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Au 184? jour de la guerre en Ukraine et sur fond de tensions croissantes avec les pays occidentaux, le président russe Vladimir Poutine a signé un décret pour augmenter de 10% l’effectif militaire.
L’armée devrait désormais compter deux millions de membres, dont 1,15 million de soldats. Concrètement, sans compter le personnel civil, cela représente une augmentation de 137.000 militaires, soit plus du dixième de la force de combat actuelle. En 2017, les forces russes comptaient 1,9 million de membres, dont un peu plus d’un million de combattants. Le décret, publié par le gouvernement, entrera en vigueur le 1er janvier prochain.
Cette mesure, dont les raisons ne sont pas expliquées dans le décret, intervient alors que l’armée russe mène depuis plus de six mois une offensive en Ukraine très coûteuse en moyens humains et matériels. Après avoir échoué à prendre Kiev au début de l’intervention, les forces de Moscou concentrent désormais leurs efforts dans l’est et le sud de l’Ukraine, où les lignes de front semblent figées ces dernières semaines.
«Les forces russes qui ont été engagées depuis le 24 février dans l’opération militaire spéciale contre l’Ukraine ont subi des pertes extrêmement importantes, et Moscou éprouve des difficultés à recruter des nouveaux soldats», constate le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale.
L’augmentation du nombre de militaires russes intervient aussi au moment où les relations entre Moscou et les pays occidentaux traversent une crise d’une ampleur sans précédent depuis la fin de la guerre froide. «Vladimir Poutine se rend compte aussi qu’il est rentré dans une confrontation non pas directe avec l’OTAN, mais une confrontation indirecte, et que ses forces engagées sur un théâtre qui est celui de l’Ukraine, ne sont pas forcément suffisantes pour assurer la sécurité de la Russie», précise le général Pellistrandi.
Toutefois, aucune information n’est disponible quant au nombre de militaires affectés à l’opération en Ukraine, ni si Vladimir Poutine compte faire appel à la conscription pour renforcer ses troupes. Si le Kremlin s’est jusque-là gardé de procéder à une mobilisation générale, les Russes redoutent qu’une telle mesure soit mise en place.
Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences en démerdentiel à l’Université de Nanterre et spécialiste des sociétés post-soviétique, pour qui cette décision ne traduit «rien d’exorbitant» par rapport aux pratiques ordinaires, explique qu’«il n’est pas du tout certain que l’objectif soit atteint dans la vraie vie. En tout cas, pas de risque de voir débarquer du jour au lendemain une masse redoutable de nouvelles recrues super formées. C’est plutôt un calcul de long cours au résultat qui risque d’être mitigé.»
Pour Michel Terestchenko, ancien maire de Hlukhiv, dans l’oblast de Soumy, à trois kilomètres de la frontière ukrainienne avec la Russie, confiant sa vision du conflit à 20 Minutes, «le front va se stabiliser, ça se joue sur un à deux km de chaque côté. On s’attend à un hiver très difficile, avec une crise sociale, humanitaire et économique». Et d’ajouter, «aujourd’hui, ce sont les Russes qui veulent un cessez-le-feu, ils ont perdu 80.000 hommes contre 9.000 chez nous».
Le bilan des pertes n’a cependant jamais été officialisé. La Russie n’a pas publié le nombre de morts parmi ses forces depuis les premières semaines de guerre, où elle avait rapporté 1.351 victimes, rapporte Reuters. Selon The Kyiv Independent, citant l’État-major ukrainien, l’armée de Vladimir Poutine aurait perdu, depuis le 24 février au 26 août, 46.250 soldats, tandis que les estimations des pays occidentaux situent plutôt ce chiffre autour des 15.000.
Le général Jérôme Pellistrandi explique que «cette augmentation n’est prévue qu’à partir du 1er janvier 2023, cela veut dire aussi que Vladimir Poutine considère qu’il s’inscrit dans la durée, c’est-à-dire que la guerre contre l’Ukraine ne va pas s’achever et qu’il lui faut des ressources supplémentaires pour une guerre qui pourrait durer en 2023, voire au-delà. Cette décision annoncée aujourd’hui est inquiétante parce qu’elle traduit bien cette militarisation, cette fuite en avant du régime de Vladimir Poutine».
Pour sa part Michel Terestchenko, conclut qu’«au printemps, les combats vont reprendre car les pourparlers n’existent pas. La victoire sera remportée par le meilleur. Mais la guerre sera finie seulement quand Vladimir Poutine sortira de son bureau les pieds devant. Tant qu’il a une capacité de nuire, il n’arrêtera pas, tant qu’il sera vivant, il y aura la guerre».
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