Polémique autour du roi berbère Koceila en Algérie : l’histoire refait surface
Pour certains, l’installation de la statue de Koceila rendait hommage à un héros de la résistance. Pour d’autres, son retrait démontre des tensions qui entourent encore aujourd’hui l’évocation de figures marquantes de l’histoire préislamique du pays.
Mais qui était Koceila, ce roi berbère dont le destin continue de diviser les mémoires ? Plongeons dans l’histoire de cet homme, figure emblématique de la résistance amazighe au VIIᵉ siècle.
Un prince des Aurès face à l’Histoire
Koceila, né au cœur des montagnes aurésiennes, au nord-est de l’Algérie, portait en lui le souffle d’un peuple fier et enraciné dans sa terre. Chef des Awraba, une confédération berbère influente, il apparaît dans les récits historiques comme un guerrier redoutable et un stratège politique. Son règne coïncide avec un moment charnière de l’Histoire nord-africaine : l’arrivée des troupes arabo-musulmanes dans la région.
Au début des années 680, l’Afrique du Nord, alors sous domination byzantine, connaissait d’importantes mutations. Les Arabes, porteurs d’un message religieux et politique nouveau, entreprirent la conquête de ces terres, rencontrant des résistances farouches de la part des Berbères. Parmi eux, Koceila s’impose rapidement comme un leader incontournable.
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Son opposition aux conquérants musulmans ne se résumait pas à un rejet de leur foi ou de leur culture, mais se traduisait plutôt comme une lutte pour la souveraineté de son peuple et le contrôle de ses terres. Cette résistance fit de lui un symbole de l’identité berbère.
Par ailleurs, le nom de Koceila, ou Aksil, reste indissociable de celui de Oqba Ibn Nafi, général arabe et fondateur de Kairouan. Les récits historiques rapportent qu’après plusieurs batailles, Koceila fut capturé et contraint de se rallier à Oqba. Mais cette allégeance ne dura pas. En 683, lors d’une bataille décisive à Tahouda, près de Biskra, Koceila prit sa revanche. Avec une armée composée de Berbères et d’anciens alliés byzantins, il tendit une embuscade aux troupes de Oqba et les écrasa, tuant le général arabe.
Cette victoire fit de Koceila le maître de Kairouan, dite aussi la capitale des conquérants. Pourtant, son triomphe fut de courte durée. Cinq ans plus tard, en 688, une nouvelle armée arabo-musulmane, sous les ordres de Zouhair Ibn Qais, vint le défaire. Koceila trouva la mort au combat, mais son nom devint immortel dans la mémoire collective.
Une figure controversée
L’héritage de Koceila est aujourd’hui sujet à de nombreuses interprétations. Pour certains, il est un héros de la résistance berbère, un défenseur de l’autonomie face à l’envahisseur. Pour d’autres, il incarne une période de transition où les Berbères ont peu à peu adopté l’Islam tout en conservant leurs spécificités culturelles.
Cela peut expliquer en partie la controverse autour de sa statue à Bouhmama, en Algérie. Le choix de représenter Koceila dans l’espace public n’est pas anodin. La ville voulait réhabiliter l’Histoire algérienne : celle des royaumes amazighes et des luttes contre les Byzantins et les Arabes.
La statue de Koceila, érigée puis démantelée en une journée, est devenue un symbole en soi : elle est liée à la réappropriation du patrimoine berbère en Algérie. Derrière ce cavalier figé dans le bronze, se dessinent les contours d’un débat national sur l’identité et l’Histoire.
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Selon le communiqué de l’Assemblée populaire de la commune (APC), la problématique n’est que juridique et non historique. «Suite à la polémique et aux tiraillements qui ont été provoqués par l’installation, puis le démantèlement d’une statue au niveau du rond-point est de la ville le 4 décembre, le président de l’Assemblée populaire communale de Bouhmama affirme que le démantèlement de cette statue est dû au non-respect par la partie à l’origine de cette initiative des procédures réglementaires relatives à ce genre d’initiatives, et rien d’autre». Les initiateurs de cette action historique n’auraient pas respecté les procédures administratives.
En attendant, l’épisode de Bouhmama rappelle que l’histoire, loin d’être figée, reste un champ de batailles où se jouent aussi les enjeux du présent.
Merci infiniment pour le rappel de notre histoire sous le protectorat et les moments inoubliables de la résistance
meilleures salutations
AbdelMajid BADAOUI
Doctorant en anthropologie, Université Paris Nanterre