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L’article 28 de la Constitution est on ne peut plus clair : « Les pouvoirs publics favorisent l’organisation du secteur de la presse de manière indépendante et sur des bases démocratiques, ainsi que la détermination des règles juridiques et déontologiques le concernant« . Sauf que le projet de loi 15.23 qui sera examiné ce jeudi par le Conseil de gouvernement va à l’encontre de la loi suprême du pays.
Le texte a pour objet la création d’un Comité provisoire pour la gestion du secteur de la presse et de l’édition en lieu et place du Conseil national de la presse (CNP). Ce comité aura un mandat de deux ans – sauf si les élections se tiennent entretemps – et pourra exercer les missions du CNP et préparer les élections. Il veillera aussi à « renforcer les liens de coopération et de travail en commun entre les différentes composantes du corps journalistique et du secteur de l’édition« , peut-on lire sur le projet de loi.
Ledit comité sera composé, en plus du président sortant du CNP, du vice-président, du président de la commission de la déontologie et du président de la commission de la carte professionnelle, ainsi que de trois autres membres nommés par le chef du gouvernement. Pour ces trois derniers, il s’agit d’un juge choisi par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), d’un représentant du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et d’un représentant du ministère de la Communication en tant que consultant.
Imbroglio juridique
À travers le projet de loi qu’il a élaboré avec ses équipes, le ministre de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaïd, gèle le Dahir portant création du CNP. Plusieurs journalistes ont dénoncé cette manœuvre qu’ils qualifient d’anticonstitutionnelle. Si l’Association nationale des médias et des éditeurs (ANME) et le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) n’ont pas encore réagi par rapport à cette initiative gouvernementale, la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) et la Fédération nationale du journalisme, de l’information et de la communication affiliée à l’Union Marocaine du Travail (FNJIC-UMT) ont publié un communiqué commun incendiaire.
Les deux fédérations expriment leur surprise face au projet de loi et qualifient l’idée de nuisible à l’image du pays en matière de droits de l’Homme. Les deux fédérations considèrent également que cette proposition représente un recul grave en matière d’indépendance de la presse dans le pays, car elle implique une ingérence de l’appareil exécutif dans l’autorégulation de la profession.
Le communiqué affirme aussi que l’article 54 de la loi régissant le Conseil de la presse et de l’édition n’a toujours pas été appliqué. Ce texte de loi prévoit la mise en place d’une commission de supervision des élections sous la présidence d’un magistrat. Au lieu de cela, un projet de loi prolonge la durée d’une composante du Conseil avec le président sortant, ainsi que les présidents de commissions appartenant aux deux organisations professionnelles opposées aux élections. De plus, « il exclut la FMEJ et la FNJIC-UMT« , souligne le communiqué. Les deux fédérations considèrent cette prolongation comme une nomination déguisée. Elles estiment que la responsabilité de renouveler les structures du Conseil et d’avoir la mainmise sur les entreprises de presse et leur personnel est confiée à une partie opposée au choix démocratique.
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Bataille parlementaire
Avant même que le projet de loi portant création d’un Comité provisoire pour la gestion du secteur de la presse et de l’édition n’atterrisse au Parlement, le Parti de la justice et du développement (PJD) avait rejoint le mouvement des protestataires contre ce projet de loi. Le parti de la lampe a condamné ce texte, le considérant comme « une nouvelle étape régressive qui ébranle le cœur des acquis démocratiques accumulés par le pays« . Et d’aller même jusqu’à accuser le président sortant du CNP et ses adjoints de « complicité » pour servir des intérêts égoïstes et matériels.
Dans une déclaration de son secrétariat général, le parti condamne la création d’une loi exceptionnelle pour créer un comité provisoire dont les membres sont nommés pour une durée de deux ans. Il dénonce un développement grave et sans précédent dans l’histoire de la presse et de la publication du pays, qui vise à remplacer le CNP, une institution élue. Le parti d’opposition estime que ce projet étrange reflète l’échec du gouvernement à appliquer la loi malgré les six mois supplémentaires qui ont fait l’objet d’un décret-loi.
Pour sa part, le groupe du Progrès et de socialisme à la Chambre des représentants, a demandé à avancer la rencontre avec le ministre de la Communication devant la Commission de l’enseignement, de la culture et de la communication. Pour cause : la crise sans précédent que traverse le CNP après la fin de son mandat étendu au 4 avril 2023.
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Le Conseil national de la presse avait été élu en 2018 pour une durée de quatre ans. Face l’incapacité d’organiser de nouvelles élections, son mandat a été prolongé de six mois au mois d’octobre 2022. Sauf que la prolongation du mandat du CNP a expiré le 4 avril 2023. Aujourd’hui, la corporation journalistique vit dans un vide institutionnel. Avec une gestion adéquate et un budget tournant autour de 40 millions de DH (MDH), le Conseil pourrait révolutionner le microcosme médiatique et ne pas se limiter à la délivrance des cartes professionnelles, aux sanctions et à quelques actions de formation. Il est temps de faire fi des divergences et de travailler main dans la main pour sauver un secteur vital qui est aujourd’hui en péril.
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