Chine-Afrique : A quel prix ?

La spectaculaire percée économique de la Chine en Afrique est un projet réfléchi qui rentre dans son objectif stratégique de devenir la «puissance mondiale majeure» d’ici 2049, année du centenaire de la Chine Populaire. Au dernier Forum Chine-Afrique en février 2019, Xi Jinping avait promis aux chefs d’État africains que Pékin consacrera 60 milliards de dollars au développement du continent. De ce montant, 15 milliards seraient déclinés sous forme d’aide (méfiez-vous de cette nomenclature) et de prêts sans intérêts.

Dans sa marche en avant, Pékin semble appliquer une double doctrine : soit tu es avec moi, soit tu es contre moi sur le dossier « Taïwan » et le fameux principe de non-ingérence dans les affaires intérieures poussé à l’extrême, quitte à dealer avec le diable. Les investissements chinois, essentiellement portés par des entités publiques (et donc liées au Parti Communiste) et l’aide en Afrique sont méthodiquement orientés vers les pays n’ayant pas de relations avec Taïwan. L’Empire du Milieu ne s’embarrasse pas non plus du « casier judiciaire » des régimes africains en matière de droits de l’Homme. Cette non-ingérence apparente est perçue par certains dirigeants comme une marque de considération.

Mais ce qui est surtout apprécié des dirigeants africains, c’est le pragmatisme de Pékin. Là où les négociations avec des bailleurs de fonds internationaux type Banque Mondiale auraient mis deux à trois ans sur un projet d’infrastructure, avec la Chine, on finalise tout en six mois. Au pire, neuf mois. Mais le prix politique et financier de ce que Pékin présente comme sa «disponibilité à contribuer au développement du continent africain» est très élevé. Les taux d’intérêts adossés au financement des routes, des chemins de fer, des hôpitaux ou des autoroutes, sont excessivement élevés. Le FMI qui croyait en avoir fini avec le problème de la dette des pays pauvres, s’alarme que l’endettement des pays les moins avancés augmentent depuis plus d’une décennie. A cela il faut ajouter une myriade de clauses secrètes de conditionnalité et sur la prise de contrôle d’infrastructures en cas de défaut de l’État à honorer ses échéances ou le gage des exploitations minières. Ce qui a largement entraîné le désamour entre la Chine et les opinions publiques africaines.

Voilà un autre chantier pour Pékin.

Sources à consulter :

Comment les Chinois mènent la conquête de l’Afrique : Richard Hiault – LesEchos

La Chine promeut son modèle Parti-armée en Afrique : Paul Nantulya – Africa Center

La présence militaire de la Chine en Afrique en 5 chiffres-clés: Patrice Férus – TV5 Monde

Des armes chinoises pour défendre la paix en Afrique: Martina Schwikowski, Anne Le Touzé – Deutsche Welle

Chine, secteur privé, banques publiques : pourquoi les négociations sur la dette africaine sont bloquées: Alain Faujas – Jeune Afrique