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Migration : la main d’œuvre marocaine est toujours sollicitée

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Image d'illustration © DR

Alors que le Maroc prépare la relance du secteur touristique, certains pays européens ne cessent de solliciter la main-d’œuvre marocaine. Migration des saisonnières pour la collecte agricole, des chefs cuisiniers, des serveurs, diverses compétences émigrent afin de rechercher de nouveaux horizons et opportunités. Quel est l’enjeu économique de ces déplacements pour le Maroc ? Réponse avec Mohamed Khachani, président de l’Association marocaine d’études et de recherches sur les migrations, et auteur de plusieurs ouvrages sur la migration.

L’émigration des Marocains vers les pays européens pour travailler ne date pas d’hier. C’est une « pratique » qui a été déclenchée, précisément, en 1914, au début de la Première Guerre mondiale. En effet, les autorités coloniales françaises ont procédé au recrutement de dizaines de milliers de travailleurs et de soldats, dans le cadre d’ »une migration militarisée ».

Depuis, ce flux migratoire des nationaux vers la France n’a pas cessé. La pénurie et le besoin immédiat de main-d’œuvre, après la Seconde guerre mondiale en 1945, ont ensuite provoqué un autre recrutement forcé. Cette fois-ci, des milliers de Marocains ont émigré vers l’Hexagone pour la rebâtir, notamment en travaillant en tant qu’ouvriers dans les usines, mines, armée, etc.

Ces départs vers la France ont été marqués par une politique de réglementation et de contrôle particulière. La première mesure, mise en place par le maréchal Lyautey en 1918, concerne les conditions de recrutements des candidats à l’émigration. De facto, l’âge des émigrés devait être entre 25 et 50 ans et le recrutement devait être effectué dans le sud du Royaume.

Selon Mohamed Khachani, président de l’Association marocaine d’études et de recherches sur les migrations, «cette émigration a continué jusqu’aux années 1970, lorsque l’Europe et la France ont adopté des politiques migratoires restrictives, c’est-à-dire que l’émigration à titre individuel est arrêtée. En revanche, le relais est pris, car la migration familiale a commencé, notamment le regroupement familial». Il ajoute : «Les pays européens sont conscients du fait que pour l’immigré soit plus productif, il faut que sa famille et ses enfants soient avec lui. Ce qui a entrainé deux conséquences colossales, notamment un rajeunissement de l’effectif migratoire et une migration de plus en plus prononcée».

Circulaire du 13 juillet 1928 suspendant l’émigration marocaine vers la France © DR

Aujourd’hui encore, le Maroc connait le même scénario, ou presque. Les pays européens sollicitent la main-d’œuvre marocaine, afin de travailler dans plusieurs secteurs relatifs au tourisme, à l’agriculture et autres.

Lire aussi : Banque mondiale : augmentation de 40% des transferts d’argent vers le Maroc en 2021

Dames de fraise : une migration saisonnière habituelle

Dans le but de satisfaire leur besoin en main-d’œuvre, les États membres de l’Union européenne ont eu recours à la migration circulaire depuis la Première Guerre mondiale. Construction de l’Europe et participation aux deux guerres, la procédure de recrutement a évolué à travers les années pour répondre aux exigences des pays recruteurs. Depuis 2006, le Maroc et l’Espagne ont mis en place différentes conventions de partenariat pour effectuer une présélection des candidats en se basant sur des critères validés par les employeurs espagnols. Il s’agit de femmes migrantes appelées également « Dames de fraises ». Ces femmes maintiennent un statut permanent de migrantes circulaires, en évitant l’immigration définitive dans le Sud espagnol.

L’expert nous précise que, dernièrement, «la femme émigre à titre individuel pour travailler, comme c’est le cas avec la migration saisonnière adoptée par certains pays comme la France, l’Allemagne, l’Espagne et les pays du Golf aussi». C’est un phénomène lié à diverses raisons, notamment «la pauvreté, la déperdition scolaire, le chômage, etc.», ajoute-t-il.

Les activités agricoles saisonnières sont confiées à l’Agence de la promotion d’emploi et des compétences (Anapec) par le ministère de l’Emploi. Ce dernier se charge non seulement de l’accompagnement et l’orientation de ces migrantes, mais aussi du recrutement basé sur des critères stricts et précis. Pour ces femmes, une fois le rêve devient réalité, cette réalité est loin d’être un rêve. Le dos courbé, les mains sales et un corps debout toute la journée, leurs attentes liées au travail ne correspondent pas à la réalité pénible du travail.

Lire aussi : Migration saisonnière : le retour des Marocaines 

Recrutement de la main-d’œuvre marocaine en 2022 : quel enjeu ?

Après plusieurs mois de confinement en raison de la Covid-19, certains pays s’apprêtent à relancer leur économie nationale. À l’instar des autres États, le gouvernement espagnol a l’intention d’assouplir les mesures liées au permis de travail. Tourisme, restauration, chantiers… ces secteurs font face à une pénurie de personnel. Cette initiative vient contrer cette hémorragie en recrutant de nouveaux travailleurs, dont des Marocains.

«Nous évaluons différents aspects de la loi sur la migration et là où il est possible de l’améliorer… afin de remédier aux goulots d’étranglement sur le marché du travail espagnol», a déclaré le ministre espagnol de la Sécurité sociale et de l’Immigration, José Luis Escriva.

En outre, l’exode des compétences est un fléau handicapant pour le Maroc. Pour Mohamed Khachani, «il s’agit d’une hémorragie pour le Royaume, qui perd chaque année un nombre relativement important de diplômés avec un savoir et un savoir-faire colossal».

Le fait que l’Europe fait appel au recrutement de la main-d’œuvre n’est pas anodin. Selon l’expert, «l’Europe n’a pas besoin, principalement, de la main d’œuvre. En effet, l’Europe est un continent qui vieillit, c’est-à-dire que le taux de fécondité baisse de plus en plus. Donc l’accueil d’une jeune main-d’œuvre dans ces pays-là est stratégique aussi».

Enfin, l’émigration au Maroc représente une véritable source de financement et de développement économique à travers les transferts de fonds. «Effectivement, nous avons besoin de la main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, comme le bâtiment et les travaux domestiques. Mais l’émigration d’une catégorie du personnel soulage le chômage et la pression sur l’économie nationale également», conclut l’intervenant.

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