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Réforme de la politique pénale : premier pas, l’adoption de peines alternatives

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Prison (image d'illustration) © DR

Le Conseil de gouvernement, réuni jeudi à Rabat, a adopté le très attendu projet de loi n°43.22 relatif aux peines alternatives, dans sa nouvelle version, présenté par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, le 4 mai dernier. Le projet de loi prévoit trois catégories de peines alternatives : les travaux d’intérêt général, la surveillance électronique et enfin la restriction de certains droits parallèlement à l’imposition de certaines mesures de contrôle, d’hospitalisation ou de rééducation. Les «amendes journalières» proposées et défendues par Ouahbi, comme alternative aux peines privatives de liberté, ont finalement été abandonnées dans la nouvelle mouture du texte.

Très attendu depuis 2013, le projet de loi n°43.22 relatif aux peines alternatives (PA), adopté jeudi en Conseil de gouvernement, marque un jalon important dans le processus de réforme de la politique pénale. En effet, comme l’a souligné le ministre délégué chargé des relations avec le parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baïtas, ce projet de loi constitue «une étape importante qui renforce la réputation du Maroc en tant que pays pionnier dans la défense des droits de l’Homme».

Le texte, rappelons-le, avait déjà été présenté le 4 mai dernier pour adoption par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, mais l’exécutif avait décidé de reporter son examen tout en ordonnant la création d’une commission présidée par le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et en regroupant tous les acteurs concernés pour approfondir l’examen du texte.

Après avoir rappelé le discours prononcé par le Souverain à l’occasion du 56ᵉ anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple en 2009, dans lequel le Roi avait appelé à développer des modes alternatifs de règlement des différends comme la médiation, l’arbitrage et la conciliation et d’appliquer les peines de substitution, le porte-parole a souligné que le gouvernement franchit pour la première fois cette étape majeure de réforme.

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Le projet, qui ambitionne accompagner les évolutions que connaît le monde dans le domaine des libertés et des droits généraux, prévoit ainsi une série de sanctions substitutives à l’incarcération. Le but étant d’introduire ces amendements pour le maintien d’un équilibre entre les droits de l’Homme et les droits de la société.

Ce projet de loi comprend des dispositions objectives, inscrites dans le cadre des principes généraux contenus dans le code de la procédure pénale, ainsi que d’autres dispositions de forme relatives à l’exécution des peines, selon les règles de la procédure pénale. Il prévoit une série de peines alternatives adoptées, après avoir pris connaissance de plusieurs expériences comparées, tout en prenant en considération les spécificités de la société marocaine.

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Selon le projet de loi 22-43, les peines alternatives sont donc les sanctions prononcées en remplacement d’une peine privative de liberté en cas de délit puni par une peine d’emprisonnement ne dépassant pas 5 ans. Le but étant que celles-ci soient efficaces et applicables et puissent réaliser l’objectif escompté.

Après le feu du vert de l’exécutif, ce projet de loi devra être examiné par les deux Chambres du Parlement.

Atténuer la surpopulation carcérale

Ce projet de loi est tout d’abord une solution au surpeuplement des prisons. Mustapha Baïtas a précisé, répondant aux questions des journalistes lors d’un point de presse tenu à l’issue de la réunion hebdomadaire du Conseil de gouvernement, que le texte vise à freiner le phénomène du surpeuplement des prisons dans le souci de rationaliser les dépenses afférentes. Et de saluer par là même, le courage et l’audace de l’Exécutif qui a pu promulguer ce texte de loi en un court délai.

«Les statistiques relatives à la population carcérale militent pour l’adoption de cette nouvelle approche. Selon les données datant de 2020, plus de 44,97% des détenus se trouvant dans les prisons marocaines purgent des peines ne dépassant pas un an», précise le préambule du projet de loi.

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La mise en place d’alternatives aux peines privatives de liberté de courte durée permet, de plus, de limiter leurs effets négatifs et favoriser la qualification des bénéficiaires et leur insertion dans la société. Ainsi, les peines alternatives retenues se déclinent en trois grandes catégories, à savoir les travaux d’intérêt général, la surveillance électronique et enfin la restriction de certains droits, parallèlement à l’imposition de certaines mesures de contrôle, d’hospitalisation ou de rééducation.

L’option «des amendes journalières» comme alternative aux peines privatives de liberté n’a, elle, pas été retenue dans la nouvelle mouture du texte. Cette solution, défendue par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, et qui avait suscité une vive controverse suite à sa proposition, prévoyait le paiement d’amendes journalières comprises entre 100 et 2.000 DH, selon l’appréciation du juge, pour chaque jour couvert par la durée d’incarcération, à condition que la durée ne dépasse pas deux ans.

Les peines alternatives représentent, tel qu’expliqué par Baïtas, une aubaine pour le juge, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire. Si ce dernier estime que le coupable d’un délit, dont la peine initial n’excède pas 5 ans, peut se réinsérer dans la société, il peut mettre en application ces peines alternatives, à la lumière d’une procédure judiciaire à suivre, jusqu’à ce que toutes les voies contentieuses soient épuisées.

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Dans des déclarations au journal télévisé d’Al Aoula, le ministre de la Justice a précisé, que «c’est au juge que revient l’autorité de décréter la peine alternative au profit d’un détenu : elle n’est pas automatique ou mécanique», mais intervient à la suite de l’examen de la demande du requérant.

Mustapha Baïtas a expliqué de plus que «la mise en exécution des peines alternatives sera assurée par la Délégation générale de l’Administration pénitentiaire et de la Réinsertion (DGAPR), sous la supervision du juge, ainsi que du ministère public.»

À noter que les affaires liées au terrorisme, au trafic international de stupéfiants et de psychotropes, à la traite des êtres humains, au viol, à la sûreté de l’État, au détournement de fonds, à la trahison, à la corruption, à l’abus d’influence, au détournement des deniers publics, au blanchiment d’argent et à l’exploitation sexuelle de mineurs ou de personnes en situation de handicap, ne peuvent faire l’objet de peines alternatives, a détaillé le porte-parole. Il en est de même pour les cas de récidive.

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PA 1 : Travaux d’intérêt général

Le nouveau projet prévoit la notion du travail d’utilité publique. La première peine alternative à l’incarcération consiste, en effet, pour le condamné, dont la peine d’emprisonnement initial ne dépasse pas 5 ans et s’il est âgé d’au moins quinze ans à la date du verdict, à accomplir des travaux d’intérêt général (TIG). En vertu de cette peine, l’individu doit travailler gratuitement, pendant une durée fixée par le juge, au sein d’une structure agissant dans l’intérêt collectif.

Les mineurs (moins de 15 ans) sont exclus de l’accès à cette peine, sauf si le tribunal décide une peine d’emprisonnement correspondant à l’article 482 du Code pénal. Le mineur pourra dans ce cas demander à lui substituer une peine de travail d’intérêt public.

Le projet précise que le travail d’utilité publique est «non rémunéré» et pourrait être au bénéfice de l’État, des institutions ou instances de protection des droits, des libertés et de la bonne gouvernance, des établissements publics, des associations caritatives des établissements, des ONG, des organismes non gouvernementaux ou encore des lieux de culte. La durée globale des travaux varie entre 40 et 1.000 heures selon la décision du magistrat, avec un plafond d’heures ne dépassant pas deux heures par jour – une durée équivalente à un jour d’emprisonnement -.

Le texte ajoute que le juge peut prendre en considération dans la fixation du travail d’intérêt public la compatibilité avec la profession ou le métier du condamné. La peine alternative peut ainsi être complémentaire à l’activité professionnelle ou artisanale habituelle de l’intéressé.
Le texte insiste par ailleurs sur la nécessité pour le condamné d’écouler ses heures de travail au bout d’un an, qui pourra être renouvelé par le juge. Autrement, si le volume d’heure n’est pas respecté, le magistrat est habilité à annuler la peine alternative et à condamner l’individu à purger le reste de sa peine en prison, après en avoir défalqué le nombre de jours travaillés.

PA 2 : Surveillance électronique

Par ailleurs, le tribunal peut appliquer la surveillance électronique comme alternative à la peine privative de liberté. Pour ce qui est de cette seconde peine alternative proposée dans le texte, c’est une mesure d’aménagement de peine permettant d’exécuter une peine d’emprisonnement sans être incarcéré. Elle peut être décidée dans le cadre d’une libération sous contrainte ou dans le cadre d’une assignation à résidence.

En effet, le lieu et la durée de la surveillance électronique sont déterminés par le tribunal, en prenant en compte la gravité du crime, la situation personnelle et professionnelle du condamné et la sécurité des victimes.
Selon le projet de loi, la surveillance du condamné et de ses déplacements se fait par voie électronique en utilisant une ou plusieurs des méthodes de surveillance électronique agréées, notamment le bracelet électronique fixé au poignet ou à la cheville du condamné.

L’adoption de cette peine alternative permet de réaliser un grand équilibre entre le respect des droits et libertés des individus et le devoir de préserver l’intérêt général qui «impose» à l’État de prendre des sanctions à l’encontre de l’auteur du crime. Si les méthodes de gestion de ce bracelet électronique et les dépenses afférentes à son application n’ont pas encore été déterminés, le projet de loi indique qu’un décret sera ultérieurement adopté pour préciser ces points.

PA 3 : Restriction de certains droits

S’agissant de la troisième catégorie de peines alternatives, elle couvre les mesures de contrôle, de réparation ou de réhabilitation. Concrètement, le texte précise que le tribunal peut restreindre certains droits ou imposer des mesures de contrôle, thérapeutiques ou de réhabilitation comme alternative à la privation de liberté, tout en stipulant que le condamné doit prouver qu’il est prêt à corriger son comportement et se préparer à sa réinsertion.

Ainsi, le condamné peut se voir imposer l’exercice d’une activité professionnelle ou la poursuite d’une étude ou d’une qualification professionnelle déterminée. Le but est de contribuer à orienter le mis en cause vers une réinsertion à travers des formations à des professions et des métiers compatibles avec ses capacités cognitives ou à travers le suivi d’études ou de formation spécifique. Le texte a stipulé l’obligation pour le condamné de passer un examen afin d’évaluer sa disposition à corriger son comportement et à réintégrer la société.

Le projet de loi a également prévu, dans le cadre de cette catégorie de peines alternatives, l’assignation à domicile ou la détermination d’un lieu de résidence pour le condamné qu’il ne peut quitter ou qu’il peut quitter uniquement à certains horaires. Le texte prévoit en plus que le condamné soit sollicité pour se présenter à des dates et heures fixes auprès de l’administration pénitentiaire, de la police, de la gendarmerie ou d’un bureau d’assistance sociale au niveau du tribunal.

Le magistrat pourra en outre contraindre le condamné à s’engager à ne pas harceler ou contacter les victimes de son crime par quelque moyen que ce soit, et à ce que le condamné suive un traitement psychologique ou anti-addiction et à verser une indemnisation ou une réparation pour les dommages résultant de son délit.

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