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Réveillons l’eau

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Au fil des ans, le stress hydrique impacte de plein fouet les pays du continent africain. D’ici à 2050, l’Afrique doublera sa population. Ce constat révèle l’importance stratégique de contrer la pénurie d’eau et notamment l’eau potable. Le Maroc est, lui, en première ligne.

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Chaque année, nous nous alarmons. Ce n’est pourtant pas un phénomène nouveau : le Maroc souffre de la sécheresse depuis les années 1980. «Le Maroc fait partie des pays du monde les plus touchés par le stress hydrique», écrivait en 2021 la Banque mondiale. La disponibilité (potentielle) par habitant des ressources en eau a drastiquement diminué à mesure que les températures augmentent et que les pluies diminuent. Celles-ci sont passées de 2.560 m³ par personne et par an en 1960 à près de 620 m³ par personne et par an en 2020. Et le pays pourrait atteindre, d’ici à la fin de la décennie en cours, le seuil de la pénurie d’eau absolue, estimée à 500 m³ par personne et par an.

Partant de ce constat, et pour y faire face, c’est un plan «cinq étoiles» qui a été mis en place : le programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020 – 2027 (PNAEPI). Émanant de la volonté royale, cette politique est la première phase du Plan national de l’eau 2020-2050, mais sert aussi d’exemple pour les partenaires africains du Royaume. «Si ce programme aboutit à 100%, le Maroc pourrait être paré pour les 25 ans à venir», rassure Fouad Amraoui, professeur universitaire et expert en eau, sollicité par Le Brief pour nous donner son avis sur ce sujet.

Le chantier titanesque nécessitera 115,4 milliards de dirhams (MMDH) sur six ans et reflète le volontarisme de l’État, dans la mesure où 60% émane des financements étatiques. À la clef, 20 nouveaux barrages pour augmenter la capacité de stockage à 27,3 milliards de m3, des stations de dessalement dans les principales villes côtières du pays et la poursuite de la construction des petits barrages et d’autres collinaires. 909 sites sur l’ensemble du territoire national susceptibles d’accueillir ces dernières infrastructures ont déjà été recensés.

Les grands investissements, la pierre angulaire de la lutte contre la pénurie d’eau

«C’est un projet de grande envergure avec une enveloppe budgétaire colossale, mais il s’avère nécessaire !», explique notre interlocuteur. Et en matière de gestion de l’eau, le Maroc sait faire. Le modèle sur lequel le pays a bâti sa politique hydraulique a d’ailleurs été cité en exemple à l’échelle internationale. «La politique de planification à long terme lancée au début des années 1980 qui permet aux décideurs d’anticiper la pénurie d’eau a donné aux pouvoirs publics une visibilité à long terme (20 à 30 années)», peut-on lire sur le site du ministère de l’Équipement et de l’Eau.

Lire aussi : Nizar Baraka met en lumière la politique hydrique marocaine à Bali

Une expertise que le Maroc compte bien dupliquer. Et les choix actuels vont bon train. S’il a été acté en 2020, le PNAEPI vise le développement de l’offre en eau, la gestion de la demande et la valorisation de cette ressource vitale, le renforcement de l’approvisionnement en eau potable en milieu rural mais aussi la réutilisation des eaux usées épurées. «Nous sommes à mi-chemin, les choses avancent bien. Toutefois, le pays a accusé de retards dus à la pandémie liée à la Covid-19, puis plus récemment au tremblement de terre qui a secoué la région d’Al Haouz», détaille l’expert. Ce qui est aussi tout à fait normal, puisque le programme reste encore à sa phase la plus délicate : les infrastructures ont besoin d’un montage financier, de choisir les entreprises à contracter, d’exproprier parfois des terrains pour la construction… «Cette phase peut prendre du temps, mais il y a eu beaucoup de réalisations jusque-là. Parmi elles, et l’une des plus importantes qui n’entraient pas dans le programme initial est le transfert d’eau entre le bassin du Sebbou et du Bouregreg», poursuit Fouad Amraoui.

Lire aussi : Autoroute de l’eau : le projet qui révolutionne l’Infrastructure hydraulique

Ce projet d’interconnexion, réalisé en à peine neuf mois, a été en effet programmé en urgence compte-tenu du déficit pluviométrique important (de l’ordre de 45% par rapport à la moyenne annuelle normale) enregistrée par la région et affectant négativement les apports d’eau dans les barrages du bassin. Ces derniers avaient enregistré un déficit moyen estimé à 72%. Toutefois, «la mise en service de ce projet en août 2023 et jusqu’au 28 février 2024, 186 millions m3 d’eau ont été transférés au barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah», avait alors assuré Nizar Baraka.

Et ce n’est pas tout. Sur les grands barrages programmés, cinq sont à un stade de construction avancé. Selon les derniers chiffres communiqués par la plateforme MaaDialna.ma :

  • Le barrage Ghiss d’Al Hoceïma, d’une capacité de stockage de 93 millions de m3, est presque terminé avec 98% des travaux réalisés ;
  • Les travaux de construction du barrage de M’dez de Sefrou, d’une capacité estimée à 700 millions de m3, sont eux à 95% ;
  • Dans la province de Sidi Kacem, le barrage Koudiat El Borna progresse avec 82% des travaux achevés, visant une capacité de stockage de 12 millions de m3 ;
  • À Laâyoune, les travaux de reconstruction du barrage de Sakia El Hamra, dont la capacité de stockage est estimée à 113 millions de m3, avancent bien avec 74% d’achèvement ;
  • Le barrage de Béni Aziman à Driouch est à 53% des travaux, avec une capacité future de 44 millions de m3.

D’autres sont à mi-parcours. Le barrage Targa Ou Madi à Guercif est à 49%, avec une capacité de 287 millions de m3. Celui de Boulaouane à Chichaoua, d’une capacité future de 66 millions de mètres cubes, est à 47% de réalisation. Le taux de réalisation des travaux de surélévation du barrage Mokhtar Soussi de Taroudant, d’une capacité de 280 millions de m3, s’élève désormais à 46%. Ceux de surélévation du barrage Mohammed V de Taourirt (980 millions de mètres cubes) sont, pour leur part, à 35%. Le barrage Sidi Abou à Taounate est en construction à 68% avec une capacité cible de 200 millions de m3. Celui d’Ait Ziyat à Al Haouz avance à 57%, avec une capacité de 185 millions de m3. Le nouveau barrage de Figuig, le plus grand avec 1.070 millions de m3, est à 36% d’achèvement. Celui d’Oued Lakhder à Azilal est encore à ses débuts avec 23% des travaux effectués pour une capacité de 150 millions de m3. Le barrage Taghzirt à Béni Mellal (85 millions de mètres cubes) affiche un taux de réalisation de 7%. Enfin, ceux de Tamri à Agadir et de Ratba, avec des capacités de 204 et 1.009 millions de mètres cubes, progressent respectivement à 41% et 19%.

Si la poursuite de la construction des grands barrages d’une capacité totale de stockage de 5,38 milliards m3 vise à porter la capacité nationale à 27,3 milliards de m3, le PNAEPI entend développer l’offre de l’eau grâce renforcement du potentiel national en petits barrages. Ceci en vue de contribuer à assurer les conditions idoines du développement local.

À cette fin, et en application des Hautes instructions royales, il a été procédé au recensement de 909 sites sur l’ensemble du territoire national susceptibles à la réalisation de petits barrages et d’autres collinaires, avait indiqué le ministre en charge à l’époque, Abdelkader Amara. Ces sites feront l’objet d’études techniques, économiques et environnementales détaillées pour programmer les barrages susceptibles d’être réalisés. En 2020, Amara avait fait savoir qu’une enveloppe budgétaire annuelle de près de 600 millions de dirhams serait allouée à cette opération. Le Maroc compte actuellement 130 petits barrages. 20 autres sont actuellement en cours de construction.

Eau de mer… qu’en est-il ?

La nouvelle avait fait la une des titres de presse il y a une dizaine de jours. Maintes fois annoncés par le gouvernement, mais sans que ce soit suivi d’effet, les travaux de construction de celle qui est appelée à être la plus grande usine de dessalement d’eau de mer à l’échelle africaine, ont finalement été lancés. L’entreprise espagnole Acciona, qui dirige le consortium chargé de la construction de la station de Casablanca, a récemment obtenu deux prêts auprès des banques espagnoles CaixaBank et Cofides. Chacune d’entre elles accordera 31 millions d’euros.

Casablanca : le prince héritier Moulay El Hassan lance la construction de la station de dessalement

Le prince héritier Moulay El Hassan procédant au lancement des travaux de construction de la station de dessalement du Grand-Casablanca, à la commune Lamharza Essahel relevant de la province d’El Jadida, le lundi 10 juin 2024. © DR

Car pour sauver le Royaume de la soif, le pays mise plus que jamais sur le dessalement de l’eau de mer. Ce procédé permet déjà au pays de produire annuellement 192 millions de m3 à travers 15 stations de différentes tailles. Vers 2030, après l’achèvement des grands projets de dessalement de l’eau de mer qui sont en cours de réalisation, la capacité de dessalement du pays atteindra plus à plusieurs milliers de mètres cubes d’eau par jour.

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