Accueil / Économie

Parité euro-dollar : quel impact sur le Maroc ?

Temps de lecture

Chute de l’euro face au dollar (image d'illustration) © DR

Un euro équivalait à moins d’un dollar, mercredi 13 juillet. Un seuil qui n’avait jamais été atteint depuis la mise en circulation de la monnaie unique européenne en 2002. Est-ce une mauvaise nouvelle pour l’économie marocaine ? Quel impact ? Les économistes répondent.

Pendant 20 ans, la monnaie unique européenne s’est maintenue au-dessus du billet vert, avec un point culminant à plus de 1,60 dollar en juillet 2008, quand la monnaie américaine avait perdu de sa valeur à cause de la crise de 2008. Mais la donne a désormais changé : l’euro ne cesse de perdre en valeur jusqu’à avoir atteint ce seuil symbolique cette semaine.

Pourquoi cette chute de l’euro ?

Les raisons sont multiples. Mais cette situation s’explique d’abord par les prévisions de croissance qui n’incitent pas à l’optimisme dans la zone euro. En mai dernier, la Commission européenne a revu à la baisse ses pronostics pour le PIB européen, projetant une croissance à 2,7% en 2022, contre 4% initialement prévue. Ainsi, la valeur de l’euro a tendance à baisser avec une croissance qui tourne au ralenti.

«Au printemps dernier, l’euro valait autour de 1,2 dollar. Il a ainsi perdu 13,2% sur un an. Une telle dépréciation inquiète les marchés et les investisseurs. L’euro est en train de se dégrader face au dollar, pas face à l’ensemble des autres monnaies. Ce n’est pas tant que l’euro plonge, selon les économistes européens, c’est surtout que le dollar se renforce, et que l’économie américaine se montre plus robuste par rapport, notamment, aux chocs liés à la guerre en Ukraine», explique Driss Aissaoui, expert économique.

À cela s’ajoute l’inflation élevée liée principalement aux prix de l’énergie (électricité, pétrole, gaz…) qui s’envolent avec la guerre. Sans oublier les retombées économiques de la pandémie de la Covid-19 ainsi que le conflit militaire russo-ukrainien, particulièrement le fait que la Russie ait réussi à faire payer son pétrole et gaz en rouble.

Autre raison : le climat d’incertitude, généré par la guerre, se traduit sur le marché des changes par une défiance des investisseurs envers l’euro au profit de la valeur refuge que constitue le dollar. En sa qualité de monnaie de réserve mondiale, la devise américaine reste la plus facile à échanger à l’international, attirant ainsi les investisseurs en cette période.

«Aujourd’hui, cette parité est synonyme d’accélération de l’inflation, de fuite des capitaux vers les États-Unis et de surcout des importations énergétiques et de produits chinois, puis d’exportations moins rentables, cette nouvelle donne risque d’aggraver le déficit commercial de certains pays comme la France, l’Espagne et les Pays-Bas», fait savoir Abdelghani Youmni, économiste et spécialiste des politiques publiques.

Lire aussi: L’euro atteint la parité avec le dollar, une première

Quel impact sur le Maroc ?

Comment expliquer cette dépréciation ? Selon Aissaoui, la dépréciation découle des décisions américaines. «L’inflation a été plus forte aux États-Unis, du fait des politiques budgétaires menées par Joe Biden. Ses plans de relance massifs ont stimulé la hausse des prix de manière plus brutale, ainsi que la hausse des salaires. Donc la Réserve fédérale, banque centrale américaine, a dû augmenter plus rapidement ses taux d’intérêt pour éviter cette inflation galopante».

Pour le Maroc, ces évolutions auront certes un impact sur le commerce extérieur du pays. Ainsi, le Maroc qui achète ses importations en dollars devra désormais payer plus cher. Mais selon l’économiste, la mesure de cet impact n’est pas immédiate. «L’économie marocaine n’est pas totalement arrimée au système de change européen. Le dispositif de change marocain a d’ailleurs prévu ce genre de situation», ajoute Driss Aissaoui.

Pour sa part, Abdelghani Youmni affirme que la dégradation de l’euro est mauvaise pour le dirham. «La monnaie européenne représente 60% dans le panier de cotation du dirham dont le régime de change est à flottement géré. La dépréciation de l’euro rend le dollar plus cher et la facture énergétique plus coûteuse, de même pour les importations en dollars. Pour les exportations en euro, les recettes seront diminuées par les mécanismes de change et les importations moins coûteuses».

Youmni indique également que les transferts des Marocains de l’étranger seront aussi négativement impactés. Un autre secteur pourrait, d’après lui, devenir une externalité négative de l’effet appréciation du dirham face à l’euro: le tourisme. «Le Maroc deviendra une destination chère et cela pourrait conduire à des séjours plus courts ou à des arbitrages entre des pays comme la Tunisie, l’Égypte et le Maroc», affirme-t-il pour LeBrief.

Toutefois, l’impact sera négatif pour les revenus des Marocains. «Il y aura un impact surtout de l’inflation qui pourrait augmenter encore de 0.5 à 1 points pour atteindre 5.5 à 6% si les cours du pétrole et du gaz ne fléchissent pas. Quant aux 10% de Marocains dont les revenus sont indirectement libellés en euro par exemple, le revenu dirham ne va pas changer, mais les entreprises délocalisées qui opèrent en euro verront les charges du coût de production augmentées à cause de la relative appréciation du dirham», conclut Abdelghani Youmni.

Lire aussi: États-Unis : record de l’inflation

L’Afrique également affectée

Une chose est sûre : la faiblesse de l’euro va avoir des conséquences sur le continent africain, notamment pour les États dont la monnaie est le franc CFA, soit 14 pays de l’Afrique de l’Ouest et centrale. La raison ? Le franc CFA est indexé sur l’euro et évolue à la hausse ou à la baisse du dollar. Ainsi, les États auront du mal à rembourser leur dette et à payer leur importation.

En revanche, pour les pays exportateurs, cette appréciation du dollar sera vue comme une revalorisation de la valeur des exportations. C’est-à-dire qu’avec le même volume d’exportation qu’avant, les États encaisseront beaucoup plus de francs CFA que par le passé.

Et pour faire face aux chocs mondiaux, les économistes africains insistent sur le développement et la diversification de l’offre locale pour réduire leur dépendance de l’importation des pays occidentaux.

Dernier articles
Les articles les plus lu

Maroc – Sénégal : un partenariat stratégique pour un avenir partagé

Afrique, Diplomatie, Économie - Le Maroc et le Sénégal réaffirment leur volonté de renforcer un partenariat économique solide, à l’occasion d’entretiens entre Nadia Fettah et Yassine Fall.

Ilyasse Rhamir - 25 décembre 2024

Le ministère de l’Équipement accélère les études pour le tunnel d’Ourika

Économie - Le département de Nizar Baraka a annoncé, mardi, que son département travaille activement sur les études finales visant à déterminer le coût global du projet de tunnel d'Ourika.

Rédaction LeBrief - 25 décembre 2024

Port de Tanger : les débarquements de pêche reculent de 30% à fin novembre (ONP)

Économie - Les débarquements de la pêche côtière et artisanale au port de Tanger ont chuté de 30% à 3.330 tonnes à fin novembre 2024, selon l’ONP.

Rédaction LeBrief - 25 décembre 2024

Adjudication du 24 décembre : souscription de BdT pour 100 MDH (DTFE)

Économie - Un montant de 100 millions de dirhams (MDH) a été alloué en réponse à une offre globale de 2,25 milliards de dirhams, lors de l'opération d'adjudication des bons du Trésor (BdT) tenue ce mardi.

Rédaction LeBrief - 25 décembre 2024

Le Maroc vise à atteindre 67% de routes en bon état d’ici 2027

Économie - Actuellement, 64% des routes marocaines sont en bon ou excellent état, l’objectif est d’atteindre un taux de 67% d’ici 2027.

Ilyasse Rhamir - 25 décembre 2024

Maîtrise des prix : une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat ?

Économie - L'inflation devrait descendre à 1% en 2024. Quand cette maîtrise de prix sera-t-elle positive pour le pouvoir d'achat ?

Sabrina El Faiz - 25 décembre 2024

Coupe du Monde 2030 : 35 villes en plein chantier

Économie - Le Maroc met les bouchées doubles pour accueillir la Coupe du Monde 2030, un événement qui promet de booster le développement à l’échelle nationale.

Ilyasse Rhamir - 25 décembre 2024

LF 2025 : le gain aux jeux de hasard désormais imposé

Économie - À partir du mois de juillet 2025, tout gain réalisé grâce aux jeux de hasard deviendra imposable dans le champ de l'impôt sur le revenu (IR).

Mouna Aghlal - 24 décembre 2024
Voir plus

L’avocat Hass arrive sur le marché géorgien

Économie - Trop cher pour les Marocains, mais au bon prix pour les Géorgiens. L'avocat Hass marocain fait son entrée sur ce nouveau marché.

Sabrina El Faiz - 3 avril 2024

Plus de 10 millions de tonnes de céréales importées en 2024

Économie - La FNCL révèle la tendance des importations de céréales, ainsi que les principaux partenaires commerciaux du Maroc.

Mouna Aghlal - 3 janvier 2025

Tourisme : « Maroc, Terre de Lumière » sacrée meilleure campagne publicitaire internationale

Économie - Nouvelle consécration pour l’ONMT, mardi 21 juin, à Madrid. L’institution a reçu le prix de meilleure campagne internationale pour "Maroc, Terre de Lumière".

Manal Ben El Hantati - 23 juin 2022

Janvier 2025 : qu’est-ce qui change pour les ménages ?

Économie Pour janvier 2025, les ménages marocains verront leurs revenus augmentés, comme certains prix.

Mouna Aghlal - 2 janvier 2025

Bourse : performances et perspectives pour 2025

Économie - 2024 a été une année charnière pour la Bourse de Casablanca, marquée par des performances contrastées parmi les entreprises cotées.

Ilyasse Rhamir - 3 janvier 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire