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Le système de retraite, confronté à d’importants défis tels que la durabilité de ses réserves et sa capacité à remplir ses fonctions économiques et sociales, souffre de vulnérabilités structurelles sans une réforme globale et cohérente. Reconnaissant la gravité de la situation, le gouvernement a initié des réformes pour stabiliser financièrement le système et poser les bases d’une réforme structurelle profonde. Depuis 2013, une commission nationale travaille à la réforme des systèmes de retraite, ayant proposé des changements, notamment la création d’un système bifurqué public et privé, et des réformes des pensions civiles pour étendre la durabilité du système jusqu’en 2028.
Les actions réformatrices entreprises depuis 2016 incluent l’augmentation de l’âge de la retraite à 63 ans, l’élévation du taux de contribution de 20% à 28%, et l’ajustement des calculs de pension sur la base de 2% du salaire plutôt que 2,5%, ainsi que l’introduction d’un système de pensions pour les non-salariés. Toutefois, ces mesures, bien qu’essentielles, n’ont pas résolu de manière durable les problèmes structurels du système.
En 2020, le gouvernement a aussi mis en œuvre la loi numéro 99.15, créant un système de pensions pour les non-salariés. Malgré ces efforts, les réformes n’ont pas fourni de solution complète à la crise structurelle du système de retraite. En réponse, en 2022, le gouvernement de Aziz Akhannouch a adopté une nouvelle stratégie réformiste basée sur un dialogue social renouvelé. Un accord signé le 30 avril 2022 a conduit à la création d’une commission réformiste intégrant des syndicats et des représentants d’organisations professionnelles, qui a commencé à évaluer et proposer des réformes pour les systèmes de retraite. Ce processus, qui se poursuit jusqu’en mai 2023, inclut la surveillance des étapes de mise en œuvre et la formulation de recommandations pour assurer une réforme efficace et inclusive.
Aperçu de la situation du système de retraite
La Caisse marocaine des retraites (CMR) est confronté à un équilibre précaire. Malgré la réforme métrique, elle devrait épuiser ses réserves d’ici 2028 en raison de la dette implicite liée aux droits acquis antérieurement. Pour honorer ses engagements, le fonds nécessitera un apport annuel d’environ 14 milliards de DH (MMDH).
Concernant le système collectif d’octroi des pensions de retraite, il présente un déficit actuel de 3,3 MMDH. Cependant, ses réserves substantielles, évaluées à 135 MMDH, lui assurent une durée de viabilité jusqu’en 2052. Ces réserves robustes permettent de compenser le déficit grâce à des retours financiers.
Quant à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), son déficit demeure modeste comparé à ses réserves de 375 MMDH. La pérennité du système est assurée jusqu’en 2038. Ce fonds a également la possibilité d’effectuer des réformes métriques, en envisageant notamment une augmentation du taux de contribution, qui est actuellement de 11,89%, et de l’âge de la retraite fixé à 60 ans.
Lire aussi : Dialogue social : l’épineuse réforme des retraites
Scénarios de réforme envisagés
Dans le cadre de la restructuration proposée par le gouvernement et discutée lors des sessions du dialogue social, des changements sont prévus pour les caisses de retraite. Les réformes incluent l’instauration d’un plafond uniforme pour le régime de base, fixé à deux fois le salaire minimum, applicable à la fois dans les secteurs public et privé. En complément, une pension complémentaire obligatoire et une optionnelle pour ceux qui en ont la capacité seront introduites, avec un passage d’un système de pourcentage à un système de points et l’abandon du calcul des pensions basé sur le salaire des huit dernières années au profit d’un calcul fondé sur la durée totale de la carrière.
Les mesures spécifiques comprennent l’adoption d’un plafond pour le régime de base à deux fois le salaire minimum pour faciliter la transition vers un système unifié, la réduction des taux de remplacement pour les salaires élevés dans le secteur public, le gel des droits acquis sans réévaluation des pensions pour les dix prochaines années, l’augmentation de l’âge de la retraite à 65 ans pour tous les secteurs, et l’augmentation des taux de cotisation y compris pour le secteur privé.
Ces ajustements sont conçus pour assurer la viabilité à long terme des systèmes de retraite face aux défis démographiques et économiques, en visant à maintenir une équité entre les générations actuelles et futures.
Observations de l’OTRAGO sur le système de réforme des retraites
Le rapport de l’Observatoire du travail gouvernemental (OTRAGO) sur les scénarios de réforme des systèmes de retraite met en avant certaines avancées notables tout en soulignant plusieurs faiblesses. La démarche adoptée par le gouvernement est appréciée pour son intégration à l’agenda du dialogue social conclu le 30 avril 2022, qui a engagé des acteurs économiques et sociaux dans la prise de décision. Cette réforme prévoit la création de deux pôles pour les systèmes de retraite, public et privé, avec une unification des méthodes de calcul des compensations en vue d’une fusion finale des systèmes.
Cependant, diverses critiques émergent concernant la réactivité du gouvernement face aux problèmes structurels profonds des systèmes de retraite. Il est notamment reproché au gouvernement de ne pas traiter les causes de la crise, comme le retard prolongé de l’État dans le paiement de ses obligations, qui exacerbe le déficit structurel des fonds. De plus, les dettes dues au système de pensions militaires, évaluées à 7 MMDH, pèsent lourdement sur la CMR.
Les mesures proposées par le gouvernement omettent également une stratégie pour améliorer le rendement des investissements des réserves des caisses de retraite, ainsi que pour évaluer et optimiser leur utilisation. De sérieuses lacunes en termes de gestion ont été signalées dans divers rapports officiels, exposant des erreurs de gestion qui ont exacerbé les défis financiers des fonds.
Le gouvernement a opté pour une approche unilatérale dans la réforme, avec des mesures telles que l’augmentation de l’âge de la retraite, la réduction des compensations et l’augmentation des cotisations qui reposent majoritairement sur les travailleurs, sans que le gouvernement ne prenne en charge sa part de responsabilité dans les déséquilibres causés par des décennies de gestion défaillante.
En outre, il est critiqué pour son manque de communication et pour l’exclusion d’un débat ouvert lors des sessions de dialogue social, limitant ainsi la participation de larges segments de la société dans la conception des politiques stratégiques. Ces observations mettent en évidence le besoin d’une révision plus complète et participative des stratégies de réforme des systèmes de retraite pour aborder non seulement les symptômes mais aussi les racines des défis actuels.
Lire aussi : Cour des comptes : alerte sur la viabilité des régimes de retraite
Les recommandations de l’OTRAGO
La nécessité pour le gouvernement de prendre ses responsabilités en remboursant ses dettes non payées de 1959 à 1997 est urgente, car cela a entraîné une perte estimée à plus de 25 MMDH, affectant directement la rentabilité du système. Il est également essentiel d’adopter une réforme graduelle, avec un plan d’action à moyen terme d’au moins dix ans pour assurer une réforme complète et durable. Une révision des lois régissant la gestion des réserves des caisses de retraite est requise pour accroître leur rendement à au moins 8% par an, améliorant ainsi leur contribution au financement de l’économie nationale.
Il est proposé d’éliminer l’exemption permettant a la CNSS de gérer ses fonds de réserve de manière isolée, ce qui lui permettrait d’augmenter son rendement et de résoudre le problème de déficit, prolongeant ainsi la durée de vie de ses réserves. Des réformes globales et sécurisées sont nécessaires pour les systèmes de retraite et d’autres systèmes comme la caisse de compensation et le régime fiscal, en particulier en ce qui concerne la taxation des revenus des employés, afin de garantir que les réformes n’affectent pas négativement la capacité d’achat des retraités.
Il est suggéré d’exempter les employés de plus de 55 ans de tout impact négatif des réformes futures, en se concentrant plutôt sur les générations plus jeunes. Un minimum de pension de retraite de 1800 DH est recommandé pour préserver le pouvoir d’achat des travailleurs à faible revenu. Il est également conseillé de relever le plafond du régime de base pour le calcul des compensations de retraite pour qu’il corresponde mieux aux revenus des employés.
Des efforts doivent être faits pour faciliter la transition entre les systèmes de retraite publics et privés afin d’améliorer la mobilité de la main-d’œuvre active entre les secteurs public et privé. Il est impératif de réduire les pertes et d’accélérer la mise en œuvre des réformes d’ici fin 2024 au plus tard. Un cadre législatif clair, définissant une feuille de route obligatoire pour la réforme des systèmes de retraite, doit être établi pour impliquer tous les acteurs : individus, entreprises, secteurs gouvernementaux, collectivités territoriales et institutions publiques.
Enfin, il est crucial de mettre en place des mesures fiscales ciblées pour financer les travaux de protection sociale en général, et les systèmes de retraite en particulier, afin d’assurer une gestion durable et équitable des fonds de retraite et de protection sociale.
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