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Que restera-t-il de la Palestine ?

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Des Palestiniens cherchent des victimes dans le camp de réfugiés de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, le 31 octobre 2023. © Anas al-Shareef / REUTERS

6 obus, chacun pesant une tonne d’explosifs, ont été largués cet après-midi même sur les camps de réfugiés de Jabalia et Nousayrat. Plus de 100 Palestiniens ont été tués et des centaines d’autres blessés. Alors qu’Israël agit dans l’impunité la plus totale, que «le monde a signé l’arrêt de mort des Palestiniens», existera-t-il encore une Palestine après ?

Cela fait près d’un mois que la guerre a éclaté au Proche-Orient. Tandis que les camions d’aide humanitaire entrent au compte-gouttes dans la bande de Gaza, les forces armées israéliennes poursuivent les bombardements. Sur le plan opérationnel, l’«activité offensive [dans la bande de Gaza] se poursuivra et s’intensifiera», ont fait savoir les Forces de défense israéliennes (FDI).

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Et malgré le «cessez-le-feu immédiat» approuvé par les Nations unies, vendredi dernier, il n’y aura pas de trêve. Car pour le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, Israël «n’acceptera[it] pas une cessation des hostilités avec le Hamas après les horribles attentats du 7 octobre», à l’image des «États-Unis (…) après le bombardement de Pearl Harbor ou après l’attaque terroriste du 11-septembre».

«Il y a un temps pour la paix et un temps pour la guerre»

Premières victimes de ces raids : les hôpitaux de Gaza sont pris pour cibles. Pour Israël, le mouvement se sert des centres de soins pour cacher des armes ou des combattants. Tsahal martèle depuis le début de l’offensive que les combattants du Hamas se cachent volontairement dans des structures jonchées de civils afin de les utiliser comme boucliers humains. Le mouvement palestinien a catégoriquement démenti ces allégations.

Et la nuit dernière, l’hôpital turco-palestinien, le «seul hôpital traitant le cancer à Gaza», a été endommagé par une frappe israélienne, a fait savoir son directeur. L’explosion a partiellement détruit deux pièces au troisième étage de l’hôpital, endommageant le système d’oxygène et l’approvisionnement en eau du bâtiment.

La structure, spécialisée dans le traitement du cancer, héberge actuellement de 100 à 150 patients, 200 membres du personnel et 100 personnes déplacées. «Par chance, personne ne se trouvait dans les chambres à ce moment-là», a déclaré le docteur Sobhi Skiek à l’agence de presse Associated Press. L’armée israélienne n’avait pas donné d’ordre d’évacuation avant la frappe.

Le Croissant-Rouge palestinien rapporte des «frappes d’artillerie et aériennes incessantes dans le quartier de Tal-Alhwa à Gaza où se trouve l’hôpital Al-Qods», relève l’organisation sur X (anciennement Twitter). «Le bâtiment tremble et les civils déplacés tout comme le personnel sont en proie à la peur et à la panique», s’alarme le Croissant-Rouge.

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Le Croissant-Rouge avait déjà fait part de bombardements dans cette zone dimanche soir. Le directeur de l’hôpital avait indiqué à l’Agence France-Presse avoir reçu l’ordre d’évacuer de la part de l’armée israélienne. Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait qualifié cet appel de «profondément préoccupant», estimant impossible d’évacuer un hôpital sans mettre la vie des patients en danger. «Nous réitérons qu’il est impossible d’évacuer des hôpitaux remplis de patients sans mettre leur vie en danger», avait écrit Tedros Adhanom Ghebreyesus sur X.

Outre des patients, le complexe hospitalier abrite 14.000 personnes venues s’y réfugier pour échapper aux frappes israéliennes, selon le Croissant-Rouge.

Le «grand déplacement»

Alors que l’objectif affiché par l’État hébreu est de «détruire» le Hamas en représailles à la «barbarie» commise le 7 octobre dernier, pour bon nombre d’analystes Israël chercherait bien plus que cela : éloigner les Palestiniens de la terre de l’historique Palestine.

C’est d’ailleurs un objectif sioniste de longue date. Et le 7 octobre dernier, l’attaque du Hamas contre les villes israéliennes proches de Gaza, aurait «un prétexte à une campagne de vengeance génocidaire sans précédent de la part d’Israël». À date, 8.300 Palestiniens, dont plus de 3.000 enfants, ont été massacrés.

Cette analyse a été massivement relayée ce week-end après que deux documents distincts – et attestés comme étant authentiques – soient parvenus aux médias.

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D’abord, un document de position élaboré par l’Institut Misgav pour la sécurité nationale et la stratégie sioniste, un think tank dirigé par Meir Ben Shabbat, ancien conseiller à la sécurité nationale de Benjamin Netanyahu et qui reste encore influent dans les cercles de sécurité israéliens, qui préconise la «relocalisation et l’installation définitive de l’ensemble de la population de Gaza». Le plan détaillé, publié initialement en hébreu, exprime clairement l’intention : «Il existe actuellement une opportunité unique et rare d’évacuer toute la bande de Gaza en coordination avec le gouvernement égyptien».

Le document déroule l’argumentaire suivant :

  • Il est nécessaire d’élaborer un plan immédiat et viable pour la réinstallation et la réhabilitation économique de l’ensemble de la population arabe dans la bande de Gaza, ce qui correspond bien aux intérêts géopolitiques d’Israël, de l’Égypte, des États-Unis et de l’Arabie saoudite.
  • En 2017, il y avait en Égypte 10 millions d’appartements disponibles, dont la moitié étaient construits et l’autre moitié en construction. Par exemple, dans deux des plus grandes villes satellites du Caire, « 6 octobre » et « 10 Ramadan », il y a un nombre immense d’appartements construits et vides appartenant à l’État et à des particuliers, ainsi que des terrains vides pour la construction qui suffiraient au total à construire des logements pour environ 6 millions d’habitants.
  • Le coût moyen d’un appartement de trois pièces de 95 mètres carrés pour une famille gazaouie moyenne de 5,14 personnes dans l’une des deux villes mentionnées s’élève à 19.000 dollars. En calculant la population totale résidant dans la bande de Gaza, qui compte entre 1,4 et 2,2 millions de personnes, il est possible d’évaluer que le montant qui devrait être transféré à l’Égypte pour financer ce projet serait d’environ 5 à 8 milliards de dollars.
  • Une injection encourageante de cette ampleur dans l’économie égyptienne apporterait un avantage énorme et immédiat au régime du [président égyptien] El-Sisi. De telles sommes d’argent, comparées à l’économie israélienne, sont infimes. Investir quelques milliards de dollars (même s’il s’agit de 20 ou 30 milliards) pour résoudre ce problème difficile est une solution innovante, peu coûteuse et viable.
  • Il ne fait aucun doute que pour que ce plan soit mis en œuvre, de nombreuses conditions doivent exister en parallèle. À l’heure actuelle, ces conditions existent et il est difficile de savoir quand une telle opportunité se présentera à nouveau, voire pas du tout.

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Après la publication initiale de ce document, le média israélien Calcalist a fait état d’un plan distinct de nettoyage ethnique de Gaza, daté du 13 octobre et diffusé par le ministère israélien des renseignements dirigé par Gila Gamliel. Le document divulgué, authentifié par un responsable au sein du département de Gamliel, aurait été créé par une organisation appelée «The Unit for Settlement – Gaza Strip» (traduisez, «L’Unité de colonisation – Bande de Gaza»). Il n’était pas «censé parvenir aux médias».

Saisir le momentum du 7 octobre

Ce document suggère que le déplacement forcé des civils de Gaza au Sinaï, de façon permanente, «donnerait des résultats stratégiques positifs et à long terme». C’est, selon le service, l’option privilégiée parmi les trois alternatives qu’il propose concernant l’avenir des Palestiniens de la bande de Gaza. Le document suggère également de promouvoir une campagne dédiée aux habitants de Gaza qui «les motivera à accepter le plan».

Le document consultatif envisage un processus en quelques étapes :

  • Ordonner aux civils palestiniens de quitter le nord de Gaza avant les opérations terrestres ;
  • Mener des opérations terrestres séquentielles du nord au sud de Gaza ;
  • Les routes traversant Rafah doivent rester dégagées ;
  • Établir des villes de tentes dans le nord du Sinaï et construire des villes pour réinstaller les Palestiniens en Égypte
  • Créer une zone stérile de plusieurs kilomètres à l’intérieur de l’Égypte et ne pas permettre à la population de retourner à ses activités ou à sa résidence à proximité de la frontière israélienne.
  • Ce qui suppose qu’il n’y aurait aucun retour des populations à Gaza.

Dans le même temps, les pays du monde entier, et en premier lieu les États-Unis, doivent être mobilisés pour mettre en œuvre cette démarche. Le document appelle en effet à la création d’une coopération avec autant de pays que possible afin qu’ils puissent accueillir les Palestiniens déplacés de Gaza et leur fournir des paniers d’absorption. Le Canada, les pays européens comme la Grèce et l’Espagne, ainsi que les pays d’Afrique du Nord sont mentionnés entre autres.

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Le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi s’oppose catégoriquement au déplacement forcé des habitants de Gaza vers le Sinaï et a déclaré qu’une telle décision transformerait le Sinaï en une base d’attaques contre Israël. Cependant, selon le document de Gamliel, en droit international, l’Égypte a l’obligation d’autoriser le transfert de population.

Le site hébreu Mekomit a, toutefois, souligné que les documents du ministère du Renseignement sont consultatifs et non contraignants pour l’exécutif. «L’existence du document n’indique pas nécessairement que ses recommandations sont prises en compte par le système de sécurité. Malgré son nom, le ministère du Renseignement n’est responsable d’aucun organisme de renseignement, mais prépare de manière indépendante des études et des documents politiques, qui sont distribués pour examen au gouvernement et aux organismes de sécurité, mais ne les engagent pas. Le budget annuel du bureau est d’environ 25 millions de shekels et son influence est considérée comme relativement faible», peut-on lire sur le média hébreu.

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