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Poutine, fragilisé par la débâcle militaire en Ukraine, sera-t-il poursuivi pour «haute trahison»?

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Une manifestante durant un rassemblement anti-Poutine, première manifestation d'ampleur depuis l'annonce de la vaste révision constitutionnelle voulue par le président russe, à Moscou, le 29 février 2020. © Dimitar DILKOFF / AFP

Le chef du Kremlin serait visé par deux appels à la destitution. Deux groupes de députés municipaux, l’un à Saint-Pétersbourg et l’autre à Moscou, ont exigé, vendredi 9 septembre, que Vladimir Poutine quitte le pouvoir. Le motif avancé par les élus : le président russe a, selon eux, failli. Ces appels, sur fond d’élections locales à travers le pays, bien que n’ayant aucune chance d’aboutir, reflètent la lassitude d’une population devant une campagne militaire qui entre dans son septième mois.

Selon des informations rapportées par plusieurs médias anglophones, un groupe d’élus de Saint-Pétersbourg ont appelé officiellement la Douma, la chambre basse du Parlement russe, à destituer le président Vladimir Poutine et à l’accuser de «haute trahison». L’information a été vérifiée par le site d’investigation russe indépendant The Insider qui rapportait, dans un article en anglais datant du 7 septembre, que des députés municipaux du district de Smolninskoye à Saint-Pétersbourg prévoient de «faire appel aux députés de la Douma d’État en leur proposant de prendre l’initiative de porter plainte contre le président de la Fédération de Russie afin de le démettre de ses fonctions», citant un document publié sur Twitter par Dmitry Palyuga, un élu municipal du quartier de Smolninskoye.

Le député soutient que Vladimir Poutine mérite la destitution pour quatre raisons. Pour l’élu, le président est responsable de la «mort d’hommes russes valides, du déclin économique national, de la fuite des cerveaux depuis la Russie, et de l’expansion de l’OTAN vers l’Est [ndlr : les frontières russes]». Le conseil des députés de cette municipalité a ainsi envoyé une missive officielle, soutenue selon l’auteur de l’appel par la majorité des députés présents, à la Douma réclamant la destitution du chef de l’État. Selon ces élus municipaux, les actions du chef du Kremlin «depuis le début de l’opération militaire spéciale sur le territoire de l’Ukraine, présentent les éléments du crime prévu à l’article 93 de la Constitution de la Fédération de Russie – la haute trahison».

Moins acerbe et ne comportant aucune référence directe à la guerre en Ukraine, la lettre adressée à Vladimir Poutine par des députés municipaux du quartier Lomonossov à Moscou invite, elle aussi, le chef de l’État à démissionner. «Nous vous demandons de vous retirer de votre poste car vos opinions sont désespérément dépassées et entravent le développement de la Russie», a plaidé le conseil de Lomonossov. Selon Radio Free Europe, les députés disent qu’un changement de pouvoir est nécessaire pour le bien-être du pays. «Des études montrent que les habitants des pays où le pouvoir change régulièrement vivent en moyenne mieux et plus longtemps que dans ceux où le dirigeant ne quitte ses fonctions que les pieds devant», écrivent les élus, en référence aux vingt-deux années passées par Vladimir Poutine au pouvoir.

Parmi les critiques adressées au président, les députés affirment que Poutine a «utilisé une rhétorique agressive» inefficace. «Vos opinions et votre modèle de gestion sont désespérément dépassés et entravent le développement de la Russie et de son potentiel humain», peut-on lire dans le plaidoyer. Ils lui reprochent en outre d’avoir «replongé la Russie dans l’ère de la guerre froide».

Les critiques envers le Kremlin sont très rares dans le pays et peuvent être fortement punies. Cinq signataires de cet appel à la destitution, des élus locaux de Saint-Pétersbourg, ont, d’ailleurs, été convoqués par la police suite à cette action, largement médiatisée dans la presse internationale. Pour l’appareil sécuritaire, ils ont commis «des actes visant à discréditer les autorités actuelles de la Fédération de Russie». Ils sont désormais poursuivis en vertu de l’article 20.3.3 du Code des infractions administratives de la Fédération de Russie, qui punit les actions publiques visant à discréditer l’utilisation des Forces armées de la Fédération de Russie.

Depuis le début de son «opération spéciale en Ukraine», Moscou s’efforce de réprimer les critiques de la guerre ou du chef de l’État avec une nouvelle législation. Le 4 mars dernier, les députés de la Douma ont adopté des amendements au code pénal concernant «la répression des fake news, la discréditation des forces armées russes et les appels à des sanctions [contre la Russie]». L’article 207.3 inflige jusqu’à quinze ans de prison aux auteurs d’«informations incorrectes» et s’applique à toute la population russe, sur les réseaux sociaux comme dans la rue, et non plus aux seuls journalistes et responsables éditoriaux. La diffusion de «fausses informations» sur les forces armées russes «avec création artificielle de preuves ou motivée par la haine ou l’inimitié peut être punie d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans», dispose la loi. Si ces informations jugées mensongères «ont entraîné des conséquences graves», la sanction inclut alors «une peine d’emprisonnement de dix à quinze ans».

Auprès de The Insider, Dmitry Palyuga justifie ainsi sa démarche contre le président russe?: «Alors que le président russe a déclaré que la démilitarisation de l’Ukraine était l’un de ses objectifs, nous assistons à l’inverse. […] Il nuit à la sécurité nationale de la Russie. Nous voulons faire savoir aux gens qu’il y a des députés qui sont opposés à la politique actuelle et qui pensent que Poutine nuit à la Russie. Nous voulons également leur faire savoir que nous n’avons pas peur de nous exprimer.»

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