Comme chaque année pendant le mois sacré, la fièvre acheteuse s’est emparée des Marocains. Tous les secteurs économiques, tels que l’agroalimentaire, le tourisme, l’habillement et le divertissement sont touchés par cet afflux de dépenses. Au fil des années, le Ramadan est devenu un événement commercial crucial pour les entreprises et certains métiers saisonniers. Florilège.

«Depuis trois jours, mon budget quotidien est passé à 400 DH. Je n’ai pas le choix, toute ma petite famille, enfants et petits-enfants, prennent le ftour chez nous», raconte fièrement Fouad Samouh, rentier vivant à Mohammedia. Pour lui, qu’importe les dépenses, ce mois est un moment de joie et de communion. Fouad n’est pas le seul à penser ça. Malgré la hausse des prix des denrées alimentaires, la consommation atteint des niveaux records pendant le Ramadan. Certains chefs de famille vont jusqu’à s’endetter pour se faire plaisir durant ce mois. Les campagnes publicitaires utilisant le neuromarketing renforcent cette tendance en stimulant le système de récompense chez les jeûneurs.

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Plaisirs gourmands

Loin des objectifs escomptés du jeûne au niveau spirituel, se gaver de nourriture pendant la nuit pour compenser les heures de jeûne devient un leitmotiv. Aussi, les ménages, quelle que soit leur classe sociale, préfèrent acheter des produits prêts à consommer. Les femmes travaillant et la difficulté d’allier travail et maison sont également des facteurs qui encouragent l’achat de ces produits. Les métiers de bouche deviennent naturellement les plus en vue pendant ce mois. Il suffit de faire un tour au marché pour constater qu’il est bondé dès le matin malgré le jeûne et le manque de sommeil. Les montagnes de mets sucrés et salés, particulièrement appréciées pendant le jeûne, sont proposées par des ménagères reconverties en travailleuses saisonnières afin de tirer un maximum de profits pendant ces 29 ou 30 jours bénis. Leurs marchandises sont posées sur de petits présentoirs ou à même le sol.

Dans un marché populaire pendant le mois de Ramadan © AFP

Des personnes plus organisées tiennent des stands et font travailler toute leur famille pour produire des quantités plus importantes et satisfaire tous les goûts et toutes les bourses. Les petits métiers qui apparaissent durant ce mois sacré sont légion, allant de la confection de feuilles de pastilla à la cuisine de la harira, en passant par la pâtisserie qui est l’activité qui marche le plus en cette période.

Les entreprises structurées se frottent les mains. Boulangers, pâtissiers et traiteurs ont recours à une main-d’œuvre occasionnelle pour répondre à la demande. Des « petites mains » sont appelées en renfort pour aider dans les fourneaux ou pour servir les clients. Les salaires pour ces travailleurs peuvent atteindre jusqu’à 5.000 DH pour un mois de travail alors que d’autres sont payés à la tâche. Pour les pâtissiers et les traiteurs, le mois de Ramadan représente le mois le plus rentable de l’année. Les grandes enseignes ont une augmentation de chiffre d’affaires de 10 à 30%, tandis que pour certains traiteurs qui approvisionnent les grandes surfaces, l’augmentation peut aller jusqu’à 50%.

Les jeunes étudiants ou sans emploi ne manquent pas l’occasion du mois sacré pour se faire de l’argent. L’activité la plus prisée est celle de la vente de jus d’orange. Une rallonge tirée de la maison, un presse-agrume, des bouteilles en plastique et le tour est joué. Le litre de jus d’orange est vendu aux alentours de 20 DH. De quoi se faire une bonne somme d’argent jusqu’à la fin du Ramadan.

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Haro sur la spéculation

Les Marocains en ont ras-le-bol des spéculateurs qui font flamber les prix des denrées alimentaires et ne visent que le profit. Dans un prêche unifié le 17 mars, les khatibs ont insisté lors de la prière du vendredi sur la nécessité de faire face à la spéculation, une pratique prohibée par l’Islam. En début de semaine, les parlementaires ont interpellé le gouvernement à ce sujet, l’invitant à prendre des mesures pour faire face à cette pratique et protéger le pouvoir d’achat des citoyens. Si le gouvernement tarde à agir, les députés sont prêts à soumettre une proposition de loi en ce sens, estimant que le fait d’augmenter les prix équivaut à une forme de chantage envers les citoyens et le gouvernement. Pour les élus, il est temps de mettre fin à ce mépris envers les Marocains et d’adopter des mesures efficaces pour protéger les consommateurs.

Ftour à l’extérieur

Il y a encore quelques années, les Marocains ne rompaient le jeûne qu’à la maison, sauf dans certains cas, comme les personnes qui travaillent loin de chez eux ou les voyageurs. Les voisins étaient solidaires et partageaient leur nourriture avec ceux qui ne pouvaient pas passer le Ramadan avec leur famille. Mais les temps ont changé et la rupture du jeûne en dehors de la maison est devenue une pratique courante chez les Marocains. Au Maroc, de plus en plus d’hôtels et de restaurants proposent des menus « spécial ftour » ou des buffets à des prix allant de 200 DH à plus de 850 DH par personne, ce qui est excessivement cher. Un business juteux qui a permis à certaines enseignes de poursuivre leur activité pendant le mois de jeûne alors qu’elles fermaient boutique auparavant.

Certains bistrots et autres pubs n’hésitent pas à proposer des ftours en famille ou entre amis pendant tout le mois de Ramadan. D’autres ont ciblé les entreprises pour des ftours corporate ou des team buildings ramadanesques. Des tournois de rami (jeu de cartes) sont aussi organisés durant les soirées ramadanesques.

Pour les petits budgets, un ftour à la plage ne coûtera pas plus cher que chez soi. Il suffit de louer des tables et des chaises. Un business qui se développe, surtout après la fin de la pandémie.

Animation nocturne

Tout au long de ce mois sacré, les professionnels de l’événementiel proposent une programmation diversifiée pour tous les goûts, offrant des spectacles spéciaux alliant célébration, musique spirituelle et humour. L’engouement pour les sorties nocturnes est bien réel. L’offre est assez variée, ce qui pousse les organisateurs à être créatifs pour se distinguer. Bazars, expositions et défilés d’habits traditionnels sont aussi très appréciés. Il y a aussi un intérêt pour les événements institutionnels ou corporates tels que les ftours organisés par les entreprises pour leurs équipes et leurs clients, ainsi que les rencontres (débat ou conférence) qui se déroulent avant le crépuscule pour finir par un iftar. Une aubaine pour les professionnels de l’événementiel qui souffrent d’une pause pour les congrès, séminaires et salons durant ce mois.

Image d’illustration © DR

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Le mois de l’électoménager

Malgré l’inflation galopante et les perturbations des approvisionnements, le secteur de l’électroménager, petit et gros, connait une demande croissante. Le mois de Ramadan est particulièrement propice pour dynamiser ce secteur. Les distributeurs et vendeurs multiplient les annonces et les formules incitatives pour satisfaire la demande croissante à travers des packs promotionnels. Pendant ce mois sacré, les principales ventes enregistrées sont celles du petit électroménager de cuisine.

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«Les ménages renouvellent leurs mixeurs, hachoirs électriques, cafetières, pétrins, robots de cuisine, etc. Certains optent aussi pour l’achat d’un nouveau téléviseur mais c’est moins important en termes de volume», précise Kamal Bouchtioui, chef du rayon électroménager dans une grande surface à Marrakech. Cependant, notre interlocuteur a fait le constat d’une nouvelle tendance : les consommateurs se tournent vers le marché de l’occasion en ligne pour acheter ou vendre des équipements en dépensant moins, par souci d’économie.

La Omra du Ramadan

Le mois de Ramadan est un moment privilégié pour les fidèles qui souhaitent accomplir le rituel de la Omra. Les dépenses liées à ce rituel sont variables selon le niveau de confort souhaité et comprennent les coûts des vols, de l’hébergement et d’autres services. La Omra est une « Sunna » confirmée pour ceux qui en sont capables. Ce rituel peut être effectué tout au long de l’année, mais une Omra accomplie pendant le Ramadan a la même valeur qu’un Haj, sans le remplacer. Pour les jeunes et les moins jeunes, le rituel de la Omra pendant le Ramadan est une expérience spirituelle unique, surtout après la levée de toutes les restrictions imposées précédemment par les autorités saoudiennes à cause de la pandémie de Covid-19. Cette année, une augmentation de plus de 30% est observée sur le coût de la Omra à cause d’une offre aérienne insuffisante et d’un hébergement plus cher.

Un groupe de voyageurs marocains à l’aéroport dans l’attente de s’envoler pour les Lieux Saints © DR

Les livres religieux, les tapis de prière et les tenues traditionnelles sont également des articles phares pour le commerce durant ce mois. Par ailleurs, au-delà du business, la générosité et la solidarité sont de mise. En témoigne l’augmentation des transferts d’argent effectués par les Marocains résidant à l’étranger (MRE) pendant cette période. Selon une étude de Western Union, 30% des Maghrébins envoient de l’argent dans leur pays d’origine à l’occasion du mois sacré.

Le Ramadan est un mois de piété, de réflexion et de purification spirituelle. Faire des affaires pendant ce mois de jeûne est une chose. Chercher à en tirer profit de manière inappropriée en est une autre. Il est donc essentiel pour les entreprises et commerçants de ne pas dénaturer l’esprit du Ramadan en utilisant des stratégies de marketing ou de vente agressives. Les pratiques commerciales abusives doivent être évitées. En respectant l’esprit et les valeurs du Ramadan, les entreprises peuvent renforcer leur image de marque et leur réputation en tant qu’acteurs responsables et engagés dans la société.

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