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Au Maroc, la généralisation de la protection sociale s’impose comme une réforme sociétale importante et un pilier essentiel de l’État social, visant à améliorer le fonctionnement de l’État providence et à promouvoir une plus grande inclusion socio-économique. Ce projet ambitieux nécessite une stratégie coordonnée qui équilibre l’élargissement de la couverture, l’amélioration de la qualité des services et la viabilité financière du système.
Récemment, le Policy Center for the New South (PCNS) et l’Agence française de développement (AFD) ont organisé un événement sous le thème «Protection sociale : solutions pour une couverture sanitaire universelle, durable et efficace». L’objectif était de discuter des défis de cette réforme et des stratégies de financement pour sa pérennisation. La rencontre a souligné l’importance de la protection sociale, notamment en réponse aux lacunes exposées par la pandémie de Covid-19, où les pays dotés de systèmes solides ont mieux géré la crise.
Sous l’impulsion du roi Mohammed VI, le Maroc s’engage à construire un État social robuste, répondant aux aspirations d’égalité des chances. Lors de l’événement, Karim El Aynaoui, président exécutif du PCNS, a mis en avant la nécessité de dispositifs adaptés pour soutenir cet État, de politiques macroéconomiques viables pour financer les dépenses, et de mesures fiscales équitables.
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Réforme sociale
L’ambition de mettre en place un système universel et durable de protection sociale au Maroc représente une avancée vers la construction d’un État social plus inclusif et équitable. Cette initiative, complexe et multidimensionnelle, s’articule autour de plusieurs axes stratégiques mais fait face à divers.
La réforme prévoit d’intégrer 22 millions de nouveaux bénéficiaires à l’assurance maladie obligatoire, d’étendre les allocations familiales à 7 millions d’enfants scolarisés, et d’augmenter le nombre de bénéficiaires de pensions de retraite à 5 millions de personnes supplémentaires. Pour réussir cette intégration massive, il est impératif de mettre en œuvre le Registre social unifié (RSU), un système d’information avancé qui permet d’identifier et de suivre les individus éligibles à l’assistance sociale. Cette mesure vise à garantir que les aides soient distribuées de manière ciblée et efficace, en évitant les exclusions et en maximisant l’impact social.
L’élargissement de la protection sociale implique des coûts supplémentaires. Pour y faire face, une stratégie de financement durable, basée sur une redistribution équitable des ressources, est nécessaire. Cela signifie que les individus et les entreprises avec une capacité de contribution plus élevée pourraient être appelés à supporter une part plus importante du financement de la protection sociale, dans un esprit de solidarité nationale.
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Gouvernance de la protection sociale
Un des principaux obstacles à l’efficacité du système est la fragmentation actuelle de la gouvernance de la protection sociale. Différents régimes existent pour les salariés du secteur privé, du secteur public, et pour les travailleurs non-salariés. Chacun possède ses propres règles et bénéfices. Pour remédier à cette situation, il est important d’unifier la gouvernance sous une seule autorité ou un cadre réglementaire commun. Cela aiderait à synchroniser les efforts, réduire les duplications et les inefficacités, et assurer une distribution plus homogène des services.
L’adhésion des travailleurs informels et des indépendants au nouveau système est essentielle pour sa réussite. Ces segments de la population sont souvent les moins protégés et les plus réticents à participer aux systèmes formels de protection sociale en raison de la perception des coûts et de la complexité des procédures. Des campagnes de sensibilisation et des incitations, telles que des tarifs préférentiels ou des procédures simplifiées, peuvent être nécessaires pour intégrer efficacement ces groupes.
La garantie d’un accès universel est fondamentale. Boutaina Falsy, consultante en politique sociale, spécialisée en protection sociale, a souligné que sans un accès réellement universel, une partie de la population resterait vulnérable, créant une société à deux vitesses où certains bénéficient d’une protection complète tandis que d’autres sont laissés en marge. Une approche transversale, associant tous les secteurs de la société, est donc impérative pour éviter ce scénario et pour que la réforme atteigne son objectif d’équité et de cohésion sociale.
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Accès équitable aux soins
Au Maroc, la généralisation d’un accès équitable aux soins de santé répond à un besoin croissant face à une demande en augmentation constante. Le pays déploie un système de santé inclusif anticipant une hausse des sollicitations des services médicaux à travers les zones urbaines et rurales. Pour améliorer la disponibilité et l’efficacité des soins, plusieurs projets stratégiques ont été mis en œuvre, notamment l’établissement d’un Centre hospitalier universitaire dans chaque région. Cette initiative vise à équilibrer les ressources médicales sur tout le territoire et à pallier les inégalités d’accès aux soins, en fournissant les infrastructures nécessaires adaptées aux besoins de chaque communauté.
Par ailleurs, une restructuration des centres de santé existants est essentielle pour assurer un accès équitable à tous. Cela implique une collaboration entre les secteurs public et privé, encadrée par des normes strictes pour garantir que chaque citoyen, quelle que soit sa situation socio-économique ou géographique, bénéficie de soins de qualité comparable.
En outre, le Maroc a initié le déploiement d’unités mobiles de soins, ciblant spécialement les populations éloignées des centres urbains. Ces unités mobiles jouent un rôle essentiel dans la réduction des disparités géographiques en santé, fournissant des services médicaux indispensables aux communautés les plus isolées.
Ces efforts nécessitent une mobilisation continue des ressources, tant humaines que matérielles, pour répondre efficacement à la demande croissante en soins de santé. Les réformes doivent être mises en œuvre concrètement, en tenant compte des particularités locales et en surmontant les obstacles inhérents à chaque région.
Financement et efficience du système de protection sociale
La viabilité du système de protection sociale est intrinsèquement liée à sa capacité de financement. Avant d’envisager de mobiliser de nouveaux fonds, il est important d’accroître l’efficience du système actuel, notamment en évitant la redondance des services médicaux. Il est également préconisé de mobiliser des ressources supplémentaires pour intégrer les personnes non-couvertes et les plus démunies dans un régime unifié. Ce qui implique d’élargir l’assiette des cotisations et de cibler des taxes sur les produits nocifs.
Par ailleurs, pour financer l’expansion du système sans alourdir la dette nationale, une approche intégrée est nécessaire. Cette stratégie doit équilibrer les besoins immédiats avec des objectifs de durabilité à long terme, tout en gérant prudemment les déficits pour maintenir la stabilité économique. Formaliser l’économie informelle est également essentiel, car cela pourrait augmenter la capacité contributive des citoyens et permettre de partager plus équitablement les risques au sein du système.
Confiance publique
Gagner la confiance de la population est un autre pilier fondamental pour le succès de la généralisation de la protection sociale. L’engagement royal envers ce projet lui confère une légitimité forte, renforçant la confiance du public dans les initiatives gouvernementales. La pandémie de Covid-19 a également renforcé ce lien de confiance, les citoyens percevant l’État comme un protecteur essentiel durant les crises.
La qualité du service offert est également critique. L’extension de l’assurance maladie doit s’accompagner de réformes dans les domaines de la santé, de la fiscalité, des finances publiques, ainsi que de la digitalisation et de la régulation. La qualité des services contribue directement à la confiance des usagers dans le système.
Enfin, une communication claire et éducative est vitale pour sensibiliser le public aux réussites et aux défis du projet de protection sociale. Il est primordial de mettre en lumière les avancées déjà réalisées et les étapes à venir pour assurer une compréhension et un soutien larges de la réforme, que cela concerne l’assurance maladie ou d’autres prestations sociales futures.
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Un modèle dual de financement pour une protection sociale inclusive et durable
La consolidation de la protection sociale s’appuie sur un modèle dual de financement : un volet contributif, pour ceux qui peuvent y contribuer, et un volet solidaire, financé par l’État, destiné à ceux dans l’incapacité de cotiser. Selon Azeddine Lakbakbi El Yaagoubi, chef de la division de la protection sociale au ministère de l’Économie et des Finances, le système comprend deux principales composantes solidaires : l’Assurance maladie obligatoire (AMO) Tadamon pour les personnes défavorisées, et l’Aide sociale directe (ASD), qui étend les allocations familiales à ceux en ayant besoin. Pour 2024, ces programmes bénéficient d’un budget de 34 milliards de DH, qui devrait augmenter à 39 milliards d’ici à 2026.
La stratégie pour élargir la couverture sociale intègre la dimension non contributive, essentielle pour inclure les populations vulnérables. L’identification précise de ces groupes via le RSU est critique, tout comme la nécessité d’élargir l’assiette fiscale pour financer ces mesures de façon équitable.
La réforme fiscale joue un rôle important dans le financement de cette protection étendue. La confiance restaurée entre les citoyens et le gouvernement est essentielle pour inciter à la contribution. Sans cette confiance, et sans une communication claire et transparente sur l’utilisation des fonds, l’adhésion, particulièrement dans le secteur informel, pourrait être faible.
La gestion efficace et la bonne gouvernance des dépenses publiques, notamment dans les domaines sociaux, sont indispensables pour la durabilité du système. Cela inclut la gestion prudente des subventions pour libérer des fonds nécessaires à la protection sociale.
Incitations et gestion rigoureuse pour la durabilité des régimes contributifs
Concernant les régimes contributifs, leur pérennité financière dépend de la régularité des cotisations. Pour encourager cette régularité, l’État propose des incitations telles que l’amnistie des dettes de cotisations en 2024 pour ceux qui régularisent leurs paiements. De plus, les travailleurs indépendants doivent cotiser pour bénéficier de l’aide sociale directe, créant ainsi une incitation supplémentaire à participer au système.
La gestion des dépenses de santé est également une priorité, face à l’augmentation des coûts liée à l’extension de la couverture, au vieillissement de la population et à la prévalence des maladies chroniques. La Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) a mis en œuvre plusieurs mesures pour contrôler ces coûts, incluant la surveillance médicale renforcée, la lutte contre la fraude, et l’optimisation des frais de gestion.
Ces initiatives comprennent le développement de dispositifs de veille, la digitalisation du contrôle médical, la surveillance accrue des prestataires de soins, des mesures de prévention médicale proactive, l’utilisation de l’intelligence artificielle pour détecter la fraude, et la dématérialisation des fiches de soins pour améliorer l’efficacité administrative et la collecte de données.
En synthèse, le Maroc déploie des efforts pour assurer la durabilité de son système de protection sociale, en misant sur une gestion rigoureuse et innovante des dépenses de santé, tout en renforçant le cadre fiscal et en restaurant la confiance publique dans les institutions gouvernementales.
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