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Maroc-France : nouvelle ère de réciprocité ?

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Emmanuel Macron et le roi Mohamed VI à l’inauguration de la ligne ferroviaire à grande vitesse LGV Tanger-Kenitra, résultant d’un accord franco-marocain signé sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Gare de Rabat Agdal, 15 novembre 2018. © Fadel Senna / AFP

La visite d’Emmanuel Macron au Maroc programmée fin octobre augure un tournant dans la dynamique des relations interétatiques bilatérales. En effet, cette visite présage un continuum de la décision prise par le président français quant à son appui de la marocanité du Sahara. La France redevient-elle un partenaire privilégié du Royaume ? Driss Aissaoui, analyste politique, nous répond.

Depuis quelques années, entre le Royaume et la France, il y a des périodes de réchauffement et de refroidissement. En effet, au début du mandat d’Emmanuel Macron, une politique d’«amitié» s’était nouée entre le Maroc et la France. Et en juin 2017, le président français avait visité le Royaume pour la première fois. La visite avait duré 2 jours, les 13 et 14 juin 2017.

Malheureusement, depuis cette date, plusieurs évènements ont impacté négativement les relations bilatérales entre les deux nations notamment le rapprochement de l’Algérie et la France, mais aussi la non-reconnaissance de la marocanité du Sahara par la France.

À présent, le Maroc a changé de paradigme en termes de relations internationales. Le pays juge désormais les relations interétatiques sous le prisme du Sahara Marocain. La France, étant considérée comme un partenaire significatif pour le Royaume, n’a pas tenu compte des attentes du Royaume quant au respect des valeurs viscérales qui priment sur la souveraineté nationale pour la marocanité du Sahara. D’autres pays tels que les États-Unis, Israël, l’Espagne ont, eux, reconnu le plan d’autonomie du Sahara marocain.

La politique ambivalente de la France quant au sujet crucial de la marocanité du Sahara a jeté une vague de froid sur les relations bilatérales. Ce jeu d’équilibriste opéré par la France quant à la perpétuation du statuquo dans la région, n’avait que trop duré pour Rabat. Ainsi, la France a perdu son statut de partenaire privilégié avec le Maroc au détriment d’autres puissances, et Paris a été relégué à une relique du passé en termes de puissance d’influence pour le Royaume.

Cependant, un tournant a été opéré avec l’appui de la France quant à la reconnaissance de la marocanité du Sahara. En effet, Paris s’est lassé de la politique étrangère ambiguë du régime algérien, resté fidèle à son chantage mémoriel. Ainsi, à l’occasion de la fête du Trône, le président Emmanuel Macron a considéré que le présent et l’avenir du Sahara s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. Et le soutien de la France à la marocanité du Sahara est très important. La France est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, et dispose d’archives qui peuvent contribuer à la justification de la marocanité du Sahara.

Lire aussi : Sahara : «La France s’expose à être reléguée au rang de puissance du passé», Hafid Boutaleb

Ce geste est loin d’être anodin. C’est de la realpolitik : le Royaume est une terre d’opportunités pour la France, notamment avec l’extension de sa ligne ferroviaire à grande vitesse à Agadir. Aussi, le Sahara représente un potentiel immense en termes d’investissement pour la France pour le financement de la ligne électrique Casablanca-Dakhla. De même, avec l’organisation tripartite de la Coupe du monde 2030, Maroc-Espagne-Portugal, le Royaume représente une terre d’opportunités en termes de contrats d’infrastructures pour les entreprises françaises qui souhaiteraient opérer au Maroc.

La France possède toutefois des atouts indéniables tels le fait que l’Hexagone demeure le principal investisseur au Maroc avec plus de 1.300 entreprises actives sur son sol et un stock d’environ 8 milliards d’euros d’IDE. Par ailleurs, les échanges ont atteint 14 milliards d’euros en 2023. In fine, le Royaume représente 19,1% des échanges de la France avec l’Afrique.

Relation Maroc-France : changement de paradigme

Selon le politologue Driss Aissaoui, la France a connu ces derniers temps des relations compliquées avec les pays africains. C’est pour cela qu’une nouvelle dynamique a été enclenchée en affermissant les relations avec les pays du Maghreb. Le Royaume fait partie de cette équation géopolitique. À ce jour, plus de 29 pays ont ouvert leur consulat général à Dakhla ou à Laayoune. Cela signifie que ces pays sont en train de mener une réflexion intelligente et prospectiviste en implantant leurs consulats dans le sud du Maroc. De facto, la France a opté pour un positionnement stratégique qui aura des conséquences positives à l’avenir sur plusieurs niveaux.

Par ailleurs, le politologue a souligné que ce rapprochement Maroc-France va permettre à l’Hexagone de revenir en Afrique, car la France a perdu au fil des années son influence continentale. Le Maroc possède des atouts considérables grâce notamment au gazoduc Maroc Nigéria qui est un vecteur d’intégration continental pour 14 pays africains qui vont pouvoir profiter du gaz naturel. Ainsi, le Royaume est tourné vers l’avenir, oubliant le passé colonial de la France, et réfléchissant sur le présent et l’avenir.

Lire aussi : Posément, Rabat et Paris se retrouvent après «une longue traversée du désert»

Ce rapprochement bilatéral va raffermir les relations de confiance entre la France et le Maroc, en étant sur un même piédestal. Un changement de paradigme émerge où l’on fait abstraction du discours dominant/dominé, mutant vers une relation constructive pour un avenir meilleur.

La France a compris finalement que le Maroc est devenu une puissance régionale, advenant la locomotive de l’Afrique. Plusieurs secteurs sont touchés, notamment les énergies renouvelables représentant un pan énergétique d’avenir et un levier de croissance à long terme pour le Maroc.

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