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Depuis le mandat d’Ahmed El Midaoui (2003-2012), la Cour des comptes s’est transformée en réelle institution, scrutant la gouvernance et les finances publiques du pays et rompant avec le discours gouvernemental et les rapports incolores et indolores d’avant. Lanceuse d’alerte ou justicière, la Cour des comptes a adopté un langage franc et tellement direct qu’on aurait cru, à l’époque, lire un dossier d’un journal indépendant plutôt qu’un rapport officiel.
Le séisme politique de 2017, après l’investigation de la Cour des comptes sur le programme de développement « Al-Hoceima : Manarat Al Moutawassit », avait redoré le blason de l’ex-président de la cour, Driss Jettou, accusé pendant les premières années de son mandat (2012-2021) de produire des rapports insipides.
Sous Zineb El Adaoui, l’institution semble s’attacher à la transparence avec une nouvelle approche dans les actions de contrôle opérées par ses magistrats, même s’ils ne pointent pas nommément les responsables des dysfonctionnements constatés. Quoi qu’il en soit, les rapports de la cour continuent de susciter les débats et d’intéresser les citoyens à la chose publique. Ce rendez-vous annuel est aussi devenu un moment d’angoisse pour les décideurs et gestionnaires des établissements et entreprises publics.
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Un rapport innovant
Les principaux axes du rapport annuel de la Cour des comptes au titre de l’exercice 2021 ont été publiés en arabe et en français sur le site officiel de l’institution, alors que le rapport complet n’est disponible qu’en arabe sur le site du secrétariat général du gouvernement (Bulletin officiel du 7 mars 2023). Le document présente cette année une innovation majeure : le deuxième chapitre dévoile l’avancée de cinq grands chantiers de réformes structurelles mises en place ces dernières années. Ces chantiers visent notamment les finances publiques, les établissements et entreprises publics (EEP), l’investissement, la fiscalité et la protection sociale.
S’agissant des finances publiques, la cour a proposé des mécanismes de contractualisation entre le ministère de l’Économie et des Finances et les autres départements gouvernementaux pour améliorer leur performance. Il faudrait mettre en place des prérequis pour renforcer la performance, comme la mise en place de fonctions organisationnelles telles que le contrôle de gestion et le contrôle interne, ainsi que le renforcement des capacités avec des ressources humaines appropriées pour soutenir cette réforme.
Pour ce qui est de la certification des comptes de l’État, confiée à la Cour des comptes en vertu de la loi organique relative à la loi de finances, le rapport a indiqué que la cour a progressivement reçu les composantes du compte général de l’État depuis mai 2022. Elle souligne la nécessité de mettre en place des mécanismes de coordination entre les intervenants impliqués dans l’élaboration des comptes, de renforcer les systèmes de contrôle interne et de garantir la complémentarité et l’interopérabilité des systèmes d’information.
Les mesures de restructuration des EEP à enjeux économiques et sociaux, conclues avec l’État dans le cadre de contrats-programmes, doivent être déployées. C’est le constat fait par la cour qui suggère de définir une composition cible de la restructuration du portefeuille public et d’accélérer la mise en place de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État et du Fonds Mohammed VI pour l’investissement. La Cour recommande également l’adoption d’un programme pluriannuel de restructuration pour les EEP. Ce dernier peut inclure des formes de restructuration telles que la consolidation, la fusion, le transfert au secteur privé, l’ouverture de capital, la liquidation et le partenariat public-privé.
En ce qui concerne la réforme du système d’investissement au Maroc, le rapport de la Cour des comptes préconise une analyse des rôles des différents acteurs institutionnels impliqués, la consécration du rôle des Centres régionaux d’investissement (CRI) et la mise en place d’un plan d’action pour améliorer l’environnement des affaires. La Cour souligne toutefois que la mise en œuvre opérationnelle des mesures en cours est entravée par plusieurs obstacles, notamment la complexité des procédures administratives et les difficultés liées à la mobilisation du foncier destiné à l’investissement. La nouvelle Charte de l’investissement pourrait toutefois changer la donne une fois qu’elle sera totalement mise en œuvre.
Autre volet important passé sous la loupe du staff de la cour, la réforme fiscale dans sa globalité. Plusieurs recommandations ont été émises :
- la mise en place d’une feuille de route opérationnelle pour la refonte de la fiscalité des collectivités territoriales et la parafiscalité ;
- la poursuite des efforts pour la mise en œuvre des réformes de l’Impôt sur le revenu (IR) et de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), avec des échéanciers clairs et une communication transparente sur l’impact budgétaire ;
- l’évaluation régulière de l’impact des réformes fiscales sur les finances publiques et sur les bénéficiaires des politiques publiques.
Pour ce qui relève de la protection sociale, la cour note que malgré certains progrès, la viabilité du régime de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) n’est pas garantie. Le financement actuel repose sur les cotisations et sur une prise en charge de l’État pour les personnes ne pouvant pas s’acquitter des frais. La généralisation de l’AMO est conditionnée à une amélioration de l’hôpital public. Cependant, la réalisation de ces objectifs est menacée par plusieurs facteurs tels que le prolongement des délais pour la couverture effective, le taux de couverture effectif des frais de santé et le retard du déploiement du Registre social unifié (RSU). En conséquence, la Cour des comptes recommande l’adoption rapide des amendements nécessaires à la législation en vigueur, ainsi que la mise en place de mécanismes de financement pérennes et l’accélération du développement des structures de soins et des ressources humaines pour améliorer l’offre de soins dans le secteur public.
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Le gouvernement à l’écoute de la Cour des comptes
Le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, l’a promis. Le gouvernement travaillera sur la mise en œuvre progressive des différentes recommandations contenues dans le rapport de la Cour des comptes. «Le gouvernement est en train d’examiner ce rapport, qui s’inscrit dans le cadre des efforts du Maroc visant à contrôler la gestion publique et qui converge avec les efforts de l’exécutif en matière de lutte contre la corruption», a indiqué Baitas lors du point de presse tenu mercredi à l’issue de la réunion hebdomadaire du Conseil de gouvernement. Le porte-parole du gouvernement a expliqué, dans ce contexte, que le gouvernement prendra en considération les recommandations relatives à l’amélioration de la gestion publique, adressées à tous les départements gouvernementaux inclus dans le rapport.
Par le passé, sur les 3.788 recommandations formulées par la Cour des comptes et les Cours régionales des comptes dans le cadre des missions de contrôle menées en 2018, un taux de mise en œuvre de plus de 89 % a été enregistré. Le staff de Zineb El Adaoui soutient que la qualité des recommandations et le suivi de leur mise en œuvre sont l’une des orientations stratégiques pour la période 2022-2026. Elle a ainsi développé une plateforme numérique pour assurer un suivi instantané et efficace des recommandations et faciliter la communication et l’interactivité entre la Cour et les organismes concernés.
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Mais bien que la Cour des Comptes se réjouisse du fait que la majorité de ses recommandations ont été suivies par l’exécutif, le tissu associatif affirme que ce chiffre est trompeur, car les recommandations suivies sont généralement mineures et techniques. Selon les militants pour la protection des biens publics, « bonne gouvernance, transparence et reddition de comptes » sont de simples slogans puisque, jusqu’à présent, aucun ministre n’a été questionné par le chef du gouvernement ou devant le Parlement ni poursuivi devant une juridiction financière. Et de conclure que les rapports de la Cour des comptes n’ont aucun impact sur le quotidien des Marocains puisqu’ils n’ont même pas réussi à freiner la corruption.
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La Cour des comptes a un rôle crucial à jouer dans le contrôle des deniers publics pour éviter les dérives d’une mauvaise gouvernance voire la dilapidation. C’est un travail important sur la voie démocratique garantissant à l’État sa continuité et sa survie indépendamment du gouvernement. Cependant, à quelques exceptions près, les actions de la Cour des comptes et des Cours régionales demeurent limitées. Les obstacles peuvent être liés à des problèmes juridiques, organisationnels ou à un manque de ressources humaines.
La frustration des citoyens envers cette institution est compréhensible. Malgré la qualité de son travail, les Marocains se demandent à juste titre à quoi sert vraiment la Cour des Comptes. Tant que ses rapports ne sont pas contraignants, son impact sur la vie publique restera limité.
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