Les pharmaciens ont tenu, lundi 30 janvier 2023, un sit-in devant le siège du Conseil régional des pharmaciens d’officine du Sud à Casablanca. © DR
Après des dialogues infructueux avec la tutelle, les représentations syndicales nationales des pharmaciens au Maroc montent désormais au créneau. Elles organisent une grève nationale de 24h dès ce jeudi 13 avril et comptent fermer leurs officines, sans garde.
La réunion, jeudi dernier, entre le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, et les centrales syndicales nationales représentant le secteur de la pharmacie semble ne pas avoir convaincu. Pour les professionnels du secteur, cette grève est une réaction normale à une série d’accumulations d’actions négatives depuis plus de 10 ans, à commencer par le décret de la baisse des prix des médicaments.
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Celle-ci intervient, en effet, contre ce que les pharmaciens décrivent comme «l’annonce récente de l’intention du gouvernement de publier un amendement à l’arrêté ministériel pour déterminer les prix des médicaments sans aucune consultation avec les représentants des pharmaciens». Une décision qui risque de mettre à mal les officines marocaines. Aujourd’hui, ce sont environ 3.000 pharmaciens qui vivent dans des conditions économiques difficiles.
Les syndicats avaient pourtant adressé un avertissement au gouvernement, pointant «l’absence d’un niveau minimum d’interaction des différents secteurs de l’État afin de suivre le rythme du secteur et préserver sa stabilité et sa continuité pour renforcer les piliers de la sécurité nationale des médicaments».
Une grève sans garde
En ce sens, les syndicats ont décidé de lancer deux grèves consécutives dans un premier temps et de fermer toutes les pharmacies du Royaume ce jeudi 13 avril 2023, pour 24 heures, sans garde et avec seulement une gestion des cas urgents. «En cas d’absence de réponse aux points du dossier revendicatif et d’interaction positive avec celui-ci, les syndicats précisent qu’une grève sera annoncée pour deux jours, dont la date sera déterminée par une nouvelle annonce».
En raison de la grève nationale de 24h, ce jeudi 13 avril, pharmacies de gardes incluses, les officines du Maroc appellent les citoyens à prendre les précautions nécessaires face à la fermeture des officines et à se procurer les médicaments au préalable.
Dans un communiqué conjoint, les représentants syndicaux ont souligné que «l’interprétation erronée» des marges bénéficiaires réalisées par les pharmaciens dans le rapport annuel de la Cour des comptes et les malentendus accumulés dans le secteur ont nui au corps pharmaceutique et à son image dans l’opinion publique nationale, «à un moment où les pharmacies nationales font du bon travail au service de leur pays et de leurs citoyens».
Le vice-président du Syndicat des pharmaciens du Grand Casablanca, Oualid Amri, précise, pour sa part, que «les professionnels du secteur ont été choqués par les propos du porte-parole du gouvernement lors de sa sortie médiatique concernant les marges des pharmaciens. Il s’agit d’un responsable qui devrait bien connaître les tenants et aboutissants de ce dossier, pourtant il a fait des déclarations sans connaissance de causes, simplement à cause de l’absence de toute forme de communication». Lors de la grève du 13 avril, les pharmaciens comptent donc interpeller la Cour des comptes, le gouvernement et l’opinion publique marocaine.
À travers cette grève, «nous [les pharmaciens] renouvelons notre détermination et appelons toutes les officines nationales à se mobiliser largement pour faire de ce jalon historique de la profession de pharmacien au Maroc une réussite, afin de voir se profiler à l’horizon un modèle de pharmacien renouvelé, qui redonne au pharmacien professionnel sa juste place dans le système national de santé, à l’image des pays développés», écrivent les syndicats.
Les centrales syndicales se disent toutefois prêtes à revoir leur programme de grève avec l’ensemble des syndicats locaux, notamment la grève de deux jours consécutifs annoncée précédemment et dont la date n’a pas encore été communiquée. Cela en accord avec l’ensemble des syndicats locaux de pharmacies, dans l’hypothèse où le ministère interviendrait dans les prochains jours favorablement avec leurs revendications.
«Nous sommes ouverts au dialogue sérieux mais la réunion tenue avec le ministre vendredi n’annonçait rien de sérieux. C’était juste une rencontre de forme qui a duré une demi-heure pour montrer que le département de tutelle interagit avec les doléances des pharmaciens», souligne Mohamed Lahbabi, président de la Confédération des syndicats des pharmaciens d’officine dans une déclaration accordée au Matin.
Une réunion peu convaincante
Dans une tentative de désamorcer la colère qui anime le corps pharmaceutique, le ministre de la Santé et de la protection sociale, Khalid Aït Taleb, s’était réuni le jeudi 6 avril à Rabat avec les représentants des centrales syndicales du secteur (Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc, Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc, Union nationale des pharmaciens du Maroc et Syndicat national des pharmaciens du Maroc). Cette réunion avait duré quatre heures, précise un communiqué des blouses blanches.
Lors de leur rencontre avec la tutelle, les pharmaciens d’officine ont pu discuter de la réforme et des malentendus accumulés dans le secteur, devenus un obstacle à l’exercice professionnel et à l’origine de la détérioration des conditions économiques de nombreuses officines. Ils ont également échangé autour de «l’interprétation erronée» des marges bénéficiaires réalisées par les pharmaciens dans le rapport annuel de la Cour des comptes.
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Ils expliquent qu’au cours de la réunion, le ministre a exprimé ouvertement la volonté de son département de coopérer avec les centrales syndicales nationales et d’ouvrir des voies de dialogue, afin de parvenir au principe d’une approche participative avec les professionnels pour résoudre les différentes problématiques professionnelles du secteur de l’officine.
Les pharmaciens avaient ainsi annoncé qu’ils ne renonceront pas à la grève nationale prévue le jeudi 13 avril 2023, étant donné que la rencontre avec le ministère «reste préliminaire et que ses caractéristiques ne sont pas claires, ni l’étendue de l’implication du ministère dans le traitement du dossier des revendications des pharmaciens, à la lumière des tensions professionnelles que connaît le secteur dans les circonstances actuelles et d’une rupture avec les professionnels qui dure depuis plusieurs années».
La réforme de la profession, principale revendication
Les revendications présentées lors de cette réunion sont nombreuses mais elles portent globalement sur la réforme des textes de loi régissant la profession, considérés désormais comme obsolètes. «Nous appelons d’abord à accélérer l’adoption et la promulgation du projet de loi n°98-18 relatif à l’ordre des pharmaciens du Maroc et d’élaborer de nouvelles lois et circulaires adaptées au développement scientifique et académique que connaît la profession», précise au Matin le président de la Confédération des syndicats des pharmaciens d’officine.
Et pour cause, le dossier traîne au Parlement depuis près de trois ans. Une situation qui a récemment abouti au rejet à l’unanimité du projet de décret-loi n°2.23.195 édictant des dispositions relatives à l’organisation des élections des Conseils régionaux des pharmaciens du Nord et du Sud.
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Contacté par nos confrères de Médias24, Mostafa Brahimi, membre de la Commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants, explique que «nous avons déjà une loi relative à l’Ordre national des pharmaciens qui vise à réformer le secteur officinal dans sa globalité. Le projet de décret-loi ne traite, lui, que de l’élection des conseils régionaux. C’est illogique de ne passer qu’une dizaine d’articles sur un sujet bien spécifique, sur une quarantaine d’articles visant la réforme globale.»
Pour le secrétaire général de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM), Amine Bouzoubaâ, le texte soumis à la Commission des secteurs sociaux le jeudi 9 janvier 2020 pour une première lecture, peine à voir le jour. Et même s’il voit le jour, il nécessitera des décrets d’application pour lesquels il faudra encore un certain temps. Il est à noter que le projet de loi relatif à l’Ordre va dans le sens de la régionalisation et prévoit la mise en place de plusieurs Conseils régionaux au lieu de deux actuellement.
Contacté par nos confrères du Matin, le secrétaire général déplore : «Aujourd’hui, la logique des parlementaires veut que l’on attende l’adoption du projet de loi n°98.18, dont la date n’est pas connue, pour que les élections des nouveaux Conseils régionaux soient organisées. En attendant, les pharmaciens d’officine continuent à manquer d’interlocuteur officiel auprès de la tutelle».
L’adoption du projet de décret-loi aurait permis de débloquer la situation des deux Ordres, considérés par la tutelle comme n’étant pas des interlocuteurs légitimes puisqu’ils ne sont investis d’aucun mandat représentatif.
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