Mohamed Mehdi Bensaid, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication © DR
LeBrief.ma : La fête de la Jeunesse n’est pas seulement une célébration de l’anniversaire du Souverain mais aussi celle de toute la jeunesse marocaine. Qu’est-ce que cette fête représente pour vous ?
Mohamed Mehdi Bensaid : La fête de la jeunesse représente l’occasion idoine pour célébrer la jeunesse marocaine, ses aspirations et son ambition. Elle est également l’occasion faire le bilan des politiques de jeunesse et entreprendre de répondre aux attentes de nos jeunes concitoyens. En tant que jeune ministre et ministre de la jeunesse, cette célébration m’honore et m’engage. Elle m’honore en ce que Sa Majesté le Roi, que Dieu L’assiste, fait confiance à la jeunesse de son pays pour diriger, sous sa conduite éclairée, un département aussi important. Elle m’engage en ce que la responsabilité qui m’incombe et les tâches qui sont les miennes me poussent à agir pour ne pas décevoir.
LeBrief.ma : Vous êtes le plus jeune ministre du gouvernement Akhannouch. Du haut de vos 37 ans, vous considérez que vous faites partie de cette frange de la jeunesse marocaine ?
Mohamed Mehdi Bensaid : Effectivement, je fais partie intégrante de cette jeunesse marocaine portée par l’espoir et nourrie à l’espérance. Bien que je ne pense pas que la jeunesse soit une question d’âge, il m’est important de servir cette frange de la population à laquelle j’appartiens et m’identifie pleinement.
LeBrief.ma : Le potentiel de notre jeunesse est énorme. C’est un capital inestimable pour le Maroc de demain. Quelle est votre stratégie pour promouvoir la place des jeunes et les impliquer dans les affaires publiques ?
Mohamed Mehdi Bensaid : Je ne pense pas qu’il soit important que pour demain, il l’est tout autant pour le Maroc d’aujourd’hui. Les jeunes marocains sont d’ores et déjà très impliqués dans les affaires publiques, je vous invite a faire un tour sur les réseaux sociaux pour voir la passion qui les anime. Notre défi aujourd’hui n’est pas celui de les intéresser à la chose publique, ils en sont des acteurs majeurs. La question est de ne pas les décevoir, d’être à la hauteur de leurs espoirs, de restaurer leur confiance.
Aussi, la stratégie jeunesse que nous mettons en place depuis le début du mandat se décline sur trois axes primordiaux : d’une part, fixer la priorité de la politique de la jeunesse sur les priorités des jeunes au Maroc aujourd’hui. Trop longtemps, les politiques de jeunesse au Maroc sont restées prisonnières de politiques conservatrices héritées. Aujourd’hui, la jeunesse marocaine a besoin d’espérance et de travail. Il a donc été convenu dès le début de mon mandat d’axer ces politiques sur la priorité de la formation et de l’emploi. Dans ce cadre, notre département a décidé de réconcilier la jeunesse marocaine dans son ensemble avec les infrastructures qui lui sont dédiées. En mettant les questions de formation et d’insertion sur le marché du travail au cœur de nos priorités, nous avons commencé à établir des partenariats avec différentes structures nationales et internationales pour encourager la formation au cœur mêmes des maisons de jeunes. Aussi, nous avons décidé de restaurer les espaces de rencontres pour la Jeunesse, notamment à travers la restauration des auberges de jeunesse, qui permettront une meilleure mobilité pour la jeunesse marocaine et internationale de passage au Maroc.
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LeBrief.ma : Ne faut-il pas commencer par regagner la confiance de ces jeunes ?
Mohamed Mehdi Bensaid : Comme je viens de le signaler, le défi majeur auquel nous devons nous atteler est celui de la restauration de la confiance. Celle-ci exige de nous un engagement sans faille et de tous les instants en faveur de notre pays et des citoyens que nous servons. Le débat de la confiance est un sujet que nous devons prendre très au sérieux, et je dédie mon mandat également au rétablissement de la confiance, notamment à travers la mise en place de politiques sérieuses, crédibles et en phase avec les aspirations de la jeunesse marocaine.
LeBrief.ma : Vous avez initié une réorganisation des institutions des jeunes. Quelle est votre approche en la matière ?
Mohamed Mehdi Bensaid : En effet, l’un des chantiers prioritaires que j’ai démarré depuis le début de mon mandat est une mise à niveau des infrastructures dédiées à la jeunesse. Premièrement, il s’agit d’adapter ces infrastructures aux besoins de la jeunesse au 21e siècle. En lançant un programme ambitieux, en collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux, pour la réinsertion des NEETs (Not in Employment, Education or Training) dans le marché du travail. Ce projet vise à rendre confiance à ces jeunes en eux-mêmes d’abord, puis en la société qui leur donne l’impression de les avoir abandonnés. Les structures des maisons de jeunes seront ainsi dédiées à l’insertion, la formation, l’entrepreneuriat et la culture. Tous ces axes étant les clés pour une jeunesse qui s’implique pleinement dans sa communauté de destin.
Aussi, les centres de protection de l’enfance sont une priorité au plus haut de ma liste. Ces centres sont autant stratégiques pour nous que pour l’ensemble de la société. Ils doivent être mis à niveau, souvent refaits, et mobiliser autour d’eux tant nos ressources financières qu’humaines. Les enfants qui y séjournent n’ont souvent que l’État pour seul encadrant, et il est de notre rôle, et de notre devoir, de les protéger et de les préparer à devenir des forces d’action positive au sein de notre société à l’avenir. Dans le même cadre, une jeunesse ne peut s’accomplir sans être ouverte à la culture, la sienne d’abord, puis celles qui font le monde qui les entoure. La culture reste le principal rempart face aux différentes formes d’extrémisme, et elle seule peut susciter des vocations. C’est pourquoi nous avons décidé de faire de nos infrastructures dédiées à la jeunesse des lieux de culture, à travers l’installation de salles polyvalentes, pouvant projeter des films, accueillir des concerts et des pièces de théâtre.
LeBrief.ma : Carte « jeunes », coding, gaming… Comment évoluent les différents projets lancés par votre ministère ?
Mohamed Mehdi Bensaid : Cette première phase du mandat a été dédiée à la mise en place de ces idées, leur étude, leur lancement.
Aujourd’hui, nous passons à la phase de concrétisation. Nous restons attachés à notre rôle qui consiste en l’ouverture de nouveaux horizons, de nouvelles possibilités, et je demeure convaincu que les citoyens marocains foisonnent de ressources insoupçonnées, de capacités et d’une volonté inébranlable à construire leur propre avenir.
LeBrief.ma : Les partis politiques sont en déphasage avec le dynamisme sociétal et le rôle actif d’une jeunesse excédée de voir en permanence les mêmes personnes d’un autre âge briguer un nouveau mandat. Comment rompre avec ces pratiques qui découragent les jeunes afin de les intéresser davantage à la politique ?
Mohamed Mehdi Bensaid : La seule manière de changer les choses passe par l’engagement des jeunes. Les pratiques que vous évoquez sont un mal qui ronge la politique partout dans le monde, et la seule manière d’y remédier est l’engagement. L’engagement n’en signifie pas la réussite immédiate, mais l’abnégation, le militantisme, et la permanence de la lutte sont les clés pour dépasser les difficultés d’aujourd’hui. Notre rôle est de rétablir les liens de confiance, par le travail. Mais la jeunesse se doit également de prendre part à cet engagement, d’apporter sa pierre à l’édifice, et de ne jamais baisser les bras. C’est ainsi que le changement sera réalité.
LeBrief.ma : Cet entretien est axé principalement sur les dossiers relatifs à la jeunesse marocaine mais on ne peut échanger avec vous sans évoquer les deux autres départements sous votre responsabilité, à savoir celui de la communication et celui de la culture. Pour ce qui est de la communication, les entreprises de presse sont embourbées dans une crise financière sans précédent. Au-delà des subventions, quelle recette préconisez-vous pour sortir le secteur de l’ornière ?
Mohamed Mehdi Bensaid : Dès le début du mandat, j’ai lancé plusieurs consultations avec les principaux acteurs de la presse nationale afin de construire un modèle économique viable. L’engagement du gouvernement dans ce sens est nécessaire mais pas suffisant. Nous discutons avec l’ensemble des partenaires afin de pouvoir trouver une solution commune aux problèmes auxquels ce secteur fait face, particulièrement suite à la crise liée à la Covid-19.
LeBrief.ma : De tout temps, la culture a été le parent pauvre des politiques publiques. Aujourd’hui, vous multipliez les initiatives pour l’émergence de véritables industries culturelles et créatives. Quelles sont vos priorités à ce niveau ?
Mohamed Mehdi Bensaid : Nous allons proposer une stratégie pour le secteur culturel dans les prochaines semaines. Mes priorités sont claires et expliquent mon action depuis le début du mandat. D’abord, mettre à niveau les espaces culturels, tant artistiques que patrimoniaux. Mettre en valeur notre héritage et l’exploiter de sorte à démocratiser l’accès à la culture. Et mettre en place une économie de la culture efficace, rentable et à même de porter le secteur culturel de manière structurelle et pérenne. La politique culturelle du Royaume, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, se déroule selon les axes suivants :
La célébration du patrimoine culturel matériel et immatériel du pays. En effet, nous avons la chance de vivre dans un pays dont l’Histoire autant que la construction identitaire s’étalent sur plusieurs millénaires ; depuis le début du mandat, nous avons célébré plusieurs découvertes, qui placent notre territoire national au cœur des plus grandes découvertes archéologiques, et qui aujourd’hui, grâce à nos scientifiques, confirme la centralité de notre territoire nationale dans l’évolution de la civilisation humaine autant que dans son éclosion. Connaitre le passé pour éclairer l’avenir : tel a été l’objectif des célébrations organisées à la marge de ces découvertes. Aussi, au-delà de la célébration de l’Histoire, il s’agit de conter le dessein unique de notre pays, au carrefour des civilisations, qui a su s’ériger en espace multiculturel profondément attaché à sa diversité et à son unicité.
- La démocratisation de l’accès à la culture : ce point est très important dans la politique que nous menons et que nous entendons continuer. En effet, nous estimons que la démocratisation de l’accès à la culture est un rempart important à toutes les formes d’extrémisme, et qu’il permettra, in fine, l’éclosion d’une véritable économie culturelle telle que souhaitée par l’ensemble des acteurs. Trop longtemps, la culture au Maroc est restée prisonnière d’un élitisme qui frisait l’arrogance, et créait un gap entre le citoyen et l’espace culturel dans son ensemble. Toutefois, les marocains ont toujours marqué leur attachement aux produits culturels de qualité, en témoignent les «alternatives culturelles» qu’ils se sont créés : aux cinémas abandonnés, les citoyens ont substitué les lecteurs de CD, puis le streaming… La demande est très présente, voire prégnante, il s’agit pour nous aujourd’hui, auprès de nos partenaires, de proposer l’offre adéquate, qualitativement et quantitativement. Aussi, nous nous sommes intéressés aux formes nouvelles de culture. D’aucuns disaient que les Marocains ne s’intéressaient plus à la musique. Pourtant, les artistes marocains sont les plus écoutés en Afrique et dans la région MENA. Les concerts font salle comble. Le rôle de notre ministère n’est pas «d’imposer» une culture, mais d’accompagner toutes les expressions culturelles qui traversent notre société.
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- Créer une industrie culturelle : depuis le début de notre mandat, nous nous attachons à créer une industrie culturelle autonome, permettant de substituer la rentabilité économique à la rente. En créant 150 «cinémas de proximité» à travers le Royaume… En encourageant les investisseurs qui souhaitent s’installer au Maroc… En développant nos infrastructures de formation dans les métiers ayant trait à la production culturelle… En réformant le BMDA (Bureau marocain du droit d’auteur, NDLR). En créant le «Label Maroc». Nous nous attelons à mettre en place les jalons d’une économie de la culture forte et pérenne, qui laisse le choix au consommateur et qui favorise une logique de marché.
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