Le massacre de Meknès, tristement appelé «octobre noir», est une page sombre de l’histoire du Maroc. Nous sommes en octobre 1956, à peine quelques mois après que le pays a retrouvé son indépendance. Pourtant, la libération tant espérée se teinte de sang, révélant les tensions cachées qui subsistent dans cette période de transition. Retour en arrière…

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Après des décennies de colonisation, le Maroc voit enfin se lever le soleil de la liberté. Le retour du roi Mohammed V en novembre 1955 et les accords signés quelques mois plus tard symbolisent la fin de l’emprise coloniale française. Malheureusement, indépendance ne signifie pas fin des conflits. Les fractures sont nombreuses : politiques, sociales, et bien sûr, économiques. Le pays est en pleine réorganisation, et les luttes d’influence se multiplient au sein même des sphères nationalistes qui ont œuvré pour la libération.

Meknès, alors grande ville agricole et militaire sous le protectorat français, est un foyer où cohabitent Marocains et colons. Si la majorité de la population célèbre la fin du joug colonial, certains expatriés français perçoivent cette nouvelle ère avec amertume et défiance. D’autres tentent de s’adapter à ce Maroc qui semble désormais étranger, tandis que des rancœurs profondément enfouies remontent à la surface. C’est dans ce climat d’incertitude et de tension que Meknès va connaître l’horreur.

Les événements tragiques de ce mois d’octobre 1956 trouvent leurs racines dans cette confrontation latente entre Français et Marocains. À Meknès, une série de rumeurs circulent. Elles évoquent des violences, des règlements de comptes, des colons agressés par des Marocains en quête de revanche. Dans une ville marquée par le passé militaire, cette atmosphère délétère va rapidement dégénérer.

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Tout commence par des accrochages isolés entre des civils français et des membres de la résistance marocaine. Les Français, encore nombreux dans certaines villes comme Meknès, sont perçus comme les représentants d’une époque révolue, un symbole vivant de l’humiliation coloniale. Mais au lieu de contenir ces tensions, la violence verbale se transforme peu à peu en un déchaînement incontrôlé. Dans les rues de Meknès, les affrontements éclatent, entraînant des représailles aveugles de part et d’autre.

Le 23, un appel à la grève est lancé à 10 heures et rapidement suivi par la population. Des groupes déferlent dans les rues, les commerces ferment et les chantiers s’interrompent. Dès 10 heures, une première manifestation éclate dans la médina, suivie par deux autres à 11 heures, dont l’une rassemble 3.000 personnes. À midi, les Juifs du mellah fuient vers les camps militaires français. Les manifestants dépassent le barrage de police au rond-point de Bou-Ameur. Vers 13 heures, les cortèges se dispersent.

L’après-midi est marqué par des actions sporadiques, tandis qu’un meeting de l’UMT se tient au stade Poeymirau. À 16 heures, un coup de feu retentit, tuant un garde municipal, Abdesslem Messkaldi. La France tente de flouter l’origine de ce tir, selon eux, le garde se serait accidentellement blessé. Un point de vue qui n’est pas partagé par le Maroc. Cette mort déclenche une série d’émeutes violentes. Les Européens sont chassés, leurs voitures retournées et des policiers français sont tués.

À 17 heures, des troupes françaises, appuyées par des forces marocaines, interviennent pour tenter de ramener le calme. Un couvre-feu est instauré dès 20 heures.

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Octobre noir

Les journées qui suivent sont d’une violence inouïe. Des rafales d’armes automatiques résonnent dans les ruelles pavées de Meknès. Des milices coloniales, soutenues en secret par certains éléments restés fidèles au protectorat, s’en prennent aux Marocains, qu’ils accusent de fomenter un complot contre leur présence. Les représailles sont aveugles, brutales. Des hommes, des femmes, des enfants, tous suspectés d’être des «ennemis» de la présence française, sont traqués.

Les rues autrefois paisibles deviennent des scènes de carnage. Des familles marocaines sont chassées de leur maison, prises pour cible simplement en raison de leur identité. Des témoignages parlent de massacres dans les quartiers populaires, où des groupes armés investissent les lieux pour, selon eux, rétablir l’ordre, un ordre qu’ils pensent être celui d’une domination coloniale toujours légitime.

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Dans cette confusion générale, le bilan est lourd : plusieurs dizaines de Marocains sont tués, victimes de représailles, de règlements de comptes, ou simplement d’être au mauvais endroit au mauvais moment. La ville, jadis symbole de cohabitation entre Français et Marocains, sombre dans le chaos.

Feu le roi Mohammed V, profondément affecté par ces événements, appelle à l’apaisement et à la réconciliation. Il tente de réaffirmer son autorité face à des forces qui veulent encore maintenir une influence sur le Maroc indépendant. Le gouvernement marocain cherche à étouffer les conséquences de cette tragédie pour éviter de raviver les tensions nationales et internationales, notamment avec la France. Cependant, les plaies sont béantes, et la ville de Meknès restera marquée par cette violence longtemps après les événements.

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