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La semaine dernière, les autorités mauritaniennes ont augmenté les taxes douanières au passage frontalier d’El Guerguarate, reliant le Maroc à la Mauritanie. Celles-ci ont accusé une hausse de plus de 170%, ont rapporté plusieurs sources locales concordantes. Officiellement, le gouvernement de Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani n’a émis aucune annonce à ce sujet, mais plusieurs camions marocains de transport de marchandises sont bloqués à la frontière, faute de pouvoir s’acquitter du tarif à l’entrée du territoire mauritanien, estimé à près de 60 000 DH (plus de 190 000 ouguiyas, ou l’équivalent de 4 600 €), contre un total de 28 000 DH (70 000 ouguiyas, ou l’équivalent de 1 600 €).
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Certaines sources concordantes rapportent tout de même quelques éclaircissements du ministère mauritanien de l’Économie. Parmi eux, la nature même de la décision : celle-ci ne concerne que les importations du pays en légumes, tandis que celles concernant les fruits sont exclues de cette hausse.
Cette décision qui prend de court les transporteurs et affecte directement l’approvisionnement du marché mauritanien à l’image de l’espace de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) serait justifiée, selon les médias locaux qui citent des responsables du pays, par la volonté de promouvoir le produit national. Une mesure qui viendrait, en outre, répondre à la demande des producteurs locaux de protéger leur production de la concurrence étrangère dans l’optique de conserver leurs activités et protéger leurs intérêts. Elle aurait été actée pour les trois prochains mois, selon l’agence de presse mauritanienne Al-Akhbar, qui fait état que la période coïncide avec la saison des récoltes des agriculteurs dans le pays.
En réalité, nombre d’observateurs relèvent la temporalité de la décision qui coïncide d’une part avec l’annonce récente du côté algérien d’un accord de libre-échange avec Nouakchott, et d’autre part l’incident survenu le 31 décembre dernier dans la zone Est du Mur des Sables, qui a coûté la vie à quatre orpailleurs mauritaniens selon les médias proches du Front Polisario.
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La hausse pourrait avoir des conséquences sur les marchés mauritaniens – le pays étant depuis 2022 sous l’impact douloureux de l’inflation (9,5% cette année-là) – et ouest-africains où les blocages actuels pourraient entraîner des hausses conséquentes des prix des légumes à l’approche du mois de Ramadan. Toutefois, une source autorisée au sein du ministère mauritanien de l’Économie a assuré que les camions marocains dont la destination est l’Afrique de l’Ouest sont tous exonérés de cette hausse.
Un jeu dangereux ?
Alors que les implications de cette hausse sur les relations futures entre la Mauritanie et le Royaume restent encore incertaines, renforcées par l’absence d’explication des autorités mauritaniennes, les conséquences économiques immédiates se font sont déjà ressentir par les acteurs du commerce transfrontalier. Et si l’on se fie aux médias locaux, les consommateurs finaux en Mauritanie dénoncent déjà la hausse des prix des légumes et fruits en provenance du Maroc.
Samedi, le Forum du Consommateur Mauritanien (FCM) a dénoncé l’augmentation des frais de douane, dans un communiqué publié sur sa page officielle Facebook. Le FCM critique cette situation qui «a provoqué une hausse des prix et a aggravé les souffrances des citoyens». Il note également que le pouvoir d’achat des Mauritaniens est impacté par la hausse continue des prix et appelle les autorités à «prendre des mesures urgentes pour protéger les droits des consommateurs».
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La valeur des importations mauritaniennes à partir du Maroc a été évaluée à environ trois milliards de DH pour la seule année 2022. Dans sa note annuelle du commerce extérieur du pays, l’Office national de la statistique (ONS), qui ne prend en compte que les importations passibles de droits de douane, fait ressortir que les échanges commerciaux entre les deux pays sont passés de près de 900 millions de DH (3 007,9 millions d’ouguiya) en 2020, à quelque 2,5 milliards de DH (6 813,5 millions d’ouguiya).
C’est une croissance de 58% en seulement deux ans. Des chiffres satisfaisants pour les deux parties qui n’auraient pu être atteints sinon la sécurisation, en décembre 2020, des échanges commerciaux transitant par le passage terrestre d’El Guerguerate, et ce après les tensions qui avaient éclaté. En 2022 seule, ce sont près de 45 000 camions qui ont transité par le poste frontalier, transportant pour la majorité l’une des trois catégories suivantes : produits alimentaires et agricoles, produits manufacturés et machines et équipements de transport. Les exportations de fruits et légumes représentent, à elles seules, 20% du total des exportations marocains.
Cette reprise dans le volume et la valeur des échanges commerciaux consolide la position du Royaume en tant que premier fournisseur du marché mauritanien en Afrique, les importations de la Mauritanie en provenance du Maroc représentant environ 50% de l’ensemble de ses importations du continent. Au sein du Maghreb, ces importations représentent plus de 73% des importations en provenance des pays de cette région.
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Avec les autres pays africains, les échanges commerciaux au titre de l’année 2022 avaient atteint 64,3 milliards de DH, soit une hausse de près de 40% par rapport à 2021. L’Égypte, l’Afrique du Sud, Djibouti, la Tunisie et la Côte d’Ivoire ont été les principaux partenaires commerciaux du Maroc en 2022, selon l’Office des Changes. Ces cinq pays représentaient environ la moitié des échanges commerciaux du Maroc avec le continent.
Concernant les exportations du Maroc, l’Office des Changes révèle que Djibouti était le premier destinataire des marchandises marocaines, avec des volumes d’une valeur de 5,4 milliards de DH. La Côte d’Ivoire justement arrive deuxième avec 3,1 milliards de DH, suivie de la Mauritanie (2,9 milliards de DH), du Sénégal (2,8 milliards de DH) et du Nigeria (1,8 milliard de DH).
Toutefois, à en croire le ministère mauritanien de l’Économie, le marché africain ne devrait pas être affecté par la hausse des tarifs douaniers décidée par Nouakchott.
L’ombre d’Alger ?
Et pour certains analystes, l’annonce de cette hausse drastique des frais de douane imposée aux exportateurs marocains de légumes intervient au moment où Alger veut conclure un accord de libre-échange avec Nouakchott. En effet, le président algérien, Abdelmajid Tebboune, aurait demandé, dimanche 24 décembre, à son Premier ministre de procéder immédiatement au lancement d’une étude en vue de l’ouverture rapide d’une zone de libre-échange entre la Mauritanie et l’Algérie, fait savoir Financialafrik.
Les médias algériens, pour leur part, voient dans cette décision l’éloignement mauritanien du Royaume, citant l’absence de Nouakchott du forum des États du Sahel et plus tard s’interrogeant sur l’existence d’un lien avec la mort d’orpailleurs à l’Est du Mur des Sables. Selon les médias algériens, le désenclavement du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad proposé par Rabat, avec notamment l’Initiative royale pour favoriser l’accès des pays du Sahel à l’Océan Atlantique, reste tributaire de la Mauritanie.
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A la lumière de ces événements, Nouakchott, en augmentant ses taxes, chercherait peut-être à renégocier sa position commerciale dans la région et la dynamique géopolitique en serait tout autant bouleversée. Notons que l’Algérie est en froid avec trois des pays du Sahel susmentionnés.
Toutefois ce projet de zone de libre-échange n’est pas chose nouvelle. En 2021 déjà, le ministre algérien de l’Intérieur avait annoncé, à l’issue des travaux de la 1re session du Comité bilatéral frontalier algéro-mauritanien, «la création d’une zone de libre-échange entre les deux pays au niveau de la région frontalière, de l’organisation permanente des foires économiques et commerciales à Nouakchott et de l’encouragement des opérateurs économiques des deux pays à vendre leurs produits dans les marchés algérien et mauritanien».
Alger mise sur l’augmentation de ses exportations jusqu’à 50 millions de dollars. Les ventes algériennes vers la Mauritanie ont enregistré une hausse de 100% au cours du troisième trimestre de 2020 par rapport à la même période de 2019, soit près de 9 millions de dollars. Pour comprendre l’attrait d’Alger, il convient de noter que les exportations du pays vers la Mauritanie sont passées de 570,37 millions de DH (1 554,5 millions d’ougiya) en 2020 à 1,02 milliard de DH en 2021 (2 798,3 millions d’ougiya), puis à 1,26 milliard de DH en 2022 (3 437,1 millions d’ougiya). Des échanges qui restent en deçà de la balance commerciale réalisée par le Maroc.
La suspension marocaine des exportations mise en cause
Il est rapporté, de source professionnelle bien informée, que «les importateurs mauritaniens de fruits et légumes sont mécontents de la décision des autorités de leur pays d’augmenter les droits de douane sur les légumes importés du Maroc par le poste-frontière de Guerguerat, et ils sont actuellement en train de négocier avec les douanes mauritaniennes en vue de réviser cette décision», notant que cette dernière intervient en réponse à la suspension du Maroc des exportations de certains types de légumes vers le marché mauritanien et certains autres marchés africains afin de faire face aux prix élevés de ces matières premières sur le marché national.
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En février dernier, le Maroc avait, en effet, décidé de suspendre les exportations de certains types de légumes pour sécuriser les besoins du marché national, compte tenu de la flambée des prix que connaissent la plupart des produits agricoles, et ce, dans un souci de rééquilibrer le marché intérieur. C’était le cas notamment, des pommes de terre, des oignons et des tomates qui passaient par le poste frontalier d’El Guerguarate. Puis en octobre, cette décision a été reconduite.
Les autorités mauritaniennes auraient auparavant proposé une assistance aux producteurs de fruits et légumes marocains afin de produire leurs récoltes à l’échelle locale pour surmonter les effets de la décision marocaine.
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