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Le grand chantier royal de généralisation de la protection sociale suit son cours. Les prochaines étapes concernent les allocations familiales, l’indemnité pour perte d’emploi et l’élargissement de l’assiette des adhérents aux régimes de retraite. En 2025, les personnes qui exercent un emploi et ne bénéficient d’aucune pension, soit 58% des citoyens, doivent être incluses dans un régime de retraite. Ceci passe par la mise en application du système des retraites propre aux catégories des professionnels et travailleurs indépendants et personnes non-salariées qui exercent une activité libérale, afin d’englober toutes les catégories concernées. Mais avant d’en arriver là, il faudrait déjà sauver les régimes de retraite en place.
Les précédents gouvernements se sont frottés à cette délicate réforme, mais n’ont pas vraiment réussi à réaliser une refonte globale du système. Aujourd’hui, le gouvernement Akhannouch veut prendre le taureau par les cornes. Le chef du gouvernement a chargé Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Économie et des Finances, de ce dossier brûlant. Dans les prochaines semaines, le Comité chargé de la réforme des systèmes de retraite doit livrer sa copie. Les concertations pourront alors commencer avec les partenaires sociaux. La méthodologie de travail a été arrêtée lors du premier round du dialogue social.
Interrogée récemment sur cette réforme au Parlement, l’argentière du Royaume a estimé qu’«il n’y a pas de solutions faciles», relevant que «le système de retraite était déjà sur la table des gouvernements précédents pendant des années, et les mesures prises n’ont pas permis d’aboutir à une solution». Nadia Fettah Alaoui a aussi fait savoir que les trois caisses concernées par la réforme connaissent un déficit technique, faisant remarquer que la question de l’âge et les cotisations seront certainement soulevées.
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Retraites : l’heure est grave
L’exécutif n’a plus beaucoup de temps pour tergiverser ni de marge de manœuvre. Deux chiffres renseignent sur la fragilité des équilibres financiers : la date de début du déficit global selon les caisses entre 2015 et 2023 et la date d’épuisement des réserves entre 2028 et 2044. La Commission spéciale dédiée à la réforme, créée en 2004 par le gouvernement Jettou, avait suggéré la mise en place de deux pôles de retraite comme cadre général de la réforme, ainsi que l’élargissement de la couverture sociale, sans oublier la réforme paramétrique lancée en 2016. Mais ces mesures sont jugées insuffisantes pour instaurer une réforme globale des régimes de retraite.
Dans le secteur public, la Caisse marocaine des retraites (CMR) et le Régime collectif d’allocation de retraites (RCAR) sont déficitaires. Mais la CMR, qui compte près d’un million de fonctionnaires adhérents, demeure la plus menacée de faillite avec un déficit de 7,8 milliards de DH. Côté secteur privé, la situation n’est pas très alarmante. La Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) connaît un léger déficit de moins d’un milliard de DH, mais pourrait connaître des difficultés à cause des nouvelles missions qui lui sont confiées dans le cadre de la généralisation de la protection sociale. Pour ce qui est de la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR), aucun nuage à l’horizon pour ce régime complémentaire facultatif pour les employés du secteur privé.
Paradoxalement, un écart important est observé entre les pensions dans les secteurs public et privé. Ainsi, la moyenne des pensions des fonctionnaires est de 7.873 DH contre 5.678 DH pour les salariés du privé. Il faut savoir que la mise en place d’un système bipolaire public-privé a été recommandée par la Commission de 2004. Idem pour la réforme paramétrique du régime des pensions civiles appliquée en 2016 et qui a permis de prolonger l’horizon de viabilité du système de retraite de 2022 à 2027.
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Vers une réforme systémique
Le système de retraite actuel au Maroc est un système de répartition où les cotisations des travailleurs actifs sont utilisées pour payer les pensions des retraités. Ce système est confronté à de nombreux défis, notamment la faible participation des travailleurs au régime, le vieillissement de la population et la pression financière sur les finances publiques. Les régimes des retraites au Maroc feront également face à des signes de déficits globaux à partir de 2024. Dans une étude publiée récemment, des chercheurs de l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (INSEA) ont identifié des facteurs susceptibles d’affecter la durabilité du système de retraite, tels que le poids de l’emploi informel, le ratio démographique, le rendement des OPCVM et l’indice synthétique de fécondité.
En off, un cadre du département des Finances nous a expliqué que le gouvernement actuel tend à unifier les différents régimes de retraite en un seul régime universel. En unifiant les régimes de retraite, l’exécutif espère améliorer l’efficacité du système de retraite et réduire les coûts. Les objectifs sont multiples :
- instaurer un système de cotisations basé sur les revenus réels des travailleurs, ce qui garantira que des cotisations plus justes et plus équitables ;
- relever l’âge de départ à la retraite à 65 ans pour l’ensemble des travailleurs ;
- geler la valorisation des pensions pendant 10 ans ;
- augmenter le taux de cotisation dans le secteur privé.
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Un consensus à trouver
Le Comité chargé de la réforme des systèmes de retraite au Maroc prévoit de tenir une nouvelle réunion pour accélérer ses travaux, qui devraient se terminer en avril prochain. Le gouvernement Akhannouch a exprimé sa détermination à réformer le système de retraite en collaboration avec les partenaires sociaux. Plusieurs caisses de retraite connaissent un déficit technique, ce qui renforce la nécessité d’une réforme dans les plus brefs délais avant de voir certains organismes dans l’incapacité de verser les pensions des retraités.
Cependant, l’Union marocaine du travail (UMT), plus grande centrale syndicale au Maroc, a rejeté certaines propositions, telles que l’augmentation de l’âge de la retraite ou la réduction des pensions. Lors d’un précédent round du dialogue social tripartite, le secrétaire général de l’UMT, Miloudi Moukharik, s’était réjoui de l’approche du gouvernement qui invite les partenaires sociaux à négocier pour la réforme des caisses de retraite. Il avait souligné que la réforme ne doit pas préjudicier aux salariés qui paient régulièrement leurs cotisations. Moukharik avait estimé que les fonctionnaires n’ont pas contribué à la faillite de la CMR et des autres caisses de retraite, car ils ont payé leurs cotisations, contrairement à l’État qui n’a pas payé sa part patronale de 1960 à 2003. Le syndicaliste avait estimé que les salariés et les fonctionnaires ne devraient pas subir les conséquences de la mauvaise gestion des caisses de retraite, qui résulte d’un problème de gouvernance de leurs épargnes.
Mais il n’y a pas que ce problème de gouvernance. Les projections sur les réserves des caisses de retraite font peur au patronat. La Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) qui avait soutenu le gouvernement en 2016 en votant pour le relèvement de l’âge de départ à la retraite à 63 ans, estime à présent que la réforme paramétrique a atteint ses limites et qu’une réforme systémique des différentes caisses doit être appliquée. Bien qu’elle ne soit pas en faveur de l’unification de toutes les caisses en un seul pôle, l’organisation patronale suggère que l’on peut passer à une logique à deux pôles, public et privé, une fois que les caisses ont été réformées. La CGEM propose d’augmenter le seuil des cotisations de la CNSS de 6.000 DH actuellement à 8.000 DH, et de rééquilibrer les taux et les excédents.
Le Comité chargé de la réforme des systèmes des retraites doit conclure ses travaux au mois d’avril prochain. Différents scénarios de réforme des régimes de retraite et leur mise en œuvre seront présentés au Comité du dialogue social. Suivront des rencontres qui s’annoncent houleuses avec les représentants des centrales syndicales les plus représentatives et de la CGEM. Quoi qu’il en soit, le gouvernement Akhannouch se doit de faire avancer ce dossier rapidement au risque de voir les fonds de pension faire faillite. Les différents acteurs le savent très bien : l’horizon à court terme de la pérennité du système nécessite d’aborder en urgence et avec audace la problématique de l’épuisement des réserves. Les prochains rounds de dialogue social seront cruciaux. Que chaque partie assume sa responsabilité afin de préserver les droits et la dignité des pensionnaires actuels et ceux des générations futures.
Chronologie de la réforme des retraites au Maroc
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1990 : Déclenchement du processus de réflexion du groupe «Retraite» ;
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1997 : Mise en place par l’ex premier ministre, Abderrahmane El Youssoufi, du Comité des études actuarielles ;
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2000 : 1er rapport «Etat des lieux et des perspectives d’avenir» ;
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2001 : 2e rapport «Pistes et les scénarios de réformes» ;
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2003 : Dialogue social (colloque sur retraite) + mesures de redressement ;
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2004 : Création des Commissions nationale et technique et envoi du 1er rapport au 1er ministre ;
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2005 : Rapport de la Banque mondiale sur les projections de l’équilibre financier des régimes ;
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2010 : Finalisation du rapport d’étude sur la réforme globale par «Actuariat» ;
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2011 : Transfert du rapport d’étude pour consultation au Bureau international du travail ;
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2012 : Rapport final de la Commission technique soumis à la Commission nationale ;
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2012 : Rapport du Haut-Commissariat au plan (étude sur la soutenabilité du système de retraite) ;
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2013 : Rapport de diagnostic de la Cour des comptes ;
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2014 : Adoption du système des deux pôles + réforme paramétrique ;
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2014 : Réunion de la Commission technique pouf étudier la situation financière du Régime des pensions civiles ;
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2014 : Saisine du Conseil économique et social concernant les projets de lois relatifs au Régime des pensions civiles ;
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2016: Adoption des projets de loi sur le Régime des pensions civiles, les indépendants et la pension minimale.
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