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PIRLS 2021 : il est urgent de rendre ses lettres de noblesse à l’apprentissage !

Temps de lecture

Près de 60 % des enfants âgés de 10 ans ne savent pas lire l’arabe correctement ! Ce sont des résultats accablants que révèlent l’étude internationale PIRLS sur les performances des élèves en lecture, dévoilée mardi 16 mai 2023. Le Maroc reste à la traîne avec un score de 372 points, en deça de la moyenne mondiale établie à 500 points. Une situation qui empêche ces enfants de s’investir pleinement dans leur éducation et entrave les progrès du pays en matière de formation du capital humain. Le ministère de l’Éducation nationale, lui, reconnaît la nécessité «de changer le paradigme d’apprentissage des enfants appuyé par la science et la recherche, pour permettre à l’école publique de jouer son rôle d’ascenseur social». Le point avec Abderrahmane Lahlou, expert en éducation et formation.

Selon les résultats de l’enquête publiés par l’IEA (International Association for the Evaluation of Educational Achievement), l’Étude internationale sur la maîtrise de la lecture (Progress in international reading literacy study – PIRLS), le Royaume occupe la 56e place sur les 57 pays ayant participé à cette évaluation pour l’année 2021. Cette enquête internationale menée tous les cinq ans depuis sa première édition en 2001 mesure les performances des systèmes éducatifs au niveau international dans le domaine de la maîtrise des compétences en lecture des élèves dans la langue enseignée au primaire. Elle sert également à scruter les intersections de la performance des pays participants avec un certain nombre de variables explicatives permettant de trouver les bases nécessaires pour élaborer des politiques pour développer ces compétences.

Les élèves marocains se classent devant leurs homologues sud-africains, arrivés derniers mais derrière l’Égypte (55e), la Jordanie (54e) et l’Iran (53e). Sur les huit pays arabes compris dans le classement, à savoir, en plus des pays mentionnés, le Qatar, les Émirats arabes unis, Bahreïn, l’Arabie saoudite et le Sultanat d’Oman, aucun n’a pu dépasser la moyenne internationale spécifiée de 500 points. Par ailleurs, Singapour arrive en tête du classement avec 587 points, suivi de l’Irlande (577), de Hong Kong (573), de la Russie (567) et de l’Irlande du Nord (558).

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Sur la période analysée, les établissements scolaires marocains ont certes vu leur agenda être impacté par la situation sanitaire particulière causée par la pandémie de la Covid-19 au cours de l’année scolaire 2021-2020, il n’en demeure pas moins que le système national ne connaît pas d’amélioration significative.

Mais pour Abderrahmane Lahlou, il ne faut pas se contenter de tout ramener à la Covid. Les résultats de cette enquête, précise-t-il, ne sont pas concomitants à la période. «La pandémie n’a donc visiblement pas pénalisé l’apprentissage. Preuve à l’appui, le Maroc s’est même légèrement amélioré par rapport à l’édition précédente».

Le Royaume, avant-dernier de la classe

Il ressort toutefois du rapport de l’IEA que 59% des élèves marocains, âgés de 9 à 10 ans, se situent en dessous du niveau minimum de maîtrise de la lecture (en langue arabe pour le primaire). En effet, la majorité des élèves traîne toujours des lacunes en matière de lecture et de compréhension, leur score moyen étant de 372 points, avec un écart de 128 points par rapport à la moyenne internationale fixée.

«Le Maroc a participé à cette session avec des échantillons représentatifs de toutes les régions du Royaume, comprenant un total de 7.017 élèves du quatrième niveau de l’enseignement primaire, 7.017 parents et tuteurs, et 266 professeurs d’arabe représentant 266 écoles primaires», détaille le ministère de l’Éducation nationale dans un communiqué.

Pour notre interlocuteur Abderrahmane Lahlou, notre classement reflète des défaillances, certes, mais l’évaluation en tant que telle est aussi un aspect à garder en tête. Il explique que les apprentissages au Maroc sont encore trop orientés vers l’aspect technique de la chose, les règles de grammaire, par exemple. Or, des tests comme le PIRLS, le TIMMS (évalue les acquis en mathématiques et sciences) ou le PISA (évalue l’acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire) viennent évaluer l’apprentissage acquis sur son aspect fonctionnel, c’est-à-dire la lecture fonctionnelle : «suis-je capable de lire un panneau signalétique pour me repérer dans l’espace, …. Sur ce plan-là, oui nos enfants échouent, car ils ne sont pas outillés.».

C’est la 4ème fois que le Maroc participe à cette enquête. Même si une légère amélioration a été constatée lors de la session 2021, avec une différence positive de 15 points et 47 points par rapport aux sessions précédentes de 2016 et 2011, respectivement, le gap reste encore important. Il est nécessaire de renforcer des capacités d’apprentissage et la performance globale des élèves marocains, bien en deçà des performances souhaitées, observe le ministère de l’Éducation nationale.

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À ce titre, il faut souligner que l’écart est significatif entre les élèves du privé et ceux du public, confirmant qu’il n’y a pas de progrès pour les plus faibles qui restent très nombreux.

Les résultats du PIRLS 2021 font écho au rapport de la Banque mondiale, intitulé «Faire progresser l’enseignement et l’apprentissage de la langue arabe, un chemin vers la réduction de la pauvreté d’apprentissage au Moyen- Orient et en Afrique du Nord» publié le 29 juin 2021. L’institution fait état de 66% d’enfants qui ne sont pas capables de lire et de comprendre un texte simple à l’âge de 10 ans.

Le constat de l’institution de Bretton Woods remet en cause tout ce qui a été avancé à présent sur l’arabisation de l’enseignement au Maroc. Car, pour le dire clairement, le gros des enfants scolarisés ne savent ni lire ni comprendre l’arabe. Pour décrire ce phénomène, les experts évoquent le concept de taux de pauvreté en matière d’apprentissage : calculé à l’aide des résultats des évaluations internationales des élèves, principalement l’étude PIRLS. «Les résultats d’autres évaluations nationales et internationales confirment que les élèves de la région (ndlr MENA) manquent de compétences de base en lecture, écriture et calcul depuis les premières années jusqu’à l’école secondaire», lit-on dans le document.

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«Ces résultats renforcent les différents diagnostics nationaux et internationaux qui ont révélé la crise des apprentissages que traverse notre système éducatif, et appuient la nécessité de la démarche de transparence et de responsabilité adoptée par le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports dans le cadre de la Feuille de route 2022-2026», est-il précisé dans le communiqué de la tutelle.

Il s’agit aujourd’hui pour le ministère de «changer le paradigme d’apprentissage des enfants appuyé par la science et la recherche, pour permettre ainsi à l’école publique de jouer son rôle d’ascenseur social».

Pour l’expert, c’est en effet un changement de paradigme qu’il faut opérer. «Il faut changer d‘approche, plaide-t-il. Au lieu de rester attaché à la méthode trop orientés vers les moyens que l’enseignant met en œuvre, il faut faire des compétences acquises au final son cheval de bataille»

Et la tutelle compte notamment sur la mise en place d’une politique ambitieuse et volontariste afin d’éradiquer, en 2026, les très grands retards d’apprentissage à la fin du primaire. Le ministère prévoit l’augmentation annuelle de 7% du budget de l’éducation pendant 5 ans, à même d’aider, selon lui, les enfants à maîtriser les fondamentaux leur permettant ainsi de poursuivre leur scolarité.

Une nécessité, en effet, puisque ce département demande des moyens conséquents. Mais est-ce suffisant ? C’est pour Abderrahmane Lahlou, un début de réponse qui à lui seul ne risque pas d’aboutir.

«Prenons pour exemple le foot, dit-il. Le Maroc a brillé de mille feux et continue de susciter émotions sur la scène internationale après la prouesse du Mondial à Qatar. Mais avant cela, lorsque la sélection ne donnait pas de bons résultats, un ingrédient manquait : l’esprit d’équipe. Pour revenir à l’apprentissage, c’est à peu près pareil : il faut travailler sur un transfert de connaissance à même de permettre aux enfants de briller».

La tutelle s’explique

De l’approche curative (rattraper les retards cumulés) à l’approche préventive (éviter d’accumuler de nouvelles lacunes), il s’agit aujourd’hui pour le ministère de changer la pédagogie pour que le système devienne efficace et de préparer les enfants à un monde en constante mutation.

Lire aussi : Invité de «Les Matins HEC», Chakib Benmoussa explique sa feuille de route

C’est pourquoi le département de Chakib Benmoussa promet que «la politique menée par le ministère dans la cadre de la Feuille de route vise une amélioration importante pour l’édition « PIRLS 2026″». Pour la tutelle, «l’ambition réaliste pour 2026 est de lever les principaux écueils des apprentissages en fin de cycle primaire, ainsi que la maîtrise des élèves. sur les apprentissages de base, leur permettant de poursuivre leur éducation sans difficultés».

Ainsi cette politique veut assurer aux enfants dès l’âge de 4 ans une offre de préscolaire gratuite efficace et attractive. «Cette année, le préscolaire public géré par les partenaires et régulé par l’État a accueilli 571.301 enfants, soit une augmentation de 11% par rapport à l’année passée et une réduction de 19% du préscolaire non organisé, qui s’explique par l’amélioration de l’offre publique», dévoile la même source.

Intervenant ce mardi à la Chambre des Conseillers, le ministre de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, s’est félicité du taux de scolarisation au préscolaire qui a atteint 76 % au titre de la saison actuelle. C’est une belle amélioration comparé à un taux de plus de 18 % au moment du lancement du programme nationale de généralisation du préscolaire 2018-2019. Benmoussa a ainsi fait état de 931.000 élèves (dont 49.5% de filles) comparé à la saison scolaire précédente.

Une politique qui compte, outre un préscolaire de qualité, gratuit et généralisé, adopter une logique de transparence dans le suivi de tous les élèves. Chaque élève aura un livret de compétences qui indiquera les savoirs acquis, non acquis et en cours d’acquisition et sera partagé avec les parents et les acteurs de l’équipe pédagogique.

Afin d’assurer des compétences fondamentales en lecture pour tous les élèves, la tutelle indique qu’une opération massive de remédiation est en cours. Elle vise à mettre à niveau les élèves sur les fondamentaux et repartir sur de bonnes bases à travers le programme TaRL (Teaching at the Right Level). Une méthode qui a fait ses preuves dans le monde.

Lire aussi : Éducation, les résultats prometteurs de la méthode TARL

Ce programme a bénéficié, selon le ministre, à 15.000 élèves dans 250 écoles primaires. Et à la prochaine rentrée, ce sont près de 400.000 élèves qui en bénéficieront.

Vient ensuite, l’installation des bibliothèques dans toutes les classes à l’horizon 2026 et le développement du goût des élèves pour la lecture. Cette année, au primaire, plus de 30.000 salles de classe seront équipées de bibliothèques, avec plus d’un million d’élèves bénéficiaires, précise le ministère. À ce titre, il est à rappeler que le rapport de la Banque mondiale précisait qu’au Maroc, «seulement 9% des enfants» fréquentaient une école dotée d’une bibliothèque bien fournie.

«Des bibliothèques oui, des documentalistes encore mieux !», affirme l’expert. Ces infrastructures sont en effet nécessaires, mais l’on peut avoir des milliers d’ouvrages, ils tomberont dans les calendes grecques. Tant que les enfants ne possèdent pas le modus operandi : où se diriger, quoi lire, avoir plaisir de lire, le comprendre, … mettre à disposition des bibliothèques ne servira à rien. Un documentaliste, plaide Abderrahmane Lahlou, saurait donner un cours magistral, à l’instar d’un professeur de mathématiques ou de langues : un cours de sensibilisation, d’encadrement à même d’outiller les enfants pour une telle expérience.

Enfin, le département de Benmoussa envisage d’améliorer les méthodes d’enseignement pour favoriser la compréhension des textes. Du rapport de l’IEA, il ressort que les enseignants marocains sont moins nombreux que leurs collègues européens à proposer leur aide à leurs élèves pour animer chaque semaine des activités susceptibles de développer leurs stratégies et leurs compétences en compréhension de l’écrit.

Ainsi, en plus de la révision de la programmation détaillée de l’enseignement pour alléger et rendre plus progressif l’apprentissage selon le rythme de l’élève, de nouvelles méthodes d’enseignement à l’efficacité démontrée par la recherche (Enseignement Explicite) ont été introduites.

Ainsi, la programmation détaillée de l’enseignement a été révisée pour alléger et rendre progressif l’apprentissage selon le rythme de l’élève. De nouvelles méthodes d’enseignement à l’efficacité démontrée par la recherche (Enseignement Explicite) ont été introduites.

Ces nouvelles méthodes exigent qu’un enseignant ne passe à la leçon suivante qu’après s’être assuré que les élèves ont bien compris. Un dispositif didactique complet est donné à l’enseignant pour lui faciliter la mise en œuvre de ces méthodes efficaces.

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