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Partis politiques : où va l’Istiqlal ?

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La frustration des militants du plus ancien parti politique marocain est froide et contenue, mais bien présente. La coupe est pleine. La confiance et la loyauté qu’ils avaient pour les dirigeants du parti de la balance ont été ébranlées. En cause, le report du congrès extraordinaire prévu initialement au mois d’août dernier et l’absence de toute communication autour d’une nouvelle date. Pourtant, la tenue de ce rendez-vous est capital pour la conformité du parti à la loi et pour qu’il bénéficie du financement public.

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Troisième force politique selon les résultats des élections générales de 2021, le Parti de l’Istiqlal (PI) vit une grave crise organisationnelle. La direction du parti est dans l’incapacité de tenir son 18e Congrès national. Et pour cause, des divergences profondes divisent deux courants opposés, celui de Hamdi Ould Rachid et celui de l’actuel secrétaire général, Nizar Baraka. L’influent notable sahraoui veut détrôner le petit-fils de l’un des pères fondateurs du parti nationaliste-conservateur, Allal El Fassi. Dans sa lutte, le Sahraoui compte sur plusieurs figures de proue du PI dont l’actuel président de la Chambre des conseillers, Enaam Mayara, deuxième gendre de Hamdi Ould Rachid et également secrétaire général de l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), bras syndical du parti.

Nizar Baraka compte sur les personnalités incontournables du PI mais pas que. Le ministre de l’Équipement et de l’Eau déploie des efforts considérables en tenant des réunions directes avec les militants du parti dans les régions qui ne sont pas sous l’influence du courant Ould Rachid, puissant maire de Laâyoune. Baraka veut ainsi mobiliser les militants pour garantir les conditions organisationnelles locales pour la tenue du 18e Congrès national du parti. Difficile quand les inspecteurs du parti sont aux abonnés absents, dégoûtés par la fermeture de certains bureaux du PI à cause du non-paiement des loyers. Les tournées « individuelles » de Nizar Baraka, sans impliquer la majorité des membres du Comité exécutif du parti, sont loin d’être la solution organisationnelle à même de contrer l’influence du courant de Hamdi Ould Rachid.

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Un vent contraire venu du Sahara

Soutien indéfectible de Nizar Baraka contre Hamid Chabat en 2017, Hamdi Ould Rachid veut désormais la place du secrétaire général du PI. Au mois de juin 2022, les forces de sécurité ont dû quadriller les abords du siège historique du parti à Rabat, afin d’appliquer la décision d’urgence du tribunal de suspendre l’organisation d’un congrès extraordinaire d’un mouvement parallèle. Il s’agissait de la Jeunesse de la renaissance, qui soutient le courant de Ould Rachid.

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Présence importante des forces de l’ordre devant le siège du PI à Rabat fin juin 2022 © DR

Ce conflit concernait une association civile liée à une organisation parallèle au sein du PI, qui n’a aucun impact politique à l’intérieur du parti ou sur ses décisions. Cependant, le courant Ould Rachid voulait tester la force de Nizar Baraka avant le congrès extraordinaire du parti prévu le 6 août 2022.

Le congrès extraordinaire fut reporté. Dans un communiqué publié à l’issue de sa réunion hebdomadaire, le Comité exécutif avait expliqué que ce report était nécessaire afin de continuer à préparer matériellement, logistiquement et moralement le congrès, tout en laissant le temps aux conditions et à l’atmosphère de mûrir pour la tenue de cet événement organisationnel. Le comité avait déclaré qu’il « poursuivait les discussions sur tous les amendements qui ont suscité des débats » au sein du parti, dans le but d’aboutir à un consensus complet et de chercher à unifier les points de vue en les révisant, en les améliorant et en améliorant leur formulation. L’objectif était de parvenir à des amendements qui recueillent l’approbation de tous les membres, à condition que la date de ce rendez-vous organisationnel soit fixée une fois que la formulation consensuelle de ces amendements aura été finalisée.

Seulement voilà, neuf mois plus tard, les réunions successives du Comité exécutif du parti n’ont pas permis de fixer une nouvelle date malgré la promesse d’une annonce après Aïd Al-Fitr. C’est que le conflit ouvert entre les partisans de Baraka et le clan de Ould Rachid a repris de plus belle, l’un essayant de déstabiliser l’autre.

Cela est particulièrement évident après l’apparition de divergences au sein des équipes du parti au niveau des deux chambres du Parlement. Certains leaders du parti de la balance critiquent le silence de Baraka, et son recul face au notable sahraoui. Ils reprochent au numéro 1 de l’Istiqlal de se concentrer uniquement sur les affaires ministérielles et les problèmes liés à l’eau plutôt que d’organiser des réunions partisanes afin de préserver son prestige sur la scène politique.

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Tout sauf la scission pour l’Istiqlal

Il faut tout de mettre et reconnaître que Nizar Baraka a souligné que la gestion de la prochaine étape doit se faire dans le cadre du consensus axé sur un resserrement des rangs dans le traitement des divergences de points de vue. L’héritier d’Al Fassi veut coûte que coûte maintenir l’esprit d’unité et d’harmonie au sein de l’Istiqlal. Il ne veut surtout pas voir le clan Ould Rachid quitter le navire istiqlalien et créer une nouvelle formation politique comme ce fut le cas après l’indépendance du Maroc. La première scission de 1959 ayant donné naissance à l’Union nationale des forces populaires (UNFP) demeure un souvenir cauchemardesque pour le parti de Allal El Fassi. En 2008, une deuxième micro-scission conduisit à la création du Parti de l’unité et de la démocratie (PUD).

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La crise actuelle a été alimentée tout d’abord par les négociations pour la formation du gouvernement Akhannouch et pendant lesquelles Baraka a joué cavalier seul, ce qui a exaspéré les partisans d’Ould Rachid. Puis, il y a eu les amendements proposés à la veille du congrès extraordinaire programmé pour le 6 août avant qu’il ne soit reporté. Ces amendements incluaient, entre autres, l’annulation de l’adhésion des parlementaires au Conseil national du parti, ainsi que la réduction du nombre de membres du Comité exécutif. Soutenus par le courant Ould Rachid, ces amendements ont été rejetés par les partisans du secrétaire général.

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Sous couvert d’anonymat, un ex-cabinard du temps de l’ex-premier ministre Abbas El Fassi a reconnu que Baraka n’avait pas le charisme nécessaire pour faire face à Ould Rachid. «Nizar est un grand manager et un fin connaisseur des affaires économiques. Cependant, il n’a pas assez de poigne pour se mesurer à Ould Rachid. Au sein du parti, les militants sont estomaqués devant la mollesse de Nizar qui subit des attaques frontales sans réagir. Je ne sais comment cela va se terminer, mais tout ça va ternir l’image du parti et l’affaiblir face aux deux autres formations politiques de la majorité».

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Nizar Baraka se tenant aux côtés d’Enaam Mayara lors du rassemblement de l’UGTM à l’occasion du 1er mai © DR

Une crise financière sans précédent

Le report du congrès national du PI l’a privé de toute possibilité de bénéficier du financement public pour les années 2021 et 2022, car le parti est désormais en dehors du cadre légal fixé par la loi organique relative aux partis politiques. L’article 49 de cette loi stipule que «Tout parti politique doit réunir son congrès national au moins une fois tous les quatre ans. En cas de non-réunion dudit congrès pendant cette période, le parti politique perd son droit au financement public. Le parti récupère ce droit à compter de la date de régularisation de sa situation». Or, le PI n’a pas tenu de congrès national depuis 2017.

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Bannière de la page officielle du PI sur Facebook © PI

Contactées par LeBrief, plusieurs sources au sein du PI nous ont confirmé que le parti traverse une crise financière étouffante. Depuis des mois, un membre du Comité exécutif et Nizar Baraka himself couvrent -en guise de prêt- les dépenses du parti en prenant en charge les salaires des employés du siège central et de certains inspecteurs dans les provinces. Les organes de presse Al Alam et L’Opinion souffrent également d’un déficit financier abyssal. À savoir que le parti de la balance a récolté pas moins de 20 millions de DH (MDH) après la vente fin 2019 du siège historique de ces journaux sur le Boulevard Hassan II, près du Complexe sportif Moulay Abdallah sur la route de Témara.

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L’ancien siège de la société Arrisala, éditrice des quotidien Al Alam et L’Opinion © DR

L’avenir du PI semble plus incertain que jamais. Le plus ancien parti politique du Maroc est au bord de l’implosion. Les anciens leaders tels qu’El Fassi, Balafrej, Douiri, Ghellab et Boucetta, Douiri, Ghellab doivent se retourner dans leurs tombes. Les Istiqlaliens doivent honorer la mémoire de leurs prédécesseurs et faire des concessions pour dépasser leurs divergences. Il en va de la survie d’un grand parti qui a fait l’histoire du Maroc contemporain. Cette formation a commis des erreurs impardonnables après l’indépendance du Royaume. Elle a un devoir de réparation. Elle doit aussi procéder à un toilettage interne pour ne pas faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

Bref aperçu historique
La création du Parti de l’Istiqlal (PI) fut intimement liée à l’éveil de la conscience nationale et à la ferme volonté de recouvrer la souveraineté  du Maroc. Cette lutte pour l’indépendance a conduit à une structuration progressive du mouvement national (Koutla de l’action nationale, 1934, et Parti national, 1937)  et finalement, à la création officielle du Parti de l’Istiqlal le 11 janvier 1944, suite à la présentation du Manifeste de l’Indépendance et de la démocratie.
L’identité idéologique du Parti repose sur une troisième voie, celle de l’«égalitarisme économique et social» qui, à la fois garantit l’égalité des chances, humanise l’économie de marché, et enfin renforce l’économie sociale et solidaire tout en instaurant un nouveau mode de développement durable et équilibré. De même, l’objectif est de placer l’élément humain au centre de toutes les politiques publiques. Cette doctrine vise aussi la réduction des disparités sociales et territoriales afin d’améliorer le niveau de vie des citoyens et de permettre l’édification d’une société juste et solidaire. Cette idéologie est basée sur les préceptes de l’Islam et sur les valeurs morales que sont : la liberté, la citoyenneté responsable, la solidarité et l’éthique.

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