la sensibilisation et l’éducation environnementale dans la réduction de l’utilisation des sacs plastiques, et quelles actions votre association entreprend-elle à cet égard ?

Mustapha Benramel : La sensibilisation de la société par différentes méthodes éducatives peut briser la chaîne de pollution plastique et améliorer notre prise de décision quotidienne en faveur de solutions écologiques. Nous sensibilisons les communautés, les écoles, les entreprises commerciales, les hôtels et les restaurants au problème du plastique dans l’environnement. Nous organisons des formations pour les jeunes et les femmes dans la collecte, le traitement et le recyclage du plastique, et pour les chefs de famille, à la production d’emballages alternatifs aux sacs plastiques. Nous aidons à créer des coopératives de recyclage du plastique, faisons connaître les conventions internationales et la législation sur les matières plastiques, et promouvons des concours artistiques dans les écoles pour sensibiliser les élèves.

LeBrief : À votre avis, quelles seraient les étapes cruciales à franchir dans les prochaines années pour que le Maroc devienne un leader dans la lutte contre la pollution plastique ?

Mustapha Benramel : À mon avis, l’élimination complète du plastique est peu probable dans les prochaines années. Ceci en raison de la faiblesse des lois et de la législation, de l’absence de volonté politique, et de la pression des lobbys de l’industrie du plastique et des commerçants. Les alternatives au plastique ne sont pas encore suffisamment motivantes. Les étapes cruciales incluent le renforcement des lois et des réglementations, l’augmentation de la sensibilisation et de l’éducation environnementale, la promotion des alternatives durables, et l’encouragement de la recherche et de l’innovation dans la gestion des déchets plastiques.

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