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L’agriculture, locomotive de l’économie marocaine, occupe une place centrale dans les discours royaux. Face à la raréfaction de l’eau, l’Institut royal des études stratégiques (IRES) a organisé une journée d’étude le 28 février 2024. Le rapport de cette rencontre, publié le 27 mai, souligne l’importance de l’agriculture et des petits agriculteurs pour le PIB, l’emploi rural et la sécurité alimentaire.
Le secteur de l’agriculture est menacé par la rareté hydrique exacerbée par le changement climatique et les politiques publiques, détaille le rapport de l’IRES. Le Maroc, où l’agriculture consomme 85% des ressources en eau, subit des sécheresses fréquentes, réduisant les réserves hydriques de surface et souterraines.
Le changement climatique intensifie ces problèmes, entraînant une baisse drastique de la productivité agricole, comme la réduction de 70% de la productivité céréalière lors des années de sécheresse. La situation est aggravée par une gestion de l’eau centrée sur l’offre, avec une focalisation sur la construction de barrages plutôt que sur la maîtrise de la demande en eau. Les subventions agricoles ont aussi encouragé une irrigation privée extensive, augmentant la pénurie d’eau.
Le rôle public
Les experts préconisent des politiques pour sécuriser l’approvisionnement en eau et promouvoir une agriculture durable, essentielle pour la stabilité économique et sociale du pays. Le programme d’extension de l’irrigation privée au Maroc a favorisé des cultures à haute valeur ajoutée destinées à l’export, au détriment des cultures locales de base. Le souci, c’est que cette expansion incontrôlée menace les nappes phréatiques, déjà surexploitées. Les politiques publiques ont échoué à préserver les ressources naturelles essentielles à l’agriculture (eau, sol, forêts, biodiversité), compromettant la production, la résilience et la durabilité du secteur.
Le niveau d’organisation des petits agriculteurs, la valorisation insuffisante des produits agricoles et une mauvaise gouvernance augmentent ces problèmes. L’irrigation privée, souvent subventionnée sans discernement, explique le rapport, a amplifié la surexploitation des ressources en eau, aggravée par des politiques focalisées sur l’offre plutôt que sur la gestion de la demande.
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Les grandes cultures intensives, notamment le palmier-dattier, mobilisent excessivement les eaux souterraines, menaçant les écosystèmes traditionnels comme les oasis. Les lacunes en matière de recherche, d’innovation et de développement rural limitent l’accès des petits agriculteurs à l’information et au marché, fragilisant leur compétitivité et leur subsistance.
La situation critique de l’agriculture marocaine, aggravée par les changements climatiques et les dépendances alimentaires extérieures, exige une réorientation des politiques vers un développement agricole intégré et une souveraineté alimentaire renforcée pour assurer la sécurité alimentaire et la durabilité du secteur.
Le Maroc doit réduire sa dépendance alimentaire vis-à-vis du marché extérieur.
Les investissements publics dans l’agriculture sont insuffisants, représentant seulement 4% du budget général, loin des 10% recommandés par la déclaration de Malabo. Cette situation limite le dynamisme agricole et l’attraction des investisseurs privés. Les subventions favorisent principalement les productions destinées à l’exportation, accentuant la dépendance aux importations de denrées de base et d’intrants agricoles. Le Plan Maroc Vert (2008-2019) a réduit le déficit commercial agroalimentaire, mais le taux de couverture des importations par les exportations reste faible (52%). Cette dépendance pourrait s’aggraver avec l’augmentation démographique, les changements climatiques et la volatilité des marchés internationaux. De plus, le secteur financier ne propose pas suffisamment d’outils pour gérer les risques climatiques.
Petit agriculteur peine à devenir grand
Les agriculteurs marocains, souvent peu qualifiés et mal encadrés, peinent à adopter des pratiques modernes, limitant ainsi leur productivité. Les zones rurales souffrent d’un manque d’infrastructures de base. Les litiges fonciers et la fragmentation des terres entravent également les investissements agricoles.
Pour garantir un avenir meilleur, le modèle de développement agricole marocain doit être révisé en intégrant la souveraineté alimentaire, la durabilité des ressources naturelles et les avancées technologiques. Des assises nationales et régionales sont nécessaires pour discuter de l’avenir de l’agriculture, en optimisant la gouvernance et adoptant une approche territoriale inclusive et durable.
L’approbation des projets agricoles doit tenir compte de la rareté de l’eau et privilégier la partie renouvelable des ressources hydriques. La production agricole à faible empreinte hydrique doit être promue en utilisant le concept «d’eau virtuelle». Le rapport ajoute qu’il est essentiel de gérer durablement les eaux souterraines et de favoriser l’irrigation à partir d’eau dessalée pour les cultures à haute valeur commerciale.
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Des contrats de gestion des nappes et la rationalisation de l’exploitation des eaux pluviales devraient être mis en place. L’utilisation des eaux non conventionnelles traitées et la préservation du patrimoine forestier doivent être valorisées. Un système d’information fiable et un observatoire indépendant sont nécessaires pour collecter des données précises et évaluer les politiques agricoles.
Les agriculteurs doivent être au centre du développement agricole, avec un statut clairement défini et des perspectives attractives pour la nouvelle génération rurale. La coopération régionale et internationale doit être renforcée pour diversifier les sources d’approvisionnement et promouvoir la sécurité alimentaire.
Adopter une politique alimentaire axée sur la petite agriculture familiale et les besoins locaux est crucial pour réduire la dépendance alimentaire et favoriser la durabilité.
Les subventions agricoles doivent être réévaluées pour atteindre des résultats tangibles et stimuler les investissements dans l’industrie agroalimentaire. Pour développer le potentiel agricole marocain, il est crucial de favoriser l’intégration entre agriculture et élevage en renforçant les systèmes sylvo-agro-pastoraux (activité de production qui associe par le pâturage des espaces de natures différentes) pour une gestion durable des ressources et une meilleure productivité.
Une production et une commercialisation socialement responsables doivent être promues pour réduire les coûts et obstacles commerciaux. Le soutien à l’agriculture familiale, par l’accès aux financements, marchés, formations et technologies adaptées, est essentiel. La réévaluation des stratégies des terrains de parcours et des initiatives de santé animale est nécessaire pour améliorer la résilience du cheptel, notamment en période de sécheresse.
Il est, par ailleurs, vital de renforcer les programmes d’adaptation au changement climatique en améliorant l’irrigation, la conservation des sols, et en introduisant des techniques innovantes comme l’hydroponie et l’agriculture circulaire. Promouvoir l’agriculture climato-intelligente et urbaine, comme les fermes verticales, aide à produire localement tout en préservant les ressources en eau.
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