MRE, qui ne veut pas de vous ?
Il est de ces récits qui font froid dans le dos. Bien qu’enracinés dans le simple fait divers, le sentiment amer de la Hogra ne cesse de se ressurgir tel un relent de mauvaises odeurs.
Afin de participer à l’effort national et surtout nationaliste, bon nombre de MRE reviennent après des années de dur labeur, pour investir dans la Mère patrie.
Cela peut aller de l’appartement économique, à la villa au Bled, en passant par un lopin de terre dans le village de leurs ancêtres. Et puis le Maroc, à coup de facilités, de guichets dédiés, d’opérations Marhaba… n’y va pas avec le dos de la cuillère. Le pays veut récupérer ses citoyens, et leurs devises au passage.
Pour certains, le départ de la Mère patrie n’a pas été sans douleur. Pour d’autres, ils sont nés à l’étranger, tonnant des notes d’arabe assaisonnées à la sauce étrangère. Mais le nationalisme est plus fort que tout. Il est parfois même encore plus fort chez ceux qui ne vivent pas au pays.
Mais, de tous temps, ce qui a toujours uni les MRE à travers le monde, c’est cette envie d’aider le reste de la famille, parents, grands-parents, enfants… Et depuis quelques années, s’est ajouté à cela, les facilités mises en place par l’État pour attirer ces MRE.
Dans son discours du 6 novembre dernier, le roi Mohammed VI a lancé un appel clair : il est temps de lever les obstacles qui freinent les Marocains résidant à l’étranger désireux d’investir et d’entreprendre dans leur pays d’origine. En lisant entre les lignes, l’on peut aisément comprendre le discours. Malgré leur attachement indéfectible au Royaume, les MRE se heurtent à de nombreux obstacles administratifs, culturels, financiers, et on en passe des vertes et des pas mûres, qui finissent souvent par éroder leur enthousiasme initial !
Pour faire court, le potentiel MRE est immensément important. À eux seuls, ils représentent plus de 110 milliards de dirhams d’envois d’argent en 2023. Un fonds qui fait vivre des millions de familles marocaines et qui participe à renflouer les réserves du Royaume en devises. Car oui, ils se comptent à hauteur de 5,4 millions de Marocains vivant à l’étranger. Si chacun d’eux venait investir, ne serait-ce que l’équivalent de 25.000 euros dans un appartement, le bénéfice serait important, représentant même un levier de croissance pour le domaine d’investissement.
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Certaines institutions marocaines ont mis en place des solutions concrètes. À commencer par Tamwilcom, une offre de soutien spécifique pour les entrepreneurs MRE. Dotée d’un budget d’un milliard de dirhams, cette initiative vise à faciliter l’accès au financement pour les projets entrepreneuriaux. Prioritairement, des secteurs sont mis en avant, tels que l’industrie, le tourisme, l’économie verte ou encore l’artisanat. Parallèlement, l’Office des Changes s’est engagé dans un processus de réglementation plus souple. Transferts de fonds, création d’entreprises, investissement personnel ou professionnel : des réformes pour fluidifier ces opérations essentielles pour les MRE.
Étude de cas : la vie ou la terre pour les MRE ?
Pour certains MRE ces procédures restent inatteignables, demeurant labyrinthiques, agrémentées d’une lenteur bureaucratique, d’un manque d’accompagnement, de différences culturelles…
Et dans l’affaire qui nous intéresse aujourd’hui, advient aussi le « racisme anti-MRE ». Oui, oui, vous avez bien lu. À l’instar du racisme anti-noir, du racisme anti-blanc, se développe ce racisme d’un tout nouveau genre. Celui qui consiste à détester un Marocain qui habiterait ou serait né à l’étranger, l’estimant « moins » Marocain, ou encore moins Musulman, que le reste.
Notre affaire
C’est l’histoire d’un couple de retraités marocains vivant en France, décidés à rentrer au Maroc et de prendre soin de leur terre avant qu’un évènement ne vienne tout bouleversé. Le drame se joue dans la région de l’Oriental, le 14 février 2024, vers 11h00 du matin. Ce couple possède un terrain clôturé et borné situé à quelques kilomètres de Taourirt. Quelle ne fut pas leur surprise de constater que ces barrières ont été détruites, à fin d’utilisation de cette terre par leurs voisins. Ces derniers ont d’ailleurs même dépassé cette limite juridique en s’attaquant directement au couple de MRE.
ATTENTION : les propos qui suivent contiennent des détails sensibles et peuvent heurter la sensibilité de certains lecteurs.
Il s’agit d’une agression d’une violence extrême qui a visé deux personnes âgées de 70 ans. Le fils du couple, Karim Bousseddane, relate les faits pour Le Brief. Des hommes et des femmes, armés de matraques et de pierres, ont d’abord intimidé leurs victimes avant de les frapper brutalement. L’homme agressé a subi la perte immédiate de son œil droit, gravement mutilé sur le coup, ainsi que de multiples fractures au visage. «Il a eu son œil droit crevé et en morceaux sur le coup, puis diverses fractures sur son visage», détaille le fils des victimes. Quant à la femme agressée, le sombrero qu’elle portait pour se protéger du soleil a, fort heureusement, atténué les coups portés à sa tête. Toutefois, son corps n’a pas échappé aux sévices infligés.
Les blessures des victimes ont nécessité une interruption de travail de plus de trois mois pour l’un et d’un mois pour l’autre. Après un rapatriement d’urgence en France, une opération de plus de trois heures a été réalisée dans une tentative désespérée de sauver l’œil endommagé. Malheureusement, l’état de celui-ci était si critique qu’il a été déclaré cliniquement mort, rendant toute vision définitivement impossible.
Revenons sur les faits, qui se sont déroulés au Maroc, près de Taourirt. Une plainte a été déposée, appuyée dès le début de l’enquête par les témoignages de deux témoins ayant signalé plusieurs agresseurs à la gendarmerie.
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Mais une histoire rocambolesque ne saurait s’arrêter là. Plusieurs semaines après les faits, un mystérieux témoignage est venu disculper une partie des agresseurs identifiés par les MRE. Ce témoignage émanerait, selon notre source, d’une femme employeuse des accusés, affirmant qu’ils se trouvaient ailleurs au moment des faits. Curieusement, ce seul témoignage semble avoir prévalu sur les deux autres, concordants et enregistrés dès le début de l’affaire.
Jugement
L’extrait de jugement rendu par la Cour d’appel de Oujda concerne une affaire d’agression grave. La victime principale, un homme, a subi des blessures physiques majeures, notamment la perte d’un œil, et des séquelles permanentes. Les accusés sont jugés pour violences volontaires ayant entraîné une infirmité.
Les faits
L’incident s’est déroulé dans un contexte de tension entre les parties. Selon les témoignages et le dossier, les accusés auraient attaqué la victime avec une violence extrême. L’arme utilisée, probablement contondante ou tranchante, a causé des dommages irréversibles, y compris la perte d’un organe vital (l’œil). Les circonstances exactes de l’agression démontrent un acte intentionnel et prémédité. La victime, dans ses déclarations, met en avant l’impact psychologique et physique de cet événement, affirmant que sa vie a été transformée de manière irréversible.
Décision de la cour
La Cour a jugé un accusé, un seul, coupable. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement, dont la durée est modérée compte tenu de la gravité des faits.
Le poids de la Hogra
Dans cette affaire, une seule personne a été poursuivie. Jugée par la cour d’assises de Oujda, cette personne a écopé d’une peine d’un an de prison ferme, d’un an avec sursis, ainsi que le paiement d’une indemnisation de 100.000 dirhams. Pourtant, une expertise judiciaire a confirmé la perte irréversible de l’œil de la victime et la nécessité de son retrait.
La question n’est plus seulement de savoir si la peine infligée au coupable est proportionnelle à ses actes, mais si elle respecte la gravité du traumatisme infligé. Quelles sont les conséquences humaines d’un système judiciaire défaillant ? Comment les victimes, déjà accablées par leurs blessures, vivent-elles le poids d’un verdict qu’elles jugent indigne ?
La justice marocaine est-elle un rempart pour les victimes, ou devient-elle le théâtre d’une double peine ?
Que dit la loi ?
La législation marocaine traite de manière stricte les actes de violence, en particulier lorsqu’ils causent des blessures graves ou des incapacités permanentes, comme la perte d’un œil. Le Code pénal marocain est le texte de référence pour déterminer les sanctions applicables contre les auteurs de ces agressions.
Qualification juridique des faits : lorsque deux personnes sont attaquées et frappées, il s’agit d’un acte de violence volontaire. La gravité des blessures détermine les articles applicables du Code pénal. Si l’une des victimes a subi une blessure permanente, comme la perte d’un œil, cela entre dans la catégorie des violences ayant causé une mutilation ou une infirmité permanente, ce qui aggrave les sanctions.
Le Code pénal, en ses articles 400 à 402, définit et sanctionne les violences et blessures volontaires. L’article 401, notamment, établit que « Lorsque les blessures ou les coups ou autres violences ou voies de fait ont entraîné une incapacité supérieure à vingt jours, la peine est l’emprisonnement d’un à trois ans et l’amende de 200 à 1.000 dirhams. Lorsqu’il y a eu préméditation ou guet-apens ou emploi d’une arme, la peine est l’emprisonnement de deux à cinq ans et l’amende de 250 à 2.000 dirhams. Le coupable peut, en outre, être frappé pour cinq ans au moins et dix ans au plus de l’interdiction d’un ou plusieurs des droits mentionnés à l’article 40 du présent code et de l’interdiction de séjour ».
Cependant, dans le cas de blessures ayant entraîné une infirmité permanente comme la perte d’un œil, les sanctions deviennent beaucoup plus sévères, conformément à l’article 402. « Lorsque les blessures ou les coups ou autres violences ou voies de fait ont entraîné une mutilation, amputation ou privation de l’usage d’un membre, cécité, perte d’un œil ou toutes autres infirmités permanentes, la peine est la réclusion de cinq à dix ans. Lorsqu’il y a eu préméditation ou guet-apens, ou emploi d’une arme, la peine est la réclusion de dix à vingt ans ».
La perte d’un œil est considérée comme une infirmité permanente, car elle prive la victime de l’usage partiel de sa vue, ce qui altère sa qualité de vie de façon irréversible. Dans ce cas, les auteurs des faits sont exposés à une peine pouvant atteindre 20 ans d’emprisonnement.
En parallèle des sanctions pénales, la loi marocaine prévoit la possibilité pour les victimes d’exiger une indemnisation civile pour les dommages corporels et moraux subis.
Dans ce contexte, l’appel est l’ultime recours, que la famille a lancé depuis le 3 décembre. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le débat devait avoir lieu le 17 décembre dernier. En absence de l’avocat de la partie adverse, la séance a été repoussée au 24 décembre prochain.
Affaire à suivre…