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Quel avenir pour la filière oléicole ?

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Face au réchauffement climatique, qui affecte les récoltes et fait bondir les prix, les professionnels de l’huile d’olive tirent la sonnette d’alarme. Encore une fois, l’année 2024 a été particulièrement difficile pour les producteurs en raison de la sécheresse prolongée qui a sévi dans tout le Royaume. Nos oliviers ne supportent pas vraiment les changements de température. Les explications de Rachid Benali, président de la Fédération interprofessionnelle marocaine de l’olive (Interprolive).

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La filière oléicole traverse une période de crise sans précédent. Après six années consécutives de sécheresse, la production d’huile d’olive, autrefois un pilier de l’agriculture marocaine, se trouve aujourd’hui en grande difficulté. Les effets du changement climatique, combinés à une hausse spectaculaire des coûts de production, ont provoqué une augmentation des prix de vente, impactant durement les producteurs et les consommateurs.

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La sécheresse a eu des effets dévastateurs

Les six dernières années de sécheresse ont laissé des cicatrices profondes sur le paysage agricole marocain, particulièrement pour les oliveraies. «Les arbres ont subi un coup terrible», nous dit Rachid Benali. Les effets de la sécheresse sont visibles dans les deux principaux types de cultures : les secteurs en bourre (pluviaux) et les secteurs irrigués.

Dans les zones irriguées, deux situations se dessinent. «Certains producteurs continuent d’avoir accès à l’eau, ce qui leur permet de maintenir leur production à un niveau acceptable, bien que réduit. Mais pour d’autres, l’accès à l’eau est devenu un défi insurmontable», explique notre interlocuteur qui ajoute : «Les puits sont à sec, les périmètres d’irrigation sont en panne, et les arbres souffrent énormément, au point d’être desséchés et quasiment perdus. Les arbres qui ne sont pas complètement morts ne produisent plus du tout».

Mais la sécheresse n’est pas le seul facteur en jeu. Le manque d’heures de froid, important pour la floraison des oliviers, a exacerbé la situation. «Un olivier a besoin d’heures de froid pour fleurir correctement, et cette année, ces heures ont été insuffisantes», explique le président d’Interprolive. La conséquence directe a été une floraison médiocre, aggravée par des températures exceptionnellement élevées pendant cette période critique. «Ces températures ont entraîné la chute des fleurs et des jeunes fruits, ce qui a lourdement impacté la production de cette année», poursuit-il.

Résultat : une production d’huile d’olive dramatiquement réduite pour l’année en cours. La combinaison de la sécheresse, du manque d’heures de froid, et des vagues de chaleur a fait des ravages. Les rendements sont en chute libre, et les perspectives pour les années à venir sont tout aussi préoccupantes.

Une spirale de coûts qui menace la viabilité des exploitations

En plus des conditions climatiques difficiles, les producteurs d’olives doivent faire face à une explosion des coûts de production. «Les intrants agricoles ont vu leurs prix augmenter de manière significative», indique Rachid Benali. Il explique que cette hausse des coûts concerne presque tous les aspects de la production, de l’irrigation à la récolte.

L’irrigation, en particulier, est devenue un poste de dépense beaucoup plus important. «Habituellement, l’irrigation est nécessaire pendant quatre à cinq mois de l’année. Mais avec la sécheresse prolongée, les producteurs ont dû irriguer pendant sept à huit mois, ce qui a considérablement augmenté les coûts», dit-il. Cette hausse est d’autant plus marquée que les niveaux d’eau dans les puits ont baissé, obligeant les agriculteurs à pomper l’eau à des profondeurs bien plus importantes. Au lieu de pomper à 100 mètres, ils doivent maintenant aller chercher l’eau à 200 ou 300 mètres de profondeur, ce qui fait logiquement exploser les coûts énergétique.

La récolte, elle aussi, est devenue plus coûteuse. «Le coût de la main-d’œuvre a augmenté car les rendements sont en baisse. Un ouvrier qui récoltait autrefois 100 kilos d’olives ne parvient plus qu’à en récolter 20 ou 30 kilos. Le travail est le même, mais la productivité est moindre, ce qui augmente les coûts par kilo produit», affirme Benali. Pour les charges fixes, telles que le loyer des terres, elles restent quant à elles inchangées, indépendamment de la production. Que la récolte soit bonne ou mauvaise, les frais de location des terres, les coûts des engrais et autres intrants agricoles restent les mêmes, ce qui met donc en péril la viabilité économique des exploitations.

Cette spirale de coûts a des répercussions directes sur les prix de vente de l’huile d’olive. «Les coûts de production ayant augmenté, les prix de vente de l’huile d’olive ont également grimpé en flèche», explique Benali. Les consommateurs ressentent fortement cette hausse, tandis que les producteurs, malgré ces augmentations, peinent à maintenir leur rentabilité. «Même avec des prix plus élevés, les marges restent serrées en raison des coûts exorbitants de la production», assure ce professionnel.

Quelles solutions pour un secteur en détresse ?

Face à cette situation critique, le secteur est en quête de solutions urgentes pour éviter un effondrement total. «La seule chose que nous demandons, c’est de permettre davantage de lâchers d’eau et d’autoriser des forages plus profonds pour tenter de sauver les arbres», plaide Rachid Benali, qui fait savoir que la perte d’un arbre est dramatique, car il faut cinq ans pour le remplacer, ce qui représente une perte économique énorme pour les agriculteurs.

En outre, les aides gouvernementales s’avèrent essentielles pour soutenir les producteurs en difficulté. «Il est important de fournir des subventions pour le remplacement des arbres perdus et pour améliorer l’accès à l’eau», indique-t-il. En parallèle, le développement des infrastructures hydrauliques est, lui aussi, indispensable pour garantir une production durable à long terme. «Nous devons investir dans la construction de barrages colinéaires et dans des transferts d’eau entre bassins pour mieux gérer les ressources disponibles», suggère notre interlocuteur.

À cela s’ajoute le dessalement de l’eau qui est également une piste à explorer, bien qu’il ne constitue pas une solution immédiate, selon Benali. «Le dessalement pourrait soulager la pression sur les réserves d’eau douce, mais il faudra attendre encore trois ans avant que ces infrastructures soient opérationnelles», note-t-il, tout en insistant sur le fait de mieux répartir l’eau disponible entre les besoins en eau potable et ceux de l’agriculture. «Le discours du roi Mohammed VI était clair : il faut accorder une importance égale à l’eau pour l’irrigation et pour l’eau potable. L’agriculture est essentielle pour garantir la sécurité alimentaire du pays», rappelle-t-il.

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L’importation, une solution temporaire ?

L’importation d’huile d’olive est envisagée comme une solution temporaire pour atténuer la flambée des prix qui frappe les consommateurs. «L’importation pourrait aider à baisser les prix, mais cela ne résoudra pas les problèmes des agriculteurs», avertit Rachid Benali. En effet, la production mondiale d’huile d’olive étant également en baisse, cette approche pourrait n’offrir qu’un répit limité.

Enfin, interrogé sur l’avenir de la filière oléicole, Benali estime que cela repose sur sa capacité à s’adapter aux nouvelles réalités climatiques et économiques. «Nous avons besoin de solutions à court terme pour surmonter la crise actuelle, mais aussi de stratégies à long terme pour garantir une production durable», souligne-t-il.

Cependant, malgré les défis considérables, Benali demeure optimiste quant à l’avenir de la filière. «Il y a des priorités dans la vie, et l’agriculture en fait partie. Nous devons trouver des solutions concrètes pour surmonter cette crise et espérer des jours meilleurs», conclut-il. Pour cela, le secteur oléicole marocain devra s’appuyer sur le soutien du gouvernement, sur des partenariats internationaux et sur des innovations technologiques.

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