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LeBrief : L’année 2023 est bien entamée… Quel est l’état des lieux des différentes branches industrielles ?
Ryad Mezzour : L’année 2022 a été assez exceptionnelle pour l’industrie nationale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes puisqu’on a récupéré l’ensemble des emplois perdus lors de la période Covid-19, voire même créer plus d’emplois (un taux de 106% à fin janvier 2023). Cela est visible également à travers les résultats remarqués des filières industrielles avec leurs exportations : plus de 370 milliards de DH (MMDH) à fin décembre 2022. Au premier rang, l’automobile, qui a réalisé plus de 110 MMDH d’exportations à fin décembre 2022, soit une évolution de 33% par rapport à la même période de l’année 2021. Pour les secteurs du textile, de l’agroalimentaire et de l’aéronautique, les exportations à fin décembre 2022 ont pour la première fois de l’histoire atteint respectivement 44 MMDH (+21%), 43,9 MMDH (+20%) et 21,3 MMDH (+34%).
Ainsi, malgré le contexte mondial compliqué, la plateforme industrielle nationale parvient à se hisser et demeure une destination très attractive. En témoignent les lancements de nouvelles activités qui se sont faits au Maroc et continuent de se faire en ce début d’année, ou la réalisation de partenariat avec des donneurs d’ordre de renommée internationale.
LeBrief : Vous l’avez souligné, l’automobile demeure le fer de lance des nouveaux métiers mondiaux en termes de performances à l’export. À quand un troisième constructeur au Maroc ?
Ryad Mezzour : Le Maroc est idéalement positionné pour attirer n’importe quel constructeur automobile. La capacité actuelle de production de 700.000 voitures annuellement est en passe d’atteindre le million d’ici quelques années avec l’annonce du doublement de capacité de Stellantis. Aussi, le tissu automobile national a mis en place un réel écosystème composé de plus de 250 équipementiers, et les ventes à l’export se sont élevées pour la première fois à 111,3 MMDH. La jonction de ces données, très positives, fait donc du Royaume un véritable relais de compétitivité.
Toutefois, nous devons bien saisir la conjoncture actuelle. Le marché européen, qui est notre principal marché d’exportation, est aujourd’hui en baisse, et malgré cela, le Maroc a non seulement maintenu, mais augmenté ses exportations vers ce marché de 50%. Notre plateforme automobile gagne de ce fait des parts de marché et confirme son attractivité et la confiance dont elle jouit auprès des acteurs mondiaux de l’écosystème.
Dans ce contexte-là, notre pays est parmi les mieux positionnés au monde pour augmenter ses capacités et éventuellement attirer un troisième ou un quatrième constructeur.
LeBrief : Plus globalement, tous secteurs manufacturiers confondus, comment jugez-vous la compétitivité du Maroc par rapport aux plateformes industrielles concurrentes ?
Ryad Mezzour : Aujourd’hui, le Maroc est en mesure de concurrencer les bases industrielles les plus intégrées au monde. Grâce à la vision éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, les stratégies et plans nationaux développés ces 20 dernières années ont créé les fondements de l’industrie marocaine : une infrastructure de qualité, un foncier industriel aux standards internationaux, des ressources qualifiées et un dispositif incitatif dédié.
Ce socle bâti, le Maroc a édifié une plateforme industrielle de classe mondiale et a réussi à se positionner en tant que hub compétitif à l’échelle régionale. Des acteurs de référence se sont implantés, des métiers nouveaux se sont développés et les chaines de valeur se sont fortement enrichies et consolidées, avec un leadership régional sur des secteurs de pointe, une montée en gamme des filières et la localisation de métiers et spécialisations à fort contenu technologique. Résultat : la plateforme industrielle marocaine a gagné considérablement en compétitivité et en attractivité. Les chiffres réalisés dans les différents secteurs et cités précédemment viennent confirmer cela.
Nous poursuivrons cet élan d’édification d’une industrie compétitive, innovante et à forte valeur ajoutée en mesure d’assurer la prospérité du Royaume, conformément aux Orientations Royales. Deux leviers primordiaux sont actionnés : le développement de l’intégration locale en profondeur et la mise en place d’une politique de décarbonation qui fera du royaume l’une des industries bas-carbone les plus compétitives au monde.
LeBrief : Il y a une reconfiguration des chaînes de valeur mondiales. Comment le Royaume peut tirer son épingle du jeu face à cette nouvelle donne ?
Ryad Mezzour : Le Maroc, à l’instar des autres pays, a fait face au défi dicté par le nouveau contexte mondial, celui de la relance économique. Notre pays s’y est préparé par la mise en place de toutes les mesures nécessaires pour donner un nouveau souffle à la dynamique de l’économie et permettre aux secteurs productifs de renouer avec la croissance et d’augmenter leur capacité à créer de l’emploi, conformément aux Hautes instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’Assiste.
Certes, la crise sanitaire survenue en 2020 a été un coup dur pour l’économie mondiale, comme pour le Maroc, et son impact a été inéluctable, notamment au niveau de la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales. Mais une chose est sûre. L’industrie marocaine a montré son important potentiel et sa disposition à produire localement et à se réinventer.
Nous avons su transformer les défis de la crise en opportunités de croissance. La banque de projets mise en place par le ministère pour booster la fabrication locale a permis de concrétiser des projets d’une grande qualité qui créent de l’emploi et de la valeur et renforcent le tissu industriel national sur le marché local et à l’international. Le positionnement du Maroc dans les chaînes de valeurs mondiales a été renforcé via des politiques de relocalisation dans notre voisinage et la diversification des débouchés pour s’orienter davantage vers les partenaires du Sud.
En 2021, de nouveaux défis géopolitiques et climatiques surviennent. Pour y faire face, la stratégie industrielle intègre un nouveau paradigme, celui de la souveraineté en tant que priorité nationale pour sécuriser l’approvisionnement et l’emploi et consolider l’autonomie et la résilience du Royaume. Nous nous y sommes attelés en développant la production locale, en assurant une répartition territoriale équilibrée de la production nationale, en renforçant les compétences et l’intégration en profondeur des secteurs industriels et en consolidant le positionnement du Maroc sur la carte mondiale des industries de pointe et durables.
LeBrief : Plusieurs professionnels plaident pour une révision des accords de libre-échange (ALE). Quelle est votre position par rapport à cette doléance ?
Ryad Mezzour : Les accords de libre-échange conclus avec nos différents partenaires ont insufflé du dynamisme à notre économie. Ils ont contribué à accélérer le rythme des exportations, permettant au Maroc de passer de 0,12% dans le marché mondial des exportations de marchandises en 2006, à 0,17% en 2021, soit une amélioration estimée à 41%.
Cette dynamique a concerné également les investissements étrangers, qui ont été multipliés par cinq au cours des trois dernières décennies. Les investissements industriels représentent en moyenne 23% du total des investissements étrangers attirés par le Maroc au cours des quinze dernières années, soit un total de 115 MMDH.
En ce qui concerne les efforts consentis pour limiter l’aggravation du déficit commercial, accroître la compétitivité des entreprises nationales et améliorer l’accès des marchandises marocaines aux marchés étrangers, le Ministère s’attelle à déployer avec beaucoup d’énergie les instruments de défense commerciale visant à corriger les distorsions de marché que peuvent subir les différents secteurs tels que l’acier, le textile, l’industrie plastique ou encore l’industrie du bois.
Parmi ces mesures, rappelons l’annexe à l’accord de libre-échange entre le Maroc et la Turquie qui prévoit la fusion d’une liste négative de plus de 1.200 produits, dont plusieurs secteurs qui seront exclus des concessions douanières de l’accord de libre-échange. Ces produits seront soumis à des droits de douane équivalant à 90% de leur droit tarifaire général.
On peut également donner à titre d’exemple les consultations bilatérales réalisées avec la partie égyptienne et qui ont permis aux voitures Renault produites dans la région de Tanger l’accès à ce marché avec une exonération totale des droits de douane. Les travaux se poursuivent dans le cadre de cette cellule commune pour résoudre les problèmes d’accès du reste des produits au marché égyptien.
Un autre cas de figure concerne les relations entre le Maroc et le Royaume-Uni qui ont nécessité, après la sortie de ce dernier de l’Union européenne, la mise en place d’un nouvel d’accord visant à assurer la continuité du cadre juridique des relations économiques entre nos deux pays et à maintenir le traitement préférentiel prévu par l’accord d’association entre le Maroc et l’Union européenne. De ce fait, les produits industriels et agricoles marocains continueront d’entrer sur les marchés britanniques en franchise de droits de douane et de taxes.
De façon générale, nous sommes très attentifs à la question des ALE et à l’avantage compétitif qu’ils peuvent procurer à notre industrie.
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